Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 9

Le mercredi 3 mai 2006
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

LA SOUFFRANCE AU SOUDAN

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, il faut pour le Soudan une approche globale.

Au cours des dernières semaines, diverses manifestations, la couverture médiatique et le débat exploratoire tenu à l’autre endroit ont attiré l’attention sur le conflit en cours et le désastre humanitaire dans la région du Darfour, dans l’ouest du Soudan.

Au cours des quatre dernières années, j’ai agi comme envoyée spéciale du Canada pour la paix au Soudan. En constatant le degré de sensibilisation des Canadiens et des hommes et femmes politiques du Canada, j’ai bon espoir que nous allons continuer à jouer un rôle important au Soudan au cours de la présente session du Parlement.

Honorables sénateurs, je suis allée dans beaucoup de régions du Darfour et je peux vous dire que la souffrance des habitants de là- bas fait mal au cœur. Permettez-moi de partager avec vous les images qui hantent mon sommeil chaque nuit depuis ces visites.

Je me suis souvent rendue dans des camps de réfugiés où j’ai rencontré des jeunes filles de 13 ou 14 ans qui avaient subi des viols collectifs. Elles étaient assises dans un coin d’un centre accueillant les victimes de viol et nous nous regardions sans rien dire. Ces jeunes ne trouvaient pas de mot pour décrire ce qu’on leur avait fait et je ne trouvais pas les mots qu’il fallait pour consoler les victimes de telles atrocités.

Je continue de me poser la même question qu’avant. Comment les Canadiens peuvent-ils aider ces gens à panser leurs blessures? Peut- être que maintenant, nous pouvons faire quelque chose.

Honorables sénateurs, au nom de notre pays, je me suis rendue dans l’Est du Soudan, là où des gens vivent aussi dans des camps. Cette région est elle aussi déchirée par des combats. Des mères déplacées m’ont amenée dans le district portuaire de Port Soudan et m’ont montré tous ces camions de nourriture se dirigeant vers le Darfour alors qu’elles et leurs familles crèvent de faim.

La seule question que je me posais alors et que je me pose aujourd’hui est la suivante : comment les Canadiens peuvent-ils aider à nourrir ces gens? Peut-être que maintenant, nous pouvons faire quelque chose.

En décembre dernier, j’étais dans la capitale du Sud-Soudan, Juba. Tout près de la ville, l’Armée de résistance du Seigneur avait détruit un village. Personne, pas même les Nations Unies, ne se risque dans la région. Alan Bones, notre chargé d’affaires au Soudan, Samia Ahmed et moi-même avons marché vers le village pour savoir ce qui était arrivé.

La méthode de l’Armée de résistance du Seigneur consiste à enlever des enfants âgés de neuf à 14 ans pour en faire des enfants- soldats ou des esclaves sexuels. Les membres de cette armée ont aussi coupé les lèvres, les oreilles et le nez de certaines femmes. Voir les femmes de ce village avec leur visage mutilé qui souffrent de la perte de leurs enfants est un sort que je ne souhaite à aucun de mes collègues.

Comment, comme Canadiens, pouvons-nous contribuer à protéger la population du Sud, qui a enduré 20 ans de guerre civile, me demandais-je à l’époque et encore aujourd’hui. Peut-être que maintenant, nous pouvons faire quelque chose.

Honorables sénateurs, je vous encourage aussi à penser à d’autres régions du Soudan quand vous pensez au Darfour. Partout au Soudan, les gens souffrent. Je propose que nous aidions le pays tout entier.

Notre créateur nous a donné des ressources si abondantes au Canada que nous pouvons nous permettre d’aider à guérir, nourrir et protéger nos frères et soeurs qui souffrent? Peut-être qu’aujourd’hui, nous le pourrons.