Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 17

Le jeudi 7 novembre 2002
L’honorable Dan Hays, Président

LE DISCOURS DU TRÔNE

ADOPTION DE L’ADRESSE EN RÉPONSE

L’honorable Mobina S. B. Jaffer: Honorables sénateurs, je suis heureuse de réagir à l’Adresse en réponse au discours du Trône concernant l’engagement continu du Canada à l’égard de la diversité.

Comme un certain nombre d’autres sénateurs, je suis arrivée ici à l’automne 2001, au cours de la dernière session du Parlement. Ce n’est pas le discours du Trône qui a donné le ton aux délibérations ayant marqué mes premiers mois au Sénat, mais les événements horribles qui ont eu lieu à New York, à Washington et en Pennsylvanie quelques jours seulement avant mon assermentation au Sénat.

À l’époque, les Canadiens craignaient à juste titre pour leur sécurité et priaient le gouvernement d’examiner les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme. J’ai participé activement à une bonne partie du débat sur ces questions en ma qualité de membre du Comité spécial du Sénat chargé d’étudier le projet de loi C-36, Loi antiterroriste. En tant que réfugiée africaine et Canadienne musulmane, j’estime avoir été en mesure de faire valoir un point de vue unique dans le débat sur le projet de loi C-36, point de vue que partagent nombre de Canadiens membres de minorités visibles. Certes, les Canadiens ne voient plus les choses de la même façon depuis le 11 septembre, mais leur esprit a pu se tourner graduellement vers d’autres questions qui sont importantes pour eux.

Le discours du Trône nous offre la possibilité de réorienter l’attention du gouvernement vers toutes les questions qui intéressent les Canadiens; pour ma part, il me donne pour la première fois l’occasion de travailler sur une nouvelle série d’orientations.

Le discours du Trône renferme un certain nombre d’initiatives qui méritent notre attention et notre appui, dont certaines ont déjà été signalées aux sénateurs durant le présent débat.

Je voudrais m’attarder sur certains points que je considère particulièrement importants, notamment l’engagement du gouvernement à assouplir les critères relatifs à la reconnaissance des titres de compétences étrangers, la mise en oeuvre de stratégies ciblées, la résolution de problèmes auxquels sont confrontés les nouveaux venus au Canada et le fait de rendre la formation disponible dans les deux langues officielles aux enfants des familles d’immigrants. Ces éléments reflètent l’engagement de longue date du gouvernement envers la diversité et le multiculturalisme dans notre pays.

On a souvent dit du Canada qu’il est une terre d’immigrants. Selon ma propre expérience, je peux dire que le Canada et les Canadiens accueillent les cultures et les gens différents mieux qu’aucun autre pays. Le Canada offre aux gens non seulement un endroit où vivre, mais également un endroit où pratiquer leur religion et leur culture librement tout en les accueillant dans la communauté canadienne en tant que partenaires égaux. Cependant, beaucoup de ceux qui immigrent au Canada à la recherche de débouchés pour eux-mêmes et leurs familles continuent de faire face à des obstacles dans la reconnaissance de leurs compétences, parce qu’ils ont étudié ou travaillé dans des pays étrangers. Dans certains cas, ces difficultés sont causées par un simple manque de compréhension sur la façon dont les normes en matière d’éducation et d’emploi en vigueur dans d’autres pays se comparent à celles appliquées au Canada.

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Dans le discours du Trône, le gouvernement canadien s’est engagé à éliminer les obstacles à la reconnaissance des titres de compétences acquis à l’étranger et à accélérer l’entrée au pays de travailleurs qualifiés pour qu’ils puissent venir grossir la main-d’oeuvre canadienne. Cela permettra aux particuliers et aux familles de profiter des débouchés qui les ont attirés au départ au Canada et d’intégrer la main-d’oeuvre canadienne plus rapidement.

Honorables sénateurs, je connais très bien la source des problèmes que ces types d’obstacles peuvent poser. J’étais l’un des nombreux Ougandais d’origine asiatique qui ont été forcés de quitter le pays sous le règne de terreur d’Idi Amin il y a à peine 30 ans et j’ai fait face à de nombreux obstacles à la reconnaissance de mes titres de compétences lorsque je suis arrivée au Canada en tant que réfugiée.

Lorsque Idi Amin s’est emparé de tous mes biens, il ne m’a pas démoralisée. Il n’y est pas parvenu non plus lorsqu’il a fait de moi une apatride. Cependant, lorsque la Law Society of British Columbia m’a dit que je ne pouvais exercer le droit, j’ai été démoralisée.

J’ai commencé à travailler pour le cabinet Dohm, Macdonald Russell et Kawarski en tant que secrétaire subalterne. Thomas Dohm, un associé dans le cabinet et un ancien juge de la Cour suprême, m’a demandé pourquoi en tant qu’avocate formée à Londres, je travaillais comme secrétaire. Je lui ai expliqué ma situation et il s’est alors battu pour moi et c’est ainsi que j’exerce le droit en Colombie-Britannique depuis 1978. Je vis mon rêve.

