Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 64

Le mercredi 28 mars 2012
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

Les femmes et les jeunes filles autochtones portées disparues ou assassinées

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Je prends la parole aujourd’hui pour donner une voix aux femmes disparues de la Colombie- Britannique. Heather Chinnock, Sarah de Vries, Tanya Holyk et Sherry Irving font partie des femmes autochtones qui ont disparu en Colombie-Britannique. Malheureusement, leur nom et celui de dizaines d’autres femmes est souvent relégué aux notes de bas de page des enquêtes policières et publiques. La douleur des familles en deuil reste bien souvent sans écho. Ces familles sont forcées non seulement de faire face à la perte d’une mère, d’une fille, d’une sœur ou d’une épouse, mais aussi d’accepter que justice ne sera peut-être jamais rendue.

Honorables sénateurs, je collabore depuis plusieurs années avec les autorités de ma province, la Colombie-Britannique, sur ce dossier et j’ai suivi de près l’évolution de ses enquêtes. Il y a bien des années, lorsque plusieurs femmes autochtones ont disparu, les membres de leur famille et leurs collègues se sont tournés vers la police. Malheureusement, elle ne les a pas écoutés. À l’époque, nous nous sommes tous tus. Après beaucoup de travail, un petit nombre de cas ont fait l’objet de poursuites devant les tribunaux, permettant à quelques familles d’obtenir enfin justice.

Malheureusement, la plupart des familles qui souffrent depuis plus d’une décennie ont toujours de la difficulté à accepter qu’aucun tribunal ne sera jamais saisi du cas de leurs êtres chers disparus.

C’est une grande tragédie qui touche non seulement les membres de la collectivité du centre-ville de Vancouver — où vit ma famille —, mais la Colombie-Britannique et le Canada tout entier.

Malheureusement, la plupart des femmes qui ont disparu font partie de groupes extrêmement vulnérables et marginalisés. Par conséquent, leurs familles n’ont pas les ressources nécessaires pour engager des poursuites judiciaires. Les familles autochtones n’ont pas voix au chapitre et justice ne leur est pas rendue.

Honorables sénateurs, n’oublions pas que les 65 femmes portées disparues à Vancouver entre 1978 et 2011 sont des Canadiennes. Aujourd’hui encore, leurs familles ont de la difficulté à se faire entendre et à obtenir justice. J’aimerais conclure en donnant une voix à une jeune femme qui, avant de disparaître à son tour, a attiré l’attention sur la discrimination vécue par elle et bon plusieurs de ses sœurs autochtones.

Sarah de Vries, qui a disparu en 1998, a écrit en toute franchise dans son journal personnel que la façon dont sa collectivité s’occupait des cas de femmes disparues était, selon elle, empreinte de discrimination raciale. À propos de la disparition de femmes non autochtones, elle a écrit ceci :

À la une pendant des semaines; les gens manifestant dans la rue… Tandis que la joyeuse prostituée commence à se décomposer comme si elle ne comptait pas, remplaçable, sans honneur…

(1350)

Mme de Vries écrit ensuite ce qui suit :

C’est une honte que la société soit aussi insensible. C’était la petite fille d’une maman, qui s’est égarée, qui a quitté le droit chemin. C’était une personne.

Les familles de ces femmes demandent justice. Elles n’ont toujours pas comparu devant la commission d’enquête sur les femmes portées disparues.