Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 64

Le lundi 9 juin 2003
L’honorable Dan Hays, Président

LES BOY SCOUTS DU CANADA

PROJET DE LOI D’INTÉRÊT PRIVÉ VISANT À MODIFIER LA LOI CONSTITUTIVE—DEUXIÈME LECTURE

L’ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Di Nino, appuyée par l’honorable sénateur Jaffer, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-19, Loi concernant Scouts Canada.—(L’honorable sénateur Jaffer).

L’honorable Mobina S. B. Jaffer: Honorables sénateurs, c’est un honneur et un plaisir pour moi de parler aujourd’hui du projet de loi S-19, Loi concernant Scouts Canada, puisqu’il touche une organisation qui me tient beaucoup à coeur.

Lorsque la plupart des gens pensent au scoutisme, l’image qu’ils ont à l’esprit est probablement celle d’un groupe de jeunes hommes en uniformes verts et beiges qui font du camping en forêt, qui apprennent des méthodes de survie et qui chantent peut-être des chansons autour d’un feu de camp. Cependant, je crois que le scoutisme d’aujourd’hui va bien au-delà de cela. Les leçons qu’il apprend aux jeunes ne se limitent pas aux méthodes de survie en forêt; il leur apprend aussi des choses beaucoup plus profondes sur la vie.

Le scoutisme aide les jeunes à avoir confiance en eux et en leurs capacités. Il leur inculque un sens profond des responsabilités envers eux-mêmes, envers les autres et envers l’environnement. Il leur enseigne à être autonomes, ce qui est utile non seulement en forêt, mais dans d’autres situations aussi.

Le scoutisme aide les jeunes à former des relations solides avec les autres et à bâtir des amitiés durables. Il leur enseigne à devenir des leaders et à jouer un rôle vital dans notre société. Ce sont des choses qui ne peuvent pas toujours s’apprendre dans les écoles conventionnelles et qui ne peuvent être acquises que par le genre d’expérience qu’offre le scoutisme.

Comme on le dit dans le manuel des scouts, un scout est un membre d’un grand mouvement pour les jeunes lancé par lord Robert Baden-Powell. Baden-Powell pensait que ce serait une bonne idée d’enseigner aux garçons certains éléments du scoutisme. Les scouts devraient être forts, courageux, alertes, capables de lire les plus petits signes de la nature et les pistes d’animaux, capables de survivre en forêt, toujours prêts à s’entraider et désireux de le faire, et capables de décider quoi faire et quand le faire.

Lord Baden-Powell était d’avis que le scoutisme avait des répercussions sur l’éducation des jeunes, sur leur compréhension de la religion et sur leur sensibilisation à la promotion de la paix. Lord Baden-Powell, fondateur du mouvement scout, a donné plusieurs raisons pour expliquer pourquoi le scoutisme constituait une expérience éducative importante. Il a affirmé que le secret d’une bonne éducation était de mener les élèves à découvrir les choses par eux-mêmes plutôt que de leur faire apprendre des théories par coeur dans le cadre d’un système stéréotypé.

Au chapitre de la compréhension de la religion, lord Baden- Powell a écrit: «Bien que nous ne voulions pas favoriser une forme de croyance plutôt qu’une autre, nous envisageons une façon de mettre les jeunes garçons en contact avec leur objectif qui est de remplir leurs devoirs envers Dieu en remplissant leurs devoirs envers leur prochain, soit en aidant les autres grâce à leurs bonnes actions quotidiennes et en sauvant les personnes en danger. La discipline personnelle, le désintéressement et la courtoisie en viennent rapidement à faire partie de leur caractère. Assorties d’une bonne mesure d’étude de la nature, ces qualités de caractère doivent obligatoirement aider à porter cette jeune âme vers un contact spirituel plus intime avec Dieu.»

Il a également parlé de la promotion de la paix. Lord Baden- Powell a dit à ce sujet: «Avant d’abolir les armements, avant de faire des promesses en vue de la conclusion de traités, avant de construire des palais où siègeront les délégués aux processus de paix, la première chose qu’on doit faire est de former les générations montantes de toutes les nations à se laisser guider en toute chose par un sens absolu de la justice. Lorsqu’un homme a acquis l’instinct de songer, dans la conduite de sa vie de tous les jours, à étudier toute question de façon impartiale, en tenant soigneusement compte des deux côtés de la médaille avant de se ranger d’un côté ou de l’autre, alors, si une crise éclate entre deux nations, il est naturellement plus disposé à reconnaître la justice de la cause et à adopter une solution pacifique, ce qui est impossible tant que son esprit est habitué à penser que la guerre est la seule solution.»

Lord Baden-Powell dit aussi : «Dans le mouvement scout, nous avons le pouvoir de faire de grandes choses en présentant la formation pratique dans un esprit de justice et de fair play, à la fois grâce à des jeux et à des exercices pratiques, et grâce à des mesures d’arbitrage, des codes d’honneur, des procès et des débats tenus dans les salons du club.»

Honorables sénateurs, le scoutisme aide les jeunes à atteindre leurs objectifs de leur mieux. En 1974, les bienfaits du scoutisme ont été élargis considérablement lorsque, pour la première fois, les jeunes filles ont été incluses dans le mandat du mouvement scout. Ce changement dont il est fait état dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est extrêmement important pour moi parce que je crois que toutes les jeunes filles devraient profiter des bienfaits du scoutisme. Je sais à quel point mon expérience personnelle par rapport au scoutisme a enrichi ma vie et à quel point je n’ai jamais oublié jusqu’à maintenant les leçons que j’en ai tirées.

Comme le sénateur Di Nino l’a déjà mentionné, les leçons officieuses que Scouts Canada nous enseigne aujourd’hui sont conformes à la mission originale et actuelle de l’organisation, ainsi qu’à la vision de son fondateur, lord Baden-Powell.

L’adoption de ce projet de loi permettra d’actualiser les lois qui régissent présentement le mouvement scout au Canada. Le projet de loi modifiera non seulement le nom de l’organisation Les Boy Scouts du Canada pour le remplacer par Scouts Canada, mais il témoignera aussi des changements apportés au mandat de cette organisation afin d’y inclure les jeunes filles.

Honorables sénateurs, j’ai le scoutisme dans le sang. Ma mère a grandi au Kenya et elle connaissait lady Baden-Powell. Elle était guide et elle est devenue cheftaine. Elle est encore aujourd’hui associée au mouvement guide. J’ai été successivement brownie, guide, puis guide de la Reine, la deuxième guide de la Reine en Ouganda. J’ai aussi été éclaireuse aux États-Unis. Au Canada, j’ai exercé les