La discrimination raciale peut se manifester par des attitudes négatives et un piètre traitement à l’égard de ceux qui vivent dans des zones ou des quartiers en particulier. Des chercheurs ont documenté des cas où des personnes vivant dans de tels quartiers ne peuvent se faire assurer, faire appel à des coursiers pour effectuer des livraisons ou demander à un chauffeur de taxi de venir les y chercher. Des propriétaires de logements peuvent également rejeter des demandes de location lorsqu’ils constatent que les demandeurs viennent de l’un de ces quartiers stigmatisés.

Une étude ontarienne publiée en 2019 révèle qu’un peu plus de 50 % des personnes et des familles de couleur au Canada vivent dans des logements inabordables (ce qui conduit au sans-abrisme), inadéquats (c’est-à-dire qui nécessitent des réparations ou des travaux d’entretien) et jugés inadaptés (ils sont surpeuplés, entre autres).

L’étude montre aussi qu’en plus des mauvaises conditions de logement, les Autochtones, les personnes de couleur et les immigrants sont victimes de discrimination en raison de leur source de revenus, de leurs antécédents en matière de crédit, de leur manque d’accès à des garants et à des répondants, de leur identité raciale, de leur statut d’immigrant, de leur sexe ou de leur âge.

Pourtant, de nombreuses personnes ont tendance à faire fi des difficultés auxquelles sont confrontées les personnes racialisées en affirmant qu’il s’agit de difficultés auxquelles sont confrontées tous les pauvres. Cependant, comme nous l’avons établi dans le billet de blogue précédent, les personnes racialisées se heurtent à d’énormes obstacles à l’emploi : du rejet de leur candidature à un poste à l’obligation d’accepter des emplois aux salaires bas en dehors de leur domaine de compétences, en passant par le non-respect de l’équité salariale jusqu’à, finalement, l’impossibilité de briser le plafond de verre pour accéder à des promotions ou avoir des augmentations de salaire. Dans ces conditions, l’accès à un logement adéquat devient un problème majeur.

Des études menées dans les plus grandes villes canadiennes montrent que les groupes de minorités visibles sont désavantagés sur les marchés de la location et de l’accession à la propriété. L’accès à un logement abordable est sujet aussi à des préjugés et à des contraintes d’ordre spatial, notamment en raison de pratiques discriminatoires de la part d’agents immobiliers, de propriétaires, de prêteurs hypothécaires, par exemple, qui contrôlent en quelque sorte l’accès à la ville. Ces contraintes peuvent contribuer à la création et à la perpétuation de niveaux élevés de concentration résidentielle involontaire d’immigrants, et notamment de ségrégation raciale et ethnique dans certains secteurs d’habitation.

Ce qui vient aggraver le problème, c’est que l’immobilier reste, à ce jour, imprégné des relents d’un racisme historique. Il est important de se rappeler, à ce propos, que les ententes sur des titres fonciers existaient encore il n’y a quelques décennies seulement.

Par exemple, dans le quartier de West Vancouver connu sous le nom de British Properties, l’entente stipulait ce qui suit : « Aucune personne de race ou d’ascendance africaine ou asiatique, à l’exception des domestiques de l’occupant des lieux, ne peut résider ou être autorisée à rester sur les lieux ». Cette entente a été déclarée nulle en 1978, mais à ce jour, ses conséquences se font toujours sentir chez certains des habitants de Vancouver.

En 1920, une entente tout aussi troublante a été conclue dans le quartier de Victoria Park, à Calgary, pour dissuader les familles noires de s’y installer. À Toronto, jusqu’en 1945, les résidents qui vivaient dans certains quartiers n’étaient pas autorisés à vendre à des « Juifs ou à des personnes de nationalité douteuse ».

Ce ne sont pas que des choses du passé : ces lois ont contribué à façonner nos sociétés actuelles. Leurs effets pouvaient se traduire par de la ségrégation à l’égard de communautés de races différentes, ou par la relégation apparente d’une race différente dans un quartier particulier.

Bien qu’il n’y ait aucune preuve de discrimination en matière de prêts hypothécaires résidentiels au Canada, des groupes communautaires ont dit craindre la fermeture de banques dans certains quartiers à faible revenu. En outre, les résidents de certains quartiers desservis par des coopératives de crédit, qui ne partagent pas les risques, peuvent avoir plus de difficultés à obtenir des prêts hypothécaires. Des preuves empiriques laissent entendre que les habitants de certains quartiers où se trouvent des projets de logements sociaux de grande envergure ont du mal à se faire assurer.

Ceux qui ont la chance d’échapper à ce cycle de pauvreté, qui touche de manière disproportionnée les personnes racialisées, seront néanmoins confrontés à d’autres formes de racisme et de discrimination. En effet, on entend souvent dire que des personnes ne sont pas les bienvenues dans leur quartier blanc, que certaines sont victimes d’actes racistes flagrants, comme se faire cracher dessus pendant une promenade dans un parc ou recevoir des messages racistes dans leur courrier et bien d’autres choses encore. D’autres subissent un racisme caché, plus implicite, de la part de propriétaires qui refusent de louer à des personnes racialisées.

À ce jour, les recherches dans ce domaine s’avèrent insuffisantes. Un rapport de 2009 du Centre for Equality Rights in Accommodation montre que les parents célibataires noirs et les ménages sud-asiatiques ont une chance sur quatre d’être confrontés à des formes modérées à graves de discrimination lorsqu’ils se renseignent sur des appartements à louer à Toronto. En outre, les données du recensement révèlent qu’il y a une ségrégation importante envers les ménages noirs sur le marché de la location et de l’immobilier.

Il reste encore beaucoup de recherches et d’études à mener en ce qui concerne le racisme dans l’immobilier et l’égalité économique. Ce qui est clair, aujourd’hui, c’est qu’il y a un problème et qu’il est de notre responsabilité de le résoudre.

Dans le prochain billet, nous parlerons de la manière dont le racisme dans les domaines de l’emploi et du logement affecte l’avenir des prochaines générations.

Restez à l’écoute.