Dans l’article de la semaine dernière, j’ai discuté de la manière dont l’article 6, la disposition de la liberté de circulation et d’établissement, fixe ses propres limites. Cependant, ces dernières sont loin d’être les seules applicables à la liberté de circulation et d’établissement. Mes lecteurs assidus se souviennent peut-être que l’article 1, la disposition des limites raisonnables, assujettit en fait les droits énoncés dans la Charte à des limites afin de s’assurer qu’ils sont exercés de façon raisonnable.

Aujourd’hui, j’examinerai la manière dont l’article 1 limite la liberté de circulation et d’établissement à l’article 6 en révoquant l’exercice du droit lorsqu’un Canadien commet un crime à l’étranger.

Au cours de son histoire, le Canada a signé plusieurs traités avec des pays partout dans le monde afin de s’assurer que les citoyens qui commettent des crimes à l’étranger sont tenus responsables de leurs actes après avoir quitté le pays concerné. Ces traités permettent aux autres pays de demander au Canada d’arrêter les criminels et de les retourner en vue de subir un procès pour leurs crimes.

Beaucoup de ces traités existent depuis aussi longtemps que le Canada. Ils sont le fondement de notre relation avec plusieurs pays, notamment les États­-Unis. Historiquement, le respect des traités conclus avec ce pays est une condition de nombreuses relations d’affaires avec lui.

À la signature de la Charte canadienne des droits et libertés, en 1982, beaucoup pensaient que l’article 6 (qui garantit le droit de demeurer au Canada) allait mettre fin à l’extradition. Cependant, en 1985, la Cour suprême a conclu que l’extradition de citoyens canadiens a pour but raisonnable de lutter contre le crime et d’encourager la coopération internationale, et par conséquent, constitue une limite raisonnable du droit de demeurer au Canada.

Bien que la décision de la cour soit toujours la même lorsque cette question est soulevée, il convient de souligner qu’elle n’a jamais été unanime. Dans toutes les causes, des juges dissidents posent toujours la même question : le Canada peut-il extrader des Canadiens dans des pays où il est possible que leurs droits ne soient pas respectés?

Avant 2001, cette situation s’est produite plusieurs fois. En 1991, la Cour suprême s’est même prononcée, en l’espace de deux mois dans deux causes distinctes, en faveur du renvoi de citoyens canadiens aux États­-Unis en vue de recevoir la peine de mort! En fait, Charles Ng, l’une des personnes qui a été retournée aux États­-Unis dans le cadre de ce processus, attend toujours son exécution en Californie!

Tout a changé en 2001 avec l’affaire Burns. Dans sa décision, la Cour suprême a changé de cap et a conclu qu’avant d’extrader des criminels, le Canada a une obligation de veiller à ce que ses citoyens ne soient pas exécutés. Un an plus tard, l’affaire Suresh a limité davantage la gamme d’extraditions possibles en déclarant que le gouvernement ne peut pas déporter une personne vers un pays où elle risque d’être torturée.

Ces deux changements ont permis aux défenseurs des droits de la personne dans l’ensemble du Canada d’exiger des limites encore plus grandes. En particulier, de nombreux défenseurs qui se prononcent contre le gouvernement chinois craignent que les règles en matière d’extradition puissent être utilisées pour extrader des personnes vers la Chine, où elles ne bénéficieront pas de la protection d’une magistrature indépendante et équitable.

Pendant ce temps, d’autres sont pour plus de protections pour les Canadiens qui sont extradés. Même si la peine de mort et la torture sont interdites, toute autre punition est considérée comme justifiable. Étant donné qu’il existe beaucoup d’autres formes de punition inhumaines, comme l’isolement prolongé, il y a tout lieu de s’inquiéter de la capacité réelle du système actuel de protéger les Canadiens!

Bien qu’aucune décision majeure ne découle de ces efforts, il existe, encore à ce jour, des cas concernant la protection des droits des Canadiens pendant une extradition.

Je vous encourage à revenir pour mon nouvel article, dans lequel je poursuivrai mon analyse des limites raisonnables de la liberté de circulation et d’établissement, en particulier l’alinéa 6(2)b) concernant le droit de tout individu de gagner sa vie dans toute province.