Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 72

Le mercredi 1er décembre 2010
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

Les travailleurs migrants

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet des droits des milliers de travailleurs migrants du Canada qui travaillent dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. La semaine dernière, j’étais l’hôtesse d’un atelier destiné à informer les gens sur cette importante question. L’atelier était animé par M. Kerry Preiebisch et Mme Evelyn Encalada. Nous avons appris à cette occasion que plus de 130 travailleurs agricoles étrangers temporaires employés à Simcoe, en Ontario, avaient été licenciés et renvoyés au Mexique et dans les Antilles. Les employeurs devaient à chacun de ces travailleurs plus de 1 000 $ en salaire impayé. Lorsque des journalistes et des défenseurs des droits des travailleurs migrants ont fait enquête sur le différend concernant le paiement des salaires, ils ont découvert des conditions de vie déplorables, notamment des pavillons-dortoirs surpeuplés et sans chauffage, avec des fuites dans les canalisations sanitaires.

Ces hommes travaillaient fort pour nourrir leur famille, restée dans leur pays d’origine. Ils étaient à pied d’œuvre jusqu’à 12 heures par jour, sept jours par semaine, au salaire minimum. Lorsque ces hommes adultes ont raconté ce qu’ils étaient en train de vivre, ils ont eu de la peine à réprimer leurs sanglots à l’idée de ne pas pouvoir acheter à leurs enfants des cadeaux pour Noël, ni même nourrir leur famille, en raison de leur manque à gagner.

Comme les travailleurs migrants sont obligés de rentrer chez eux lorsque leur contrat se termine ou lorsqu’il est résilié, comme dans ce cas, ils ne peuvent pas demeurer sur le territoire canadien pour porter plainte devant la justice. Même si chacun des travailleurs de Simcoe a payé des centaines de dollars en cotisations d’assurance-emploi, cette année, leur licenciement ne leur donne pas droit aux prestations d’assurance-emploi. Donc, ils ont dû retourner dans leur pays, cette semaine, découragés et les mains vides.

Honorables sénateurs, des injustices comme celle-là se produisent chaque jour un peu partout au pays. Les droits et la dignité des travailleurs migrants sont violés régulièrement parce qu’aucune loi ne prévoit de surveillance systématique des employeurs et des recruteurs de main-d’œuvre. Ces travailleurs ne reculent devant rien pour pouvoir conserver la chance de travailler au Canada, et c’est pourquoi ils ne se plaignent pas lorsqu’ils se voient refuser de la formation ou de l’équipement pour assurer leur santé et leur sécurité.

Depuis plus de quatre décennies, de nombreux travailleurs agricoles saisonniers travaillent dur pour mettre de la nourriture sur nos tables et pour maintenir en vie l’industrie essentielle qu’est notre industrie agricole. Malgré qu’ils aient passé plus la moitié de leur vie dans notre pays, nous ne leur offrons pas de services de soutien aux migrants ni la possibilité de devenir résidents permanents.

Honorables sénateurs, il serait temps que le Canada accorde des protections et des droits à chacun des 300 000 travailleurs migrants temporaires qui viennent travailler au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il serait temps que l’on crée un organe de réglementation indépendant, une commission des travailleurs migrants, chargée de faire enquête et de régler les problèmes que présentent les programmes de migration de travail du Canada et d’assurer la protection de l’héritage du Canada en tant que société juste et équitable.

Nous nous nourrissons des aliments qu’ils produisent; nous devons maintenant commencer à protéger les droits des travailleurs migrants.