2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 3

Le mardi 22 octobre 2013
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

Le projet de Charte des valeurs québécoises

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je souhaite parler aujourd’hui de l’effet dommageable qu’a la Charte des valeurs que le gouvernement du Québec veut faire adopter sur les personnes issues de minorités visibles du Canada.

J’aimerais d’abord vous rapporter la conversation que j’ai eue avec un jeune sikh du Québec âgé d’à peine 8 ans et qui porte le turban. Ce garçon était habité par un vif sentiment d’appréhension et de crainte. « Le gouvernement séparatiste du Québec veut que nous nous en allions. Mais je ne suis pas un immigrant : je suis né ici. Où est-ce que je vais aller? Mon père aussi est né ici; où est-ce qu’il pourrait aller? Chez nous, c’est au Québec. »

Il était en train d’exprimer un sentiment qu’aucun Canadien ne devrait ressentir dans son propre pays. Il exprimait un profond sentiment d’exclusion de la communauté dont il fait pourtant partie.

Honorables sénateurs, je tiens à expliquer au Sénat la signification du turban pour les sikhs pratiquants, afin que nous mesurions bien l’ampleur du sacrifice auquel le gouvernement séparatiste du Québec leur demande de consentir.

Commençons d’abord par parler de ce qu’il n’est pas. Le turban n’est pas qu’un simple vêtement. Il ne s’agit pas d’un banal couvre- chef qu’on peut retirer sur commande. Il ne s’agit pas d’un symbole qui puisse être porté sans que celui qui l’arbore en connaisse la signification. Demander à un sikh d’enlever son turban équivaut à lui demander de s’enlever la tête. Il fait partie intégrante de lui. Il ne s’agit pas d’un simple moyen d’expression religieuse, mais bien d’une obligation qui lui est imposée par sa foi. Le turban est la marque de ceux qui sont conscients de la présence divine. C’est l’emblème qu’arborent ceux qui expriment ouvertement leur attachement aux gourous sikhs, surtout lorsqu’ils font l’objet de graves persécutions. Le turban constitue un lien profond et existentiel avec la religion sikhe, en plus de rappeler à ceux qui le portent leurs devoirs à l’endroit de la société qu’ils servent et dans laquelle ils vivent.

Honorables sénateurs, quand j’ai demandé à ce jeune homme ce qu’il allait faire si le gouvernement du Québec faisait adopter sa Charte des valeurs, il m’a répondu que, en tant que fier Québécois, il n’avait l’intention d’aller nulle part. Il entend rester au Québec et se battre pour ses droits.

Honorables sénateurs, nous devons donner notre appui à ce jeune homme et faire en sorte que ses droits, qui sont les mêmes pour tous les Canadiens, ne soient pas bafoués.