J’ai récemment participé au 8e symposium international du Darfur Women Action Group (DWAG). Cette organisation à but non lucratif qui lutte contre toutes les formes d’atrocités et qui est gérée par des femmes a été fondée par Niemat Ahmadi, une femme courageuse et dévouée.

Darfur Women Action Group Founder and President Niemat Ahmadi

Les conférences tenues pendant toute la fin de semaine étaient très enrichissantes. J’ai été impressionnée de voir que le groupe était aussi inclusif : il ne se concentrait pas uniquement sur les femmes qui vivent des difficultés au Soudan, il se préoccupait également de la situation des femmes du Kirghizistan et des femmes yézidies de l’Irak.

Meeting with several participants at the 8th International Darfur Women Action Group Symposium

Au cours du symposium, on a pu constater que les choses commençaient à changer petit à petit pour le peuple soudanais – et pour les femmes – qui a vécu sous une dictature pendant 30 ans. Toutefois, il y a encore beaucoup de travail à faire pour que les femmes soient considérées comme de véritables partenaires égales au Soudan.

Les Soudanaises ont joué un rôle central dans la défense des droits du peuple soudanais.

Après avoir assisté à ce symposium, j’espère de tout cœur que le monde n’oubliera pas encore une fois les femmes du Soudan, et plus particulièrement du Darfour.

Quels obstacles les femmes du Soudan doivent-elles surmonter?

Certaines lois du Soudan restreignent explicitement la capacité des femmes de travailler et de vivre librement dans leur pays. Une analyse récente du contexte juridique mondial en ce qui concerne l’émancipation économique des femmes a permis de constater que le Soudan a adopté 11 lois qui limitent la capacité juridique des femmes. Il s’agit ainsi de l’un des pays où la situation des femmes est des plus problématiques en raison des restrictions légales qui leur sont imposées.

En 1991, la loi familiale musulmane a été codifiée de sorte que les femmes devaient obtenir l’autorisation de leur mari pour pouvoir travailler ailleurs qu’à la maison. En outre, la loi musulmane sur le statut personnel a aussi été codifiée en 1991. Cette dernière légalise le mariage d’enfants, énonce que la femme doit obéissance à son mari, et indique qu’un tuteur masculin doit autoriser le mariage d’une femme.

Choix des vêtements

De nombreuses lois limitent les choix des femmes. Ainsi, au titre de l’article 152 du code criminel de 1991, qui interdit les « actes indécents et immoraux », une femme peut être arrêtée et se voir infliger une peine allant jusqu’à 40 coups de fouet si elle porte certains vêtements, comme des pantalons ou une jupe au genou.

Loi sur le viol conjugal

Le viol conjugal est toujours légal au Soudan. En 2018, Noura Hussein, alors âgée de 19 ans, a été condamnée à mort pour avoir tué l’homme qu’elle avait marié à l’âge de 16 ans après qu’il ait tenté de la violer. La sentence a été réduite par la suite : elle a finalement été condamnée à purger une peine de cinq ans de prison et à payer une amende.

Mariage d’enfants

Les lois soudanaises autorisent le mariage des enfants, et ce dès l’âge de 10 ans pour les petites filles. En 2010, on a estimé que 10,7 % des femmes soudanaises âgées entre 15 et 49 ans se sont mariées avant l’âge de 15 ans. Selon un rapport publié par Human Rights Watch en 2016, il semble que le gouvernement soudanais cible les personnes qui s’efforcent de sensibiliser la population aux conséquences de ces lois discriminatoires.

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

Le Soudan est l’un des rares pays qui n’a pas ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). L’ancien président al-Bashir a déclaré, en 2001, que la CEDAW allait à l’encontre de la moralité et des principes familiaux et qu’elle entrait en conflit avec les valeurs nationales du Soudan.

Représentation des femmes dans les sports

Depuis que le président al‑Bashir a été renversé, une ligue de soccer féminine a été créée au Soudan. Voilà qui démontre que le nouveau gouvernement déploie plus d’efforts pour inclure les femmes dans la société. Différents groupes ont tenté de mettre en place une ligue pour les femmes pendant trois décennies, mais ils ont été confrontés à un nombre élevé de difficultés. Cette nouvelle ligue, qui compte 21 équipes ainsi que des arbitres féminines de partout au pays, est parrainée par le ministère de la Jeunesse et des Sports du Soudan.

Représentation des femmes à l’Assemblée nationale

Depuis que la loi électorale du Soudan a été modifiée en 2008 afin d’établir un seuil minimal de 25 % de femmes au sein de l’Assemblée nationale et des conseils législatifs, ce seuil a même été dépassé. Avant que le président al‑Bashir soit renversé, les femmes formaient 27,7 % de l’Assemblée. En outre, la proportion de femmes siégeant à la chambre supérieure du Soudan, appelé le Conseil des États, a atteint 35 % après les dates de renouvellement de juin 2015.

Bien que le quota permette à un nombre plus élevé de femmes de participer à la vie politique du Soudan, une analyse indique que la présence accrue de femmes n’a pas mené à l’adoption de lois assurant une plus grande égalité des sexes. Selon cette analyse :

« les femmes qui siègent au parlement n’ont pas été en mesure de réduire les clivages politiques et religieux et, solidairement, de changer les lois afin de leur donner une orientation qui favorise davantage l’égalité entre les sexes. Toutefois, elles se montrent courageuses et s’efforcent continuellement de mettre à l’ordre du jour les enjeux relatifs aux femmes, malgré les contraintes liées à un régime autoritaire, comme un parlement faible, l’absence d’indépendance judiciaire et la censure des médias. » [traduction]

En 2016, l’International Republican Institute a créé un registre des différents pays d’Afrique et du taux de représentation des femmes au sein des gouvernements nationaux. Le Soudan se trouve parmi les pays où la proportion de femmes au pouvoir ou qui ont de l’influence est très faible.

Depuis que l’ancien président al‑Bashir a été renversé en avril 2019, des groupes de femmes militent pour accroître la participation des femmes au sein du gouvernement. Un représentant de la Sudanese Professional Association, un groupe qui organise les manifestations contre le régime d’al‑Bashir, a déclaré : « nous aurions voulu que le gouvernement soit composé de femmes à 50 %, ou au moins à 40 %, mais cela n’a pas été le cas. » [traduction]

Certains indicateurs montrent que le gouvernement de transition s’efforce d’inclure les femmes. Le conseil souverain de transition en place à l’heure actuelle compte deux femmes parmi ses 11 membres. Le cabinet compte quant à lui quatre femmes, dont la première femme ministre des Affaires étrangères, Asma Mohamed Abdalla. En outre, le Conseil souverain a nommé la première juge en chef de l’organe judiciaire, Neemat Abdullah. Selon le seul article à ce sujet : « l’organe législatif qui sera formé bientôt pour guider le pays vers les élections démocratiques de 2022 réservera au moins 40 % de ses sièges à des femmes. » [traduction]

Il y a encore beaucoup de travail à faire pour que les femmes obtiennent les mêmes droits que les hommes. J’ai rencontré un grand nombre de militantes soudanaises au fil des années, et j’ai pu voir qu’elles travaillent constamment pour toute la population soudanaise, en particulier les filles. Elles ont encore beaucoup de pain sur la planche. J’appuie les femmes du Soudan en travaillant avec elles, et je tiens aussi à souligner leurs victoires sur la longue route vers l’égalité.

Visiting Sudan in 2005 as Canada’s Special Envoy for Peace in Sudan