Dans le billet de blogue précédent de notre série sur le racisme systémique, nous avons discuté de l’importance des définitions et du fait que si l’on ne peut pas définir clairement un problème, il peut être très difficile d’y trouver des solutions.

Cependant, les définitions ne peuvent jamais donner une image fidèle d’une expérience vécue, pas plus qu’un nombre dans une statistique peut raconter une tragédie personnelle. Il est donc impératif que tout le monde essaie d’imaginer la réalité de la vie des personnes racialisées. Imaginez que votre nom est la raison pour laquelle vous êtes pauvre et sans emploi.

Pour les familles, l’obtention d’un emploi est la pierre d’assise pour bâtir une meilleure vie. Or, le simple fait d’avoir un nom indiquant qu’il s’agit d’une personne n’étant pas de race blanche peut constituer un obstacle. En fait, une étude menée dans neuf pays a mesuré la discrimination dans l’emploi en calculant le pourcentage des candidats portant un nom les identifiant comme étant d’une race ou d’une ethnicité autre que blanche, et qui étaient rappelés après une entrevue, par rapport aux candidats dont le nom les identifiait comme étant blancs. Au Canada, c’était 44 %.

Une étude semblable [disponible en anglais seulement], menée par le professeur d’économie Philip Oreopolous, à l’Université de la Colombie-Britannique, est arrivée au même résultat, mais a ajouté que le lieu où le candidat a acquis son expérience de travail, soit le Canada ou un pays étranger, diminue de 5 % à 10 % la possibilité de recevoir un rappel.

Puisque les personnes racialisées ne sont souvent pas embauchées dans leur propre domaine de compétence, elles sont obligées d’accepter du travail peu rémunéré ou précaire. Leurs chances de trouver un emploi dans leur domaine diminuent de façon importante lorsqu’elles se joignent aux secteurs du marché du travail où les salaires sont peu élevés.

Dans le cas où elles obtiennent un emploi, elles n’obtiennent pas un salaire égal. Selon une étude [disponible en anglais seulement] menée en Ontario en 2018, les hommes racialisés gagnent 76 cents pour chaque dollar que gagnent les hommes non racialisés. Selon cette même étude, les femmes racialisées gagnent 85 cents pour chaque dollar que gagnent les femmes non racialisées. De plus, une femme racialisée gagne 58 cents pour chaque dollar que gagne un homme non racialisé.

Un autre aspect de la discrimination, plus subtil encore, ne peut pas être quantifié ni prouvé par des statistiques, mais il est évident dans les récits et les expériences des personnes racialisées. Il s’agit de la marginalisation en milieu de travail.

Les récits racontés par des personnes racialisées sur leurs expériences de marginalisation en milieu de travail sont nombreux au Canada. En ce qui a trait aux clients, les personnes racialisées se voient affectées soit à des clients qui, comme elles, sont racialisés, soit à des clients peu importants ou non rentables. Par conséquent, le succès et les promotions au travail sont peu probables. Les personnes racialisées ne sont presque jamais invitées à participer aux activités à l’extérieur du bureau et n’arrivent donc pas à établir des relations amicales ou étroites avec leurs collègues. Dans les cas de racisme flagrant d’un collègue ou d’un gestionnaire, la personne se fait souvent dire qu’elle est « simplement trop sensible ». Dans l’éventualité peu probable qu’elle connaisse des succès et obtienne des promotions, ces réussites sont durement acquises. Elles exigent une énorme résilience et ne peuvent pas être obtenues sans le soutien d’une personne de haut rang dans le lieu de travail.

Les personnes racialisées représentent plus d’un cinquième de la main-d’œuvre canadienne. Une étude menée par Catalyst et Ascend Canada affirme qu’environ 69 % des personnes racialisées interrogées (l’étude a été menée seulement auprès de professionnels qui sont Noirs, Asiatiques de l’Est et Asiatiques du Sud) ont dit qu’elles avaient sérieusement songé à quitter leur emploi en raison d’une détresse émotionnelle accrue. Parmi les hommes et femmes racialisés qui ont participé à l’étude, 77 % ont raconté des histoires poignantes d’exclusion et ont affirmé qu’ils étaient sur leurs gardes au travail.

Il est déplorable que le Canada s’enorgueillisse de sa diversité et de son inclusion, alors que beaucoup de Canadiens souffrent chaque jour. Le Canada accueille chaque année des immigrants, dont plus de 60 % arrivent au pays grâce au Programme des travailleurs qualifiés. Bon nombre de ces personnes qualifiées doivent faire face au chômage et à la pauvreté lorsqu’elles viennent au Canada. Ou bien, elles se heurtent à des plafonds de verre qui font obstacle à leurs possibilités d’avancement et à leurs succès.

Dans les prochains billets de blogue, nous traiterons de l’étendue du cycle du racisme systémique dans d’autres aspects de la vie des personnes racialisées.

À suivre.