1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 165

Le jeudi 23 mai 2013
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

La Journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, aujourd’hui est la Journée internationale pour l’élimination de la fistule obstétricale. Dans les pays en développement, plus de 2 millions de femmes et de jeunes filles vivent avec des fistules obstétricales, un trou dans le vagin ou le rectum causé par un travail prolongé lors de l’accouchement, qui dure souvent des jours, et ne reçoivent aucun traitement. En général, le bébé meurt. Comme la fistule laisse la femme incapable de contrôler l’écoulement de l’urine ou l’excrétion des matières fécales, elle entraîne souvent l’isolement social, la dépression et une pauvreté de plus en plus profonde.

Comme le fait remarquer M. Babatunde Osotimehin, directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour la population, la fistule obstétricale peut être prévenue et, dans la plupart des cas, guérie. Pourtant, plus de 50 000 nouveaux cas apparaissent chaque année. M. Osotimehin a fait la déclaration suivante :

La persistance de la fistule […] s’explique par les inégalités chroniques sur le plan sanitaire et les contraintes qui pèsent sur le système des soins de santé, ainsi que par des problèmes plus généraux, comme l’inégalité entre les sexes et l’inégalité socioéconomique, les mariages d’enfants et les premières grossesses trop précoces, qui sont tous de nature à ruiner la vie des femmes et des filles et à les empêcher de jouir de leurs droits fondamentaux.

Honorables sénateurs, j’aimerais raconter ma rencontre avec le père d’une jeune fille, Amina, qui souffrait de la fistule. Je l’ai vu entrer dans l’hôpital de Khartoum avec sa fille sur son dos. Il était couvert de sueur et, au-delà de l’épuisement, il avait l’air complètement abattu.

Quelques jours plus tard, je lui ai parlé. Il m’a dit que sa fille avait été mariée à l’âge de 14 ans, comme le veut la coutume de la communauté. Elle est partie vivre avec son époux dans un village très loin de chez lui. Un mois auparavant, il a découvert qu’Amina avait été abandonnée par son époux parce que son vagin s’est déchiré lorsqu’elle a donné naissance à leur enfant.

Elle n’avait accès à aucune aide médicale. Elle souffrait d’incontinence et sentait mauvais en permanence. Apprenant qu’elle avait été abandonnée, le père d’Amina est allé la voir dans son village. À sa grande horreur, il a trouvé sa fille recroquevillée dans une petite hutte, sans nourriture ni eau. Elle ne pouvait même pas marcher.

Le père a parlé au mari d’Amina, qui s’était remarié et ne voulait en rien aider Amina. Il est même allé plus loin, disant que c’était de sa faute si Amina était en mauvaise santé et il a insisté pour qu’il lui rende les vaches qu’il lui avait données lorsqu’il avait épousé Amina.

Le père d’Amina l’a fait sortir de l’enclos où elle se trouvait. Ils n’ont pas pu prendre l’autobus, les chauffeurs leur en refusant l’accès parce qu’ils craignaient que l’odeur dégagée par Amina n’incommode les autres passagers.

Le père a marché trois jours pour se rendre à Khartoum.

Honorables sénateurs, Amina n’aurait pas souffert pendant des années si elle avait été soignée convenablement. Lorsque je suis retournée à Khartoum, six mois plus tard, c’est une tout autre Amina que j’ai trouvée. Non seulement, elle marchait, mais elle aidait d’autres jeunes femmes. Elle avait retrouvé sa dignité et une raison de vivre.

Honorables sénateurs, la fistule obstétricale détruit la vie des jeunes femmes qui ne reçoivent pas l’aide dont elles ont besoin lorsqu’elles accouchent. Ce ne sont pas des statistiques ou des histoires d’une autre époque. Cela se passe aujourd’hui, sous nos yeux. Nous pouvons faire plus pour les jeunes filles comme Amina.