Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 22

Le mercredi 28 avril 2010
L’honorable Pierre Claude Nolin, Président suppléant

La santé maternelle et le droit de choisir

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, hier, au cours de la période des questions, nous avons parlé du genre d’aide maternelle que les femmes des pays en développement obtiendraient du Canada. Le débat portait sur la question de savoir si cette aide serait exhaustive ou fragmentaire au moment de l’accouchement.

La naissance d’un enfant est un moment joyeux pour la plupart d’entre nous. C’est une occasion de célébrer l’arrivée d’une nouvelle vie dans notre monde.

Les sénateurs ne sont pas sans savoir qu’il y a toutefois des femmes pour qui la naissance d’un enfant n’a rien de réjouissant, soit parce qu’elles sont malades, qu’elles ont été violées ou qu’elles font face à toutes sortes d’autres difficultés. Ces femmes doivent souvent faire des choix difficiles.

Le droit de choisir n’est jamais facile à exercer, et ce, pour toutes les mères du monde. Chacun d’entre nous, dans cette enceinte, sait bien que c’est probablement là le choix le plus difficile qu’une femme peut avoir à faire. Au Canada, nous accordons aux femmes la dignité de faire ce choix. C’est à la femme d’exercer ce choix. Pourquoi adopterions-nous des normes différentes pour les femmes des pays en développement? Ce serait deux poids, deux mesures.

J’ai rencontré Hasina au cours de ma première visite dans la région du Darfour, au Soudan. Hasina avait été emmenée au camp dans une brouette par son père en larmes. Elle avait été violée par huit membres de la milice, était couverte de sang et avait les yeux tellement enflés qu’elle avait du mal à les ouvrir.

Au cours des quelques jours que j’ai passés là-bas, Hasina a commencé à se rétablir. Je me suis entretenue avec elle à bon nombre de reprises. Hasina était une jeune femme qui avait beaucoup d’aspirations. Elle m’a dit qu’elle voulait devenir enseignante.

Je lui ai demandé pourquoi elle était allée chercher du bois de chauffage et pourquoi sa famille ou elle n’avait pas plutôt envoyé son frère. Elle m’a regardée dans les yeux et m’a dit :

C’est moi qui ai décidé d’aller chercher le bois de chauffage. Je savais que je risquais d’être violée, mais je savais aussi que si c’était mon frère qui y allait, il serait tué par la milice.

Hasina a choisi d’aider sa famille et elle a été violemment agressée.

Quand je suis retournée au camp par la suite, j’ai vu Hasina qui enseignait à des étudiants dans une classe de fortune. Nous nous sommes embrassées, et la première chose qu’elle m’a dite a été ceci :

Je vous prie de remercier les Canadiens de ma part. Suite au viol dont j’ai été victime, j’attendais un enfant, et, grâce à l’aide des Canadiens, j’ai eu la possibilité de faire un choix.

Lorsque j’ai découvert que j’étais enceinte, le monde s’est écroulé autour de moi, car en plus d’être démunie et, de vivre dans un camp de réfugiés j’aurais à porter l’enfant de ce viol.

J’ai choisi de ne pas avoir cet enfant, car je ne voulais pas qu’on le considère comme un enfant de la milice, au sein de ma collectivité. Le Canada m’a soutenue et je peux maintenant vivre dans la dignité.

Honorables sénateurs, au Canada, nous traitons toutes les femmes sur un pied d’égalité. Nous ne saurions avoir une double échelle de valeurs, une pour les Canadiennes qui, pour diverses raisons, doivent prendre des décisions difficiles lorsqu’elles deviennent enceintes, et une autre pour les femmes des pays en développement.

Toutes les femmes devraient avoir le droit de choisir. Défendre la santé maternelle, c’est offrir une aide complète aux femmes. Toutes les femmes ont le droit de choisir et d’avoir accès aux ressources qu’exige leur choix.