Depuis, j’ai rencontré des milliers de personnes dans tout le pays qui ne sont pas en mesure d’en faire autant. Elles ne peuvent vivre leurs rêves à cause des obstacles à la reconnaissance de leurs compétences et de leurs titres de compétences acquis dans des pays étrangers. Ces gens ne peuvent pas compter sur Thomas Dohm pour défendre leur cause.

En inscrivant dans le discours du Trône l’engagement de réduire les obstacles à la reconnaissance des titres de compétences étrangers, le gouvernement a donné à beaucoup de Canadiens une chance de réaliser leurs aspirations. Toutefois, les nouveaux venus ne seront pas les seuls au Canada à profiter de la réduction de ces obstacles. Tout le Canada y trouvera des avantages.

Notre dernier recensement a montré que la population du Canada vieillit. Cela signifie que nous avons besoin d’un plus grand nombre de travailleurs qualifiés pour remplacer ceux qui quittent la population active ou qui le feront bientôt. C’est également la raison pour laquelle il est nécessaire de faire en sorte que le Canada devienne une destination privilégiée d’étudiants étrangers de différentes disciplines. Les efforts accrus déployés pour attirer ces jeunes gens talentueux au Canada garantiront de bonnes bases à notre économie du savoir.

Toutefois, ce n’est pas seulement la reconnaissance des titres de compétences qui peut créer des difficultés aux étrangers qui viennent au Canada. Il y a d’autres problèmes qui peuvent empêcher des gens de vivre et de travailler dans un nouveau pays, par exemple les obstacles linguistiques, le choc culturel et le sentiment qu’on n’appartient pas vraiment au pays.

L’une des grandes réalisations du Canada est que nous nous efforçons d’intégrer les collectivités plutôt que d’assimiler les individus. Nous ne formons pas un «melting-pot». Nous sommes plutôt un pays riche en diversité où les gens peuvent continuer à faire partie de leurs propres collectivités tout en participant pleinement à l’ensemble de la société canadienne. Nous croyons à l’intégration des collectivités.

Notre Constitution garantit, dans la Charte des droits et libertés, un traitement égal à tous les Canadiens. Nous acceptons tous ce principe, mais la promesse qu’il représente est beaucoup plus facile à faire qu’à tenir.

Il y a encore des obstacles à la pleine participation à la société canadienne. Voilà pourquoi j’ai appris avec joie que le gouvernement s’est engagé à adopter des stratégies ciblées pour réduire les obstacles que doivent affronter les immigrants à leur arrivée au Canada. L’harmonie entre les différents groupes de la société canadienne est essentielle à notre croissance comme pays. Le Canada que nous voulons est à la fois prospère et inclusif.

Bien entendu, quand nous parlons d’avenir, nos pensées se tournent naturellement vers nos enfants. Beaucoup de ceux qui sont venus au Canada en provenance d’autres pays espèrent que leurs enfants profiteront de chances égales, au moins dans la même mesure qu’eux-mêmes. Toutefois, les enfants sont également confrontés à des obstacles qui compliquent leur pleine intégration à la société canadienne. Même s’il est facile pour eux de s’adapter à une nouvelle culture, dans certains cas, d’autres obstacles plus terre- à-terre peuvent intervenir. Il s’agit, dans la plupart des cas, d’obstacles linguistiques.

Le bilinguisme illustre la diversité du Canada, et il est important que les enfants de familles immigrantes aient la possibilité d’apprendre tant le français que l’anglais, afin d’être en mesure de se prévaloir des meilleures occasions qu’offre notre grand pays, qu’ils aient le plus vaste choix de carrière possible et qu’ils s’intègrent entièrement à la société canadienne.

Comme la population canadienne vieillit, les enfants de familles immigrantes doivent avoir autant de possibilités que possible d’entrer sur le marché du travail canadien. Cette participation est importante non seulement pour leur avenir personnel, mais aussi pour assurer la prospérité économique du Canada à long terme.

Enfin, ce sont les éléments que nous n’avons pas changés dans le discours du Trône qui sont les plus significatifs, notamment l’engagement du Canada à l’égard de l’harmonie, de la diversité et du multiculturalisme. Le gouvernement du Canada comprend le rôle que les néo-Canadiens jouent et joueront pour l’avenir du Canada et il reconnaît l’intérêt de faire du Canada une destination de choix pour les travailleurs étrangers spécialisés.

Je félicite le gouvernement du Canada, surtout le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, l’honorable Denis Coderre, pour avoir accordé une priorité à l’élimination de ces obstacles dans le discours du Trône.

J’ai hâte de voir la mise en oeuvre de ces politiques.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, vous plaît-il d’adopter la motion?

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et l’Adresse en réponse au discours du Trône est adoptée.)