Lorsque j’écris des articles sur différents aspects de la défense nationale, je commence habituellement par des statistiques pour préciser le contexte entourant chaque sujet. Or, les statistiques sont absolument incapables de décrire l’horreur de la violence sexuelle qui frappe les forces armées.

Je vais plutôt citer Lise Gauthier, une femme qui a dû fréquemment faire face à l’inconduite sexuelle au cours de ses 25 années de carrière dans l’Aviation royale du Canada. Voici ce qu’elle a déclaré en décrivant son traumatisme :

Je pense tout le temps aux attaques, 24 heures sur 24. Je ne peux pas m’en empêcher. Je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai vécu, même à mon pire ennemi. La vie s’arrête et l’on est en mode de survie. Le mieux qu’on peut faire, c’est de respirer. 

De nombreuses femmes des Forces armées canadiennes ont été victimes d’agressions sexuelles, à l’instar de Mme Gauthier. Selon Statistique Canada, 2 % de toutes les femmes membres des FAC ont signalé avoir été agressées sexuellement au cours de la dernière année. De plus, 27,3 % de tous les membres de sexe féminin ont signalé avoir été victimes d’au moins une agression sexuelle au cours de leur carrière.

Autrement dit, les femmes sont deux fois plus susceptibles d’être victimes d’une inconduite sexuelle dans les FAC que dans tout autre emploi! C’est inacceptable.

Il faut mettre un terme à ces agressions. Le problème endémique de l’inconduite sexuelle fait en sorte que les Forces armées canadiennes sont un milieu de travail dangereux. Il n’est donc pas surprenant que les femmes ne s’enrôlent pas, puisqu’elles craignent de subir ce genre de traitement de la part de leurs pairs! Tout le monde souhaite travailler dans un milieu sûr.

 

Les FAC ont reconnu ces agressions et elles ont mis en œuvre un plan afin d’y mettre un terme. En août 2015, le général Jonathan Vance a lancé l’opération HONOUR, un programme conçu pour mettre fin aux comportements sexuels dommageables dans les FAC. Après seulement deux ans, les FAC constatent déjà des changements importants!

 

Notamment, les FAC ont retiré des mains des officiers supérieurs la responsabilité d’évaluer les cas d’inconduite sexuelle, puisque, historiquement, ils fermaient les yeux sur ce type d’inconduite. Le ministère de la Défense a plutôt créé son propre bureau spécialisé pour veiller à ce que des professionnels qualifiés traitent tous les cas!

De plus, dans le cadre de l’opération HONOUR, les FAC ont élaboré un « programme de formation à l’intention des témoins actifs » qui enseigne aux membres des forces, peu importe leur grade ou leur emploi, ce qu’ils doivent faire s’ils sont témoins d’une inconduite sexuelle. Grâce au programme, les FAC constatent déjà une grande augmentation du nombre de signalements de cas d’inconduite sexuelle!

 

Ce n’est que le commencement. Grâce à l’opération HONOUR, les FAC développent d’autres outils qui seront mis en place dans l’avenir. Des initiatives comme des structures d’aide aux victimes, des pratiques d’enquête améliorées, des études et des enquêtes sur la question et des programmes de formation supplémentaires sont toutes en cours d’élaboration ou de mise en œuvre dans l’ensemble des FAC!

 

Malheureusement, le rythme de mise en œuvre de l’opération HONOUR est déconcertant. Dans les rapports de l’opération HONOUR produits au printemps et à l’automne 2016, on a découvert que de nombreux programmes étaient bloqués au stade initial et que la mise en œuvre à plus grande échelle était lente. Pourquoi?

Même si les FAC ont récemment connu plus de succès pour atteindre leurs objectifs, le processus n’avance jamais assez rapidement. Le fait de retarder la mise en œuvre de l’opération HONOUR signifie qu’on permet à l’inconduite sexuelle de se poursuivre et à davantage d’histoires tragiques comme celle de Lise Gauthier de se produire.

Compte tenu de l’importance du problème, je prévois d’y donner suite dans de prochains articles. Un changement doit avoir lieu dans les FAC, et je crois que l’opération HONOUR n’est qu’un début. Nous devrons tous veiller à ce que le ministre de la Défense et le chef d’état-major de la défense continuent à travailler pour que les FAC demeurent un milieu sûr pour tout un chacun.