2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 154

Le mercredi 17 juin 2015
L’honorable Leo Housakos, Président

Le fichage

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, aucun Canadien ne devrait être obligé de s’excuser de sa race. Aucun Canadien ne devrait être obligé d’expliquer ses actes en raison de la couleur de sa peau. Ce sont nos actes qui devraient en dire le plus à notre sujet. Je suis donc attristée de constater que les forces policières du Grand Toronto ont recours à une pratique tout à fait répréhensible à cet égard.

La pratique du fichage met en lumière un problème très troublant auquel les membres des minorités visibles doivent faire face tous les jours. Elle se produit lorsqu’un agent de police interpelle une personne, l’interroge et lui demande de produire une pièce d’identité dans le cadre d’une procédure non criminelle. Cette pratique est en train de créer une division entre nos agents d’application de la loi et les personnes qu’ils sont censés protéger.

Honorables sénateurs, j’aimerais vous raconter l’histoire de Desmond Cole.

M. Cole est un jeune homme de Toronto qui, depuis 10 ans, fait constamment l’objet de soupçons de la part de la police. En avril, il a publié un article éloquent dans le magazine Toronto Life, dans lequel il expliquait avoir été intercepté par la police plus de 50 fois dans le Sud de l’Ontario.

Honorables sénateurs, je tiens à préciser que Desmond Cole n’a pas commis de crime. Il n’a jamais eu de démêlées avec la justice. Toutefois, un facteur semble attirer l’attention de la police — M. Cole a la peau noire.

La première fois où il a été arrêté par la police, il était étudiant à l’Université Queen’s. Il marchait en compagnie d’une amie de race blanche lorsqu’un agent de police est intervenu pour demander à celle-ci si elle avait besoin d’aide.

Honorables sénateurs, imaginez ce qu’a dû ressentir ce jeune homme lorsqu’il s’est rendu compte qu’on pensait qu’il représentait une menace pour son amie. On s’est permis de juger son caractère de façon rapide et extrêmement insultante. Cette situation a été encore plus humiliante pour lui quand son amie a dû assurer aux agents que M. Cole ne constituait pas une menace simplement parce qu’il marchait en compagnie d’une jeune femme d’une autre race.

Son expérience ne fait que confirmer les statistiques : les jeunes hommes à la peau noire ou brune risquent cinq fois plus de subir un contrôle policier que les personnes à la peau blanche. Dans certains secteurs de Toronto, leur identité risque 17 fois plus d’être contrôlée.

Honorables sénateurs, la première chose à faire pour éviter le profilage racial dont bien des gens, comme M. Cole, font quotidiennement l’objet, c’est de mettre un terme à la pratique du fichage. C’est la première chose à faire pour raccommoder les Canadiens comme M. Cole avec les forces de l’ordre et pour que tous les Canadiens se sentent en sécurité dans le grand pays qu’est le leur.