Que le Canada soit rongé par le racisme systémique, à tous les niveaux, ne fait plus aucun doute. En tant que personne racialisée, il m’a été donné de vivre, et de voir, ce que signifie avoir la « mauvaise » couleur de peau et le mauvais accent, malgré mes études et mes réussites professionnelles avant de devenir sénatrice.
Maintenant que la vérité évidente, dont les Canadiens racialisés sont au courant depuis longtemps, a été reconnue par les plus hautes sphères du pouvoir, nous devons chercher à mettre en œuvre des stratégies à long terme pour éradiquer toutes les formes de racisme dans notre pays, afin que personne, enfant, femme ou homme, ne continue à subir ces injustices.
Le racisme revêt plusieurs formes. Il y a le racisme manifeste, implicite et systémique. Les actes manifestes de racisme sont souvent les plus frappants, mais ce n’est pas ce qui nuit aux progrès des personnes racialisées. Dire à quelqu’un de retourner dans son pays est un acte évident de haine punissable par la loi et dont les auteurs peuvent être identifiés. C’est donc un problème possible à résoudre.
Le véritable problème, ce sont les biais implicites et le racisme systémique, car ils exigent une réflexion plus profonde chez les gens et des changements fondamentaux dans les établissements.
Dès sa naissance, une personne racialisée vit des situations d’oppression systémique et systématique. Son accès aux soins de santé, à l’éducation, au logement et à l’emploi dépend du degré de discrimination, de marginalisation, d’institutionnalisation et d’intervention de l’État auquel elle est confrontée.
Dans les billets à venir, nous verrons comment le racisme systémique touche un grand nombre de Canadiens. Il est donc important que tout le monde comprenne la profondeur de ce problème, puisque, la plupart du temps, les personnes qui ne subissent pas de racisme systémique n’en saisissent pas l’ampleur.
En suivant le parcours d’une famille canadienne, nous verrons dans quelle mesure un nom à consonance non blanche peut marquer le début d’une vie de pauvreté. Saviez-vous que, si vous avez un tel nom, vos chances qu’un recruteur vous rappelle tombent à 44 % par rapport à un nom à consonance blanche?
Bien que certains obtiennent des emplois bien rémunérés qui correspondent à leur niveau de scolarité, l’exclusion, la marginalisation et les biais implicites nuisent à leurs possibilités de réussite et d’avancement professionnel.
Une famille canadienne qui a de la difficulté à obtenir des emplois bien rémunérés ou une promotion pour améliorer son sort financier est plus susceptible de vivre dans un quartier mal servi, surprotégé et tout aussi racialisé. Elle est également plus susceptible d’envoyer ses enfants dans une école publique sous-financée, où l’éducation n’est pas de la meilleure qualité.
Qui plus est, les interactions avec la police, dont les membres ont fait le serment de protéger et de servir la population, peuvent se terminer par un passage à tabac, le dépôt d’accusations, une nuit en prison ou, comme nous avons tous pu l’observer ici et à l’étranger, un décès injustifié. Dans les prisons de partout au pays, les Noirs sont surreprésentés de 300 % par rapport à leur population, et les Autochtones de 500 %.
Lorsqu’une famille racialisée, comme la mienne, parvient à réussir, ses expériences du racisme ne disparaissent pas pour autant. Malheureusement, mes enfants et mes petits-enfants vivent aujourd’hui les mêmes expériences de racisme que j’ai vécu tout au long de ma vie au Canada. C’est inacceptable. Il est inconcevable que, dans notre pays, mes enfants et tant d’autres d’enfants de couleur aient peur de ne pouvoir se promener dans la rue sans être suivis, arrêtés et interrogés par la police. Il est déraisonnable que des parents aient à vivre, tous les jours, avec la crainte que leurs enfants ne rentrent pas.
Il est temps que cette situation cesse. Nous devons changer le statu quo archaïque de l’exclusion raciale qui se cache derrière une façade d’inclusion globale. Nous devons définir clairement le racisme systémique et systématique et, parallèlement, nommer le racisme, sous toutes ses formes; implicite et explicite. Nous devons restructurer les systèmes qui facilitent et perpétuent directement ces inégalités. Il n’est pas question que je reste les bras croisés pendant que des Canadiens se font moins bien traiter à cause de leur identité raciale. Il est possible d’éradiquer le racisme et c’est maintenant qu’il faut s’y attaquer.
On mentionne souvent que le racisme systémique est un problème impossible à régler, mais, en réalité, ce n’est pas le cas.
On pourrait commencer par revoir entièrement notre système d’éducation afin d’enseigner aux Canadiens les histoires, les cultures et les réalisations des différentes races. On pourrait aussi, à l’échelle du gouvernement, appliquer une analyse fondée sur la race à toutes les mesures législatives proposées au pays. Il existe des solutions. S’il existe une volonté politique correspondant à la volonté sociale apparente, on peut mettre fin à ce fléau.