Dans mes derniers articles, j’ai surtout parlé des changements sociétaux qu’ont apportés au Canada les libertés fondamentales énoncées à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés.

C’est que la Charte, de par sa nature, n’assujettit que les gouvernements du Canada. Elle ne peut pas déterminer les actions des particuliers ou des entreprises. Elle a donc servi au cours des années à contester les lois ou institutions injustes de notre pays.

Il en résulte que beaucoup de gens ont à tort l’impression que la Charte ne les concerne pas, et que toutes ces questions sont bien éloignées de leur vie professionnelle.

Dans l’article de cette semaine, je montrerai que cette impression est fausse et que la Charte influe en fait sur notre vie de tous les jours. Je me concentrerai surtout sur les libertés fondamentales de l’article 2, puisqu’elles ont un impact particulièrement important sur tous les travailleurs canadiens.

Il faut tout d’abord se rappeler que la fonction publique emploie un très grand nombre de personnes.

En effet, si on combine les fonctionnaires, la santé et les services sociaux, l’éducation et les entreprises publiques, c’est environ le dixième de la population du Canada qui travaille pour le gouvernement fédéral ou les provinces!

Or, la Charte régit toutes les actions des gouvernements, y compris à titre d’employeur. Elle protège donc directement les travailleurs du secteur public.

 

Dans ce contexte, les discussions sur les libertés fondamentales traitent le plus souvent de la liberté d’expression, garantie à l’alinéa 2b) de la Charte, et de son exercice dans le secteur public.

Par exemple, il est interdit aux fonctionnaires de prendre part à des activités politiques, même en dehors de leur rôle officiel! On veut s’assurer ainsi que les fonctionnaires projettent une image de neutralité.

Il arrive aussi que les gouvernements musèlent leurs employés pour protéger leurs intérêts. Par exemple, le gouvernement fédéral précédent a empêché des scientifiques à la grandeur du Canada de publier les résultats de leurs recherches sur l’environnement!

Dans ces deux cas, il y a violation de la liberté d’expression, puisque celle‑ci comprend le droit d’exprimer des opinions politiques et de discuter des recherches scientifiques. Des organismes de défense des fonctionnaires ont donc porté ces affaires devant les tribunaux, et ils ont convaincu le gouvernement actuel d’étudier un éventuel assouplissement de ces restrictions.

Il ne faut pas en conclure que la Charte ne concerne que les travailleurs de la fonction publique. En effet, si vous êtes syndiqué(e), vous profitez vous aussi des avantages de la Charte!

Au cours de l’histoire du Canada, beaucoup de lois injustes ont été adoptées pour nuire aux syndicats. Aujourd’hui encore, les syndicats sont soumis à des règles strictes en matière de déclaration, et ils peuvent perdre leur accréditation auprès du Conseil canadien des relations industrielles si une minorité considérable de travailleurs le demandent!

Heureusement, le droit d’association garanti à l’alinéa 2d), qui implique le droit de former un syndicat, a permis à beaucoup d’organisations syndicales de contester ces lois injustes devant les tribunaux.

Afin de supprimer beaucoup de ces restrictions anticonstitutionnelles, notre gouvernement a d’ailleurs déposé le projet de loi C-4, actuellement à l’étude au Parlement.

Voilà donc quelques exemples de l’impact des libertés fondamentales de la Charte sur la vie quotidienne de tous les Canadiens. La Charte ne sert donc pas seulement à apporter des changements au niveau sociétal; elle protège aussi vos droits comme travailleurs, dans votre vie de tous les jours.

La semaine prochaine, je parlerai de deux affaires importantes qui ont façonné notre compréhension actuelle de l’article 2 de la Charte. Un article à ne pas manquer!