1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 17

Le jeudi 10 février 2022
L’honorable George J. Furey, Président

La Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, les Nations unies ont désigné le 6 février comme étant la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines.

C’est avec une profonde déception que je vous informe que le Canada affiche un bilan pitoyable pour ce qui est de traduire en justice les personnes qui se livrent à cette pratique horrible et insupportable. En 1997, le Code criminel a été modifié pour y inscrire la mutilation des organes génitaux féminins comme une forme de voies de fait graves. Cependant, à ce jour, aucune poursuite n’a été intentée au Canada contre les auteurs d’un tel crime. Vingt-cinq années se sont écoulées sans qu’aucune poursuite ne soit intentée à cet égard.

Honorables sénateurs, cette situation est inacceptable, particulièrement quand on sait que le groupe End FGM Canada Network sous la direction de Giselle Portenier — avec qui je collabore étroitement — estime que le Canada abrite plus de 100 000 survivantes et que des milliers de jeunes filles courent encore le risque de subir des mutilations génitales.

Je songe à des jeunes filles comme Serat, née en Somalie, mais qui a grandi en Ontario avec sa tante. Lorsqu’elle avait 13 ans, Serat s’est rendue en Somalie avec sa tante pour rendre visite à sa mère. Un matin très tôt, alors qu’elle dormait encore, trois femmes ont fait irruption dans sa chambre et se sont emparées d’elle. Serat s’est mise à hurler et a tenté de s’enfuir, mais les femmes l’ont rattrapée, l’ont clouée au sol, lui ont écarté les jambes et ont mutilé ses organes génitaux. Serat s’est évanouie de douleur après avoir perdu beaucoup de sang. Lorsqu’elle a repris conscience, elle avait les jambes attachées. Lorsqu’elle est revenue au Canada, quelques mois plus tard, sa tante lui a dit d’accepter ce qui lui était arrivé et de passer à autre chose. Comment pouvait-elle y arriver? Encore aujourd’hui, Serat raconte à quel point elle s’est sentie humiliée et dévastée. Elle a mis plus d’une décennie avant de divulguer cette horrible mutilation qui lui avait été imposée.

À qui aurait-elle pu se confier quand il existe encore un énorme mur du silence entourant la mutilation des organes génitaux féminins, même au Canada? Honorables sénateurs, nous devons briser ce mur du silence. Nos lois sont claires. Ce doit être illégal. Je vous rappelle qu’il y a une loi claire en vigueur au Canada pour faire un crime de la mutilation des organes génitaux féminins.

Je prends la parole encore une fois sur ce sujet, comme je l’ai fait de nombreuses fois auparavant, afin de vous demander d’agir dès aujourd’hui. Si vous avez de la compassion pour Serat, veuillez porter attention aux filles vulnérables dans vos collectivités. Nous sommes tous un peu responsables de ces filles. Je vous demande votre soutien pour que la mutilation des organes génitaux féminins soit considérée comme un crime qui fait l’objet de poursuites au Canada. Merci, sénateurs.