Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 25

Le mardi 20 juin 2006
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je voudrais parler du côté répugnant de la Coupe du monde. Le vendredi 9 juin, tous les pays du monde se sont réunis pour ce qu’on appelle « la plus grande fête du monde », la Coupe du monde, en Allemagne. Pendant que des dizaines de millions de personnes se sont réunies pour célébrer le football, la fierté nationale et l’esprit sportif international, on estime que 40 000 femmes ont été amenées de force dans la ville de Cologne pour ce tournoi d’une durée d’un mois. Ces femmes seront loin de célébrer.

Même si près de 100 000 femmes et jeunes filles entrent en Europe chaque année, victimes de la traite des êtres humains, l’Allemagne a très peu fait pour modifier sa politique de prostitution légalisée. Au lieu de cela, elle a subventionné de nouvelles maisons de prostitution pour divertir les visiteurs pendant toute la durée du tournoi. Au cours des dernières années, j’ai assisté à plusieurs conférences en Europe, qui portaient toutes sur le phénomène croissant de la traite des êtres humains. C’est à ces conférences que de nombreux participants ont fait part de leurs préoccupations au sujet de la prévalence mondiale de ce trafic et des effets qu’il allait avoir sur la Coupe du monde. Les mots ne suffisent pas à décrire le manque d’humanité dont il a été question dans les témoignages sur ce qu’on m’a décrit comme « un entrepôt rempli de femmes et de jeunes filles ».

Honorables sénateurs, le 2 juillet 2003, le Canada a eu l’honneur d’être choisi pour être l’hôte des XXIe Jeux olympiques d’hiver, à Vancouver. Comme la Coupe du monde, les Olympiques permettent au pays hôte de bien se faire connaître sur la scène internationale. C’est une occasion en or de bien montrer au monde la force et la liberté qui définissent le Canada.

Même si les Olympiques d’hiver de 2010 ne commenceront que dans quatre ans, on craint déjà que Vancouver ne devienne un pôle d’attraction pour les femmes et les jeunes filles forcées à se prostituer par le crime organisé. Cette crainte continue de se transformer en une réalité, alors que la semaine dernière encore, six Coréennes ont été retrouvées dans la banlieue de Vancouver, attendant d’être les dernières victimes de la traite des êtres humains.

Dans une étude récente sur l’action internationale en faveur des victimes de la traite des personnes, le Canada a été le seul pays à ne pas recevoir une note de passage. On y disait ceci :

Le bilan du Canada pour ce qui est de s’occuper des victimes de la traite des êtres humains est un sujet d’embarras sur la scène internationale et il est contraire aux pratiques exemplaires.

Le rapport ajoute :

Le Canada fait fi des appels à la réforme et il continue de traumatiser de nouveau les victimes de ce trafic, à de rares exceptions près.

En octobre dernier, j’ai présenté le projet de loi C-49 au Sénat. Cette loi criminalisait la traite des personnes et c’était la première mesure prescrite par le Canada pour lutter contre ce fléau. Comme le Canada est un exemple mondial de force et de liberté, le moment est venu pour lui d’agir avec un plus grand sentiment d’urgence et d’assumer ses obligations en préparation pour cet événement international durant lequel tous les yeux du monde seront tournés sur lui.

Honorables sénateurs, je vous invite à célébrer avec moi la Coupe du monde, mais n’oubliez pas de faire une place dans votre coeur pour les femmes et les jeunes filles qui ont été si injustement dépouillées de leur dignité.