Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 24
Le mardi 3 décembre 2002
L’honorable Dan Hays, Président
LE CODE CRIMINEL
LA LOI SUR LES ARMES À FEU
PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE
L’honorable Mobina S. B. Jaffer propose: Que le projet de loi C- 10A, Loi modifiant le Code criminel (armes à feu) et la Loi sur les armes à feu, soit lu une troisième fois.
— Honorables sénateurs, le projet de loi C-10A a suivi un parcours long et intéressant avant de nous parvenir aujourd’hui pour la troisième lecture. Il a débuté son périple le 1er décembre 1999, lorsque le projet de loi C-17, une mesure complexe qui apportait de nombreuses modifications au Code criminel dans de nombreux domaines, a été lu une première fois à l’autre endroit. L’étude de ce projet de loi a été interrompue par le déclenchement des dernières élections.
Le projet de loi a été simplifié et de nouveau déposé en tant que projet de loi C-15 pendant la session précédente, mais il a subi de nouveaux changements lorsque le Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes l’a scindé en deux parties, le projet de loi C-15A, et le projet de loi qui contient les amendements dont nous sommes aujourd’hui saisis, le projet de loi C-15B.
Le projet de loi C-15B a d’abord été présenté au Sénat le 4 juin 2002, mais en raison de la prorogation du Parlement, il a dû être présenté de nouveau, bien que, cette fois-ci, il nous ait été renvoyé beaucoup plus rapidement à titre de projet de loi C-10.
Le 22 octobre, j’ai proposé la deuxième lecture du projet de loi C- 10, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu. Nombre de sénateurs ont pris part au débat et ont soulevé leurs propres préoccupations légitimes à l’étape de la deuxième lecture et, le 20 novembre, le projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. À ce moment-là, une motion présentée par le sénateur Adams a été adoptée. Cette motion donnait instruction au comité de scinder le projet de loi C-10 en deux dans le but de créer deux projets de loi séparés.
L’un des deux projets de loi, le projet de loi C-10B, traiterait uniquement des dispositions liées à la cruauté envers les animaux, alors que l’autre, le projet de loi C-10A, dont nous sommes saisis aujourd’hui, traiterait expressément des dispositions relatives aux armes à feu.
Le comité a entendu le ministre de la Justice le même jour où a été reçu l’ordre de renvoi. Le ministre a fait état de sa position sur les deux moitiés du projet de loi C-10 et le comité a choisi de discuter du partage en deux du projet de loi plutôt que de poser des questions au ministre. De cette façon, il traiterait des dispositions relatives aux armes à feu avant de passer à celles portant sur la cruauté envers les animaux.
Après avoir longuement délibéré, le comité a adopté une motion visant à scinder le projet de loi en deux documents de travail pour pouvoir traiter des dispositions relatives aux armes à feu avant de faire rapport du projet de loi au Sénat, et demandant à la Chambre haute l’autorisation de poursuivre l’étude des dispositions relatives à la cruauté envers les animaux.
On a fait un effort notable pour suivre la procédure adéquate tout au long du processus. Le comité a travaillé fort sur bon nombre des questions qui avaient été soulevées au Sénat pendant le débat à l’étape de la deuxième lecture, et il a entendu des témoins représentant le Centre canadien des armes à feu, l’Association canadienne des policiers, la Canadian Federation for Gun Control, le Groupe d’utilisateurs d’armes à feu du ministre de la Justice, la Fédération de tir du Canada et la Canadian Firearms Association.
Des sénateurs s’inquiétaient de l’échéance de janvier 2003 et du risque que certaines personnes sombrent alors dans la criminalité. Je pense que c’est en grande partie pour cela que le ministre de la Justice a annoncé cette période de grâce de six mois pour l’enregistrement des armes à feu afin d’épargner toute poursuite au criminel à ceux qui ont tenté de se soumettre à la loi.
Lors de sa comparution devant le comité, l’Association canadienne des policiers a réitéré son appui au programme d’enregistrement des armes à feu. M. David Griffin, un ancien policier qui travaille au sein de l’association, a fait remarquer que l’enregistrement et l’autorisation d’utiliser une arme à feu contribuent énormément à réduire l’usage à des fins non autorisées et le commerce illégal des armes à feu.
Le programme d’enregistrement des armes à feu a déjà entraîné une augmentation des niveaux de sécurité publique pour l’emsemble des Canadiens. Depuis le 1er décembre 1998, plus de 7 000 permis ont été refusés ou révoqués par des organismes de sécurité publique. Le nombre de révocations est 50 fois plus élevé que celui enregistré au cours des cinq années précédentes, sous l’ancien programme.
Les modifications à la Loi sur les armes à feu contenues dans le projet de loi C-10A aideront à atteindre les principaux buts en matière de sécurité publique prévus dans la Loi sur les armes à feu. Elles rendront également l’administration du programme plus efficace, plus efficiente et plus conviviale pour les propriétaires d’armes à feu.
Wendy Cukier, une bénévole oeuvrant au sein de la Canadian Federation for Gun Control, a même déclaré ce qui suit au comité:
Je pense que ce projet de loi n’a pas pour but de tenir compte de nos suggestions mais de rendre la vie plus facile aux propriétaires d’armes canadiens.
Les modifications contenues dans le projet de loi C-10A ont pour but de simplifier le programme canadien des armes à feu et de réduire les coûts en améliorant le service et en continuant d’assurer la sécurité publique.
L’émission de permis pour les armes à feu et le renouvellement des permis de même que le système d’enregistrement des armes seront simplifiés. Le processus à la frontière deviendra également plus efficient avec l’ajout d’un prétraitement pour les visiteurs qui arrivent avec des armes au Canada.
Les dispositions pour rationaliser le programme des armes à feu, comprises dans le projet de loi C-10, aideront également à éviter de nouveau des surcharges comme celle que connaît présentement le système. Les propriétaires d’armes à feu peuvent être assurés que les demandes de permis recevront une réponse en temps plus opportun, grâce à l’étalement chronologique du renouvellement des permis pour rendre le système plus uniforme et plus facile à administrer.
Le projet de loi C-10 prolongera également la période de temporisation pour les armes de poing à autorisation restreinte qui auraient été acquises légalement au cours de la période allant de l’adoption de la Loi sur les armes à feu à son entrée en vigueur.
Grâce au programme de délivrance de permis, on a pu atteindre jusqu’ici un niveau de conformité de 90 p. 100 et environ 70 p. 100 des propriétaires d’armes à feu détenant un permis ont fait le nécessaire pour faire enregistrer leurs armes.
David Griffin, de l’Association canadienne des policiers, a entre autres déclaré ce qui suit lors de son témoignage devant le comité:
Les armes illégales ont été d’abord des armes légales. L’enregistrement aide à éviter la transition de la propriété légale à la propriété illégale et aide à déterminer à partir de quand la transition a eu lieu. Les mesures qui sont proposées par la direction du Centre canadien des armes à feu et qui ont été adoptées par le ministre de la Justice pour simplifier le processus de délivrance des permis et le processus d’enregistrement afin d’inciter un plus grand nombre de Canadiens respectueux de la loi à se mettre en règle ont produit des résultats encourageants.
Au cours de la dernière décennie, les sondages ont constamment révélé que la très grande majorité des Canadiens appuie le contrôle des armes à feu et l’important cadre stratégique pour la sécurité publique que constitue la Loi sur les armes à feu. Le projet de loi C- 10A offre l’occasion d’étoffer ce cadre stratégique de façon à le rendre plus réceptif à l’égard des propriétaires d’armes à feu et de réduire les coûts.
Certains amendements ont été proposés, et si je comprends bien, ils seront présentés sous peu au Sénat, mais le comité a examiné le projet de loi et nous l’a renvoyé sans amendement.
L’honorable Gerry St. Germain: Madame le sénateur accepte-t-elle de répondre à une question?
Son Honneur le Président: Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Jaffer?
Le sénateur Jaffer: Oui.
Le sénateur St.Germain: À Toronto, une série de meurtres ont été commis avec des armes de poing. Voilà des dizaines d’années que l’on enregistre les armes à feu au Canada. Comment madame le sénateur explique-t-elle que la criminalité baissera alors que nous venons de connaître cette horrible recrudescence de la violence? Si je ne m’abuse, 30 jeunes gens ont été assassinés avec des armes à feu.
(1700)
L’honorable Anne C. Cools: Je crois qu’ils sont au nombre de 39.
Le sénateur St. Germain: Vous dites 39? Beaucoup de gens ont été tués avec des armes de poing qui ont été enregistrées il y a des dizaines d’années déjà. Comment madame le sénateur explique-t-elle que l’enregistrement des armes à feu freinera la criminalité?
J’ai également posé mon autre question à madame le leader du gouvernement au Sénat. Sur les 7 000 personnes à qui l’on a refusé des permis de port d’arme, combien sont d’origine autochtone — car, malheureusement, on retrouve dans cette communauté une forte proportion d’accusations au criminel? Combien de ces 7 000 personnes étaient des Autochtones?
Ce sont là mes deux questions, l’une concernant la situation à Toronto et l’autre concernant les Autochtones.
Le sénateur Jaffer: Honorables sénateurs, je commencerai avec la seconde question du sénateur St. Germain. Je n’ai pas de réponse. Comme l’a expliqué madame le leader du gouvernement au Sénat, elle répondra à cette question.
Quant à la première question, honorables sénateurs, la meilleure réponse que je puisse fournir est celle qui a été donnée au comité. Les témoins représentant les forces de l’ordre ont déclaré que l’enregistrement des armes à feu leur permet de retrouver les propriétaires de ces armes, de savoir où sont ces armes, et de mieux faire leur travail. C’est comme si on disait qu’en se donnant une loi efficace pour sanctionner la conduite avec facultés affaiblies, on ne sera plus témoin de l’infraction qu’est la conduite en état d’ébriété. Cela ne veut pas dire que nous devrions négliger de nous pourvoir de bonnes lois. Au contraire, nous devrions adopter de bonnes lois et avoir un bon contrôle sur les armes à feu comme moyen de prévention. Le fait d’avoir une bonne loi ne signifie pas que nous enraierons complètement au Canada les crimes commis avec des armes à feu. Ce ne sera jamais le cas. Mais nous devons continuer d’essayer de surveiller les armes à feu, tout comme nous essayons de réduire le nombre des personnes qui conduisent leur voiture alors qu’elles sont ivres. L’adoption de cette loi n’empêche pas les gens de conduire avec des facultés affaiblies, mais cela aide les gens à comprendre que ce n’est pas une façon de faire.
Des voix: Bravo!