En novembre 2011, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a mené une étude sur la cyberintimidation. Conclu en décembre 2012, l’étude en question a résulté à la publication d’un rapport intitulé : ‘La cyberintimidation, ça blesse! Respect des droits à l’ère numérique‘. Comme indiqué dans le rapport, malgré des similarités évidentes entre les deux phénomènes, la recherche tend de plus en plus à montrer qu’il existe également des différences importantes qui distinguent l’intimidation traditionnelle de la cyberintimidation. Pour la plupart des témoins, contrairement aux relations humaines en personne, le cyberespace fournit peut de repères contextuels qui permettent notamment de percevoir la souffrance ou la détresse des personnes avec lesquelles on est en relation virtuelle. En conséquence, les gens peuvent être moins sensibles ou faire preuve de moins d’empathie dans leurs échanges en lignes (Faye Mishna, 30 avril 2012). De façon générale, les témoins s’entendent pour dire que la cyberintimidation « peut provoquer une grande détresse et des effets qui sont beaucoup plus marqués que pour l’intimidation traditionnelle » (Ibid.).
Tout d’abord, « la principale différence entre l’intimidation en classe ou dans la cour d’école et la cyberintimidation, c’est que nous pouvons être victimes de cyberintimidation en tout temps et que cela nous donne l’impression de n’être en sécurité nulle part. Qu’on soit à l’école, à la maison ou n’importe où ailleurs, on peut être pris pour cible. Cela nous rend la vie extrêmement difficile » (Témoignage d’un jeune devant le comité).
Il y a relativement peu de temps, l’intimidation entre jeunes ne se manifestait qu’à l’école. De retour à la maison, les jeunes pouvaient trouver refuge. Cette époque est toutefois révolue. Les technologies de l’information et des communications permettent désormais aux intimidateurs de franchir cette frontière et de faire intrusion dans la vie de leurs victimes le jour comme la nuit. Sharon Wood, présidente et directrice générale du programme Jeunesse, J’écoute, a déclaré au comité :
« Alors que l’intimidation classique était souvent limités par le temps et l’espace – par exemple, elle cessait hors du terrain de jeu et ne pouvait s’exercer en dehors des heures de classe – la cyberintimidation se déroule devant un auditoire virtuelle planétaire, face auquel les jeunes n’ont aucun refuge (Marla Israel, 7 mai 2012».
C’est dans ce sens que le témoin Bill Belsey a affirmé qu’ «autrefois, si l’on était victime d’abus physique, verbal, psychologique ou social, au moins une fois rentré à la maison, vous pouviez écouter de la musique, sortir le chien et être en paix chez vous » (12 décembre 2011). La plupart des témoins vont également dans ce sens en ajoutant qu’il est presque impossible « pour ceux qui subissent de la cyberintimidation d’échapper à leurs bourreaux parce qu’il est difficile de supprimer le contenu préjudiciable » (Tina Daniels, 7 mai 2012).
Il y a également une grande divergence au niveau de l’auditoire. « Autrefois, les témoins d’un acte d’intimidation étaient les élèves dans la cour de récréation, mais aujourd’hui quand il y a cyberintimidation, c’est tous les internautes qui en sont témoins » (Bill Belsey). Suivant le même ordre d’idées, Michel Boivin discute de la facilité avec laquelle il devient possible grâce aux médias sociaux de rassembler des centaines et même des milliers de personnes afin de se liguer contre des victimes est un autre élément qui distingue la cyberintimidation de l’intimidation traditionnelle » (14 mai 2012).
Une autre différence majeure entre l’intimidation traditionnelle et la cyberintimidation est la fausse impression qu’on peut dire n’importe quoi. Comme l’affirme une jeune témoin devant le comité : « C’est bien plus facile d’insulter quelqu’un en ligne, car on ne voit pas la douleur sur son visage ». Faye Mishna avance que la distance expliquerait par ailleurs un phénomène que plusieurs témoins ont noté, à savoir que certains individus qui adoptent des comportements respectueux en personne tiennent des propos en ligne moins respectueux et posent des gestes plus malveillants en ligne. Les psychologues expliquent ce comportement par la désinhibition. Ainsi, le jeune ne voit pas la personne qu’il blesse.
Une autre divergence dont le comité s’est rendu compte est la possibilité de faire des commentaires anonymes. « Sur Internet, on peut se sentir comme dans une foule sans visage et avoir une impression d’anonymat; […] On peut avoir l’impression que personne ne découvrira que c’est nous qui avons tenu certains propos par l’intermédiaire de notre avatar » souligne un jeune témoin devant le comité. Cela dit, bon nombre de témoins ont affirmés qu’ils n’auraient pas le courage d’intimider s’ils devaient révéler leur identité.
Finalement, la notion de répétition prend un sens différent dans le monde virtuel comparativement à l’intimidation traditionnelle. Avec les technologies de l’information et des communications, l’acte préjudiciable se répète automatiquement chaque fois qu’une personne accède au contenu ou encore décide de le partager à son tour. Contrairement à l’intimidation traditionnelle, il peut s’agir d’un acte ponctuel, mais comme le contenu préjudiciable ne disparaît pas, la douleur se répète pour la victime chaque fois qu’une personne y accède ou faire un commentaire.
Grâce à ce blogue, nous avons pu mettre de l’avant les différences principales entre l’intimidation traditionnelle et la cyberintimidation. Cependant, pourquoi un jeune devient-il un cyberintimidateur? Cette question sera le sujet d’un blog à venir.