2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 25
Le mardi 9 février 2021
L’honorable Pierrette Ringuette, Présidente intérimaire
La mutilation des organes génitaux féminins
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Monsieur le leader, samedi dernier, le 6 février, c’était la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. Hier soir, 125 femmes de l’University Women’s Club de Vancouver se sont rassemblées à Vancouver pour discuter des manquements du Canada à son devoir envers nous.
Selon le rapport de mars 2020 sur la réponse mondiale aux mutilations génitales féminines, le Canada est l’un des deux seuls pays occidentaux où le risque de mutilations génitales féminines est élevé, mais où aucune donnée ou analyse statistique n’existe à ce sujet. Au Canada, pas une seule poursuite judiciaire n’a été enregistrée pour cet acte criminel. Au fil des ans, plusieurs organismes de la société civile ont publié des études révélant que la mutilation des organes génitaux féminins se pratique bel et bien au Canada. Des victimes racontent leur histoire et dénoncent cette pratique. Des milliers de jeunes canadiennes sont à risque.
Le Canada s’est engagé, dans le cadre des objectifs de développement durable des Nations unies, à mettre fin à la mutilation des organes génitaux féminins d’ici 2030. Si tel est le cas, monsieur le leader, comment se fait-il que, depuis la criminalisation de cette pratique en 1997 jusqu’à aujourd’hui, aucune poursuite n’ait été intentée au Canada contre les personnes qui mutilent nos jeunes filles?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénatrice. La pratique de la mutilation des organes génitaux féminins est une attaque abominable envers la dignité et le statut de personne des femmes et des filles. Elle doit être condamnée, puisqu’elle constitue une infraction au Code criminel.
Je n’ai pas de renseignements sur les circonstances dans lesquelles, d’après ce que vous dites, cet acte criminel n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire. Les poursuites invoquant le Code criminel relèvent, pour la plupart, des procureurs généraux des provinces. Je m’engage certainement à chercher à savoir si des données sont recueillies à l’échelle nationale par les provinces et les territoires, et je transmettrai volontiers le résultat de mes démarches au Sénat. Chose certaine, le gouvernement, comme tous les gouvernements canadiens d’ailleurs, condamne cette pratique. Nous devrions faire tout en notre pouvoir pour l’éradiquer.
La sénatrice Jaffer : La France a porté 60 accusations, et le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Australie ont également poursuivi un certain nombre de personnes. Samedi, le premier ministre a fait une longue déclaration sur les mutilations génitales féminines. En voici un extrait :
Chez nous, nous pouvons contribuer à cet effort en améliorant la collecte de données. Nous pouvons également offrir des renseignements et de la formation aux fournisseurs de services de santé afin de les aider à identifier les personnes à risque et à aider les survivantes en leur offrant un soutien social adapté à leur culture ainsi que des services de santé et des services psychologiques.
Or, nulle part dans cette déclaration, le premier ministre n’affirme qu’il veillera à ce que les responsables de ces mutilations soient traduits en justice. Monsieur le leader du gouvernement, dans cette déclaration de deux pages, il n’est absolument pas question de protéger les jeunes filles concernées. Puis-je vous demander de vous informer des raisons pour lesquelles le Canada ne prend pas les devants pour protéger les jeunes filles à risque?
Le sénateur Gold : Merci sénatrice. Je partage votre aversion pour cette pratique, et je comprends très bien à quel point la question que vous posez est douloureuse. Cependant, ce n’est pas au gouvernement du Canada — notamment au procureur général du Canada ou au ministre de la Justice, et encore moins au premier ministre du Canada — qu’il incombe d’ordonner aux procureurs généraux des provinces d’intenter des poursuites contre les auteurs de ces crimes.
Cela dit, comme je l’ai indiqué précédemment, je vais certainement me renseigner pour savoir quelles informations et données ont été recueillies au niveau national afin de mieux comprendre la situation dont vous avez parlé.