Bien que cela fasse un an depuis que le gouvernement a déposé son nouveau projet de loi visant à mettre en place des mesures de précontrôle au sein d’aéroports canadiens, les débats portant sur le système décrit dans le projet de loi C-23 restent toujours aussi houleux.
Selon la CBC, le bureau du premier ministre continue d’être inondé de courriels provenant de Canadiens qui s’inquiètent des pouvoirs que le projet de loi C-23 confère aux contrôleurs américains.
En tant que sénatrice des Canadiens de partout au pays m’ont également fait part de préoccupations semblables. Ils craignent que le projet de loi C-23 ne permette aux contrôleurs américains en sol canadien d’effectuer des fouilles à nu, de porter des armes et même d’empêcher les gens de quitter les entrevues de précontrôle.
Malgré les préoccupations des Canadiens, le gouvernement appelle au calme en vantant les mérites de l’article 11 du projet de loi qui stipule que les contrôleurs doivent s’acquitter de leurs fonctions conformément aux lois canadiennes. Le gouvernement est d’avis que cet article suffira pour empêcher toute forme de violation des droits de la personne par des contrôleurs.
Malheureusement, mes propres études sur le projet de loi révèlent que cet argument n’est pas tout à fait exact. Bien que l’article 11 aurait pu être efficace isolément, le fait est qu’il est rendu complètement invalide par l’article 39(2) qui protège les contrôleurs contre toute sorte de procédures civiles.
Il ne faut pas oublier que les plaintes fondées sur la Charte canadienne des droits et libertés — la loi la plus solide du Canada en matière de droits de la personne — ne peuvent être déposées que dans le cadre de procédures civiles. Cela veut dire que les contrôleurs américains seront à l’abri des plaintes fondées sur la Charte et qu’ils auront très peu de raisons de respecter la Charte.
Pire encore, l’article 39(1) du projet de loi stipule que tout Canadien qui souhaite déposer une plainte devant les tribunaux doit poursuivre le gouvernement américain dans son ensemble plutôt que le contrôleur.
Dans ce cas, le plaignant n’a aucune chance de gagner. Jamais un seul Canadian n’a obtenu gain de cause contre le gouvernement américain dans toute l’histoire juridique du Canada.
En outre, la Cour suprême du Canada a démontré qu’elle ne statuerait jamais contre les États-Unis et qu’elle ne recommanderait même jamais que le Canada demande un dédommagement pour la violation des droits de ses citoyens. Elle ne l’a même pas fait dans des cas où les droits de la personne de Canadiens avaient clairement été violés comme dans les cas d’Omar Khadr et de Maher Arar.
Tant et aussi longtemps que cet écart demeure, il est simplement faux d’affirmer que le projet de loi C-23 offre aux Canadiens les protections nécessaires pour assurer le respect de leurs droits garantis par la Charte. En effet, le projet de loi C-23 dans sa forme actuelle protège les contrôleurs qui seraient coupables de violations des droits des Canadiens garantis par la Charte et il crée des obstacles juridiques insurmontables pour les Canadiens qui voudraient lancer des poursuites contre des contrôleurs.
Certains partisans du projet de loi C-23, comme le comité de rédaction du Globe and Mail, affirment que cet écart est acceptable puisque les droits des Canadiens pourraient être violés au moment où ils traversent la frontière et ne sont plus protégés par la loi canadienne.
Toutefois, cet argument passe à côté d’un point essentiel, soit que le Canada n’est pas complice de la violation des droits de ses citoyens. Par ailleurs, si le projet de loi C-23 est adopté et qu’il est plus facile pour des contrôleurs américains de violer les droits des Canadiens, le Canada en sera directement responsable.
Étant donné que le cas d’Omar Khadr est encore bien frais dans nos esprits, je tiens à rappeler que les conséquences sont graves quand le Canada est directement responsable de la violation de droits garantis par la Charte de Canadiens. Si le projet de loi C-23 est adopté dans sa forme actuelle, malgré des problèmes aussi gigantesques, ce serait comme si l’on n’apprenait pas de nos erreurs.