De tous les articles de la Charte, peu ont fait l’objet d’autant de décisions de principe que l’article 7, qui garantit le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.

Dans mon dernier article, j’en ai fait la démonstration en soulignant à quel point le droit à la vie a changé au cours des 35 dernières années, et particulièrement, à quel point il a évolué pour permettre aux Canadiens de contrôler tous les aspects de leur vie, y compris le droit à l’aide médicale à mourir.

Cependant, le droit à la vie ne représente qu’un tiers de l’article 7. Les deux autres droits, soit le droit à la liberté et le droit à la sécurité de sa personne, ont eux aussi évolué, et montrent comment la doctrine de l’arbre change la façon d’interpréter notre Constitution afin de garantir l’équité pour tous les Canadiens.

 

Par exemple, les changements concernant le droit à la liberté – qui est essentiellement le droit de prendre librement des décisions – visent à restreindre ce droit afin d’en prévenir l’abus. À titre d’exemple, presque immédiatement après la signature de la Charte, nos tribunaux ont précisé que certaines mesures, comme l’emprisonnement et la libération conditionnelle, protègent le bien commun et sont par conséquent acceptables.

Dans d’autres affaires, ils se sont assurés que la liberté n’est pas utilisée pour permettre à des groupes d’exercer un contrôle sur leurs membres. Par exemple, dans l’arrêt B. (R.) c. Children’s Aid Society, les membres d’une famille de témoins de Jéhovah ont fait valoir que le droit à la liberté leur permettait de prendre des décisions pour leur enfant même si ces décisions empêchaient de lui administrer un traitement pouvant lui sauver la vie.

La cour a débouté la famille au motif que les droits d’une personne résident dans la relation de cette personne avec l’État, et non dans la relation de cette personne avec un membre de sa famille. Depuis, les groupes n’ont pas réussi à utiliser leur droit à la liberté afin de prendre des décisions pour leurs membres, car ce droit appartient uniquement à la personne.

 

D’autre part, le droit à la sécurité de sa personne ou le droit d’être protégé par l’État a principalement été élargi pour répondre à certaines questions parmi les plus controversées de la société. Dans chaque affaire, la cour a interprété ce droit de façon à accorder avant tout la priorité à la sécurité des Canadiens.

Ce droit a notamment été interprété de façon à empêcher l’imposition de toute interdiction de l’avortement au Canada. Selon l’arrêt R. c. Morgentaler, tout préjudice que subit une femme du fait qu’elle se voit refuser l’avortement est considéré comme un préjudice causé par l’État, ce qui signifie que les interdictions de l’avortement violent les droits des femmes garantis par l’article 7.

Récemment, le droit à la sécurité de sa personne a été utilisé pour mettre en place l’un des outils les plus efficaces contre la crise des opioïdes sévissant actuellement, soit les sites d’injection supervisés.

En 2011, lorsque ces sites ont été créés, le gouvernement précédent a menacé d’en poursuivre un certain nombre à Vancouver au motif qu’ils autorisaient la consommation de drogues.

En réponse à cette menace, une coalition de sociétés de services communautaires du quartier Downtown Eastside de Vancouver a attaqué le gouvernement en justice et a fait valoir qu’il était dangereux pour les usagers de drogues d’empêcher les sites d’injection supervisés d’effectuer leur travail, ce qui permet de sauver des vies. La Cour suprême a tranché en faveur des sociétés de services communautaires, et a même ordonné au gouvernement d’exempter les sites d’injection supervisés de poursuites visant leurs activités.

Grâce à cet arrêt, ces sites d’injection supervisés ont eu l’occasion de prouver leur efficacité et jouent même un rôle central dans la stratégie qu’applique actuellement le gouvernement pour lutter contre la crise des opioïdes!

Grâce aux larges concepts prévus par l’article 7, les Canadiens peuvent s’adresser aux tribunaux pour lutter contre des injustices frappant notre société que les rédacteurs de la Charte n’avaient jamais prévues à l’époque. Dans bien des cas, ces luttes se poursuivent encore aujourd’hui!

J’espère que vous lirez mon prochain article. J’y décrirai certaines luttes qui se déroulent actuellement devant nos tribunaux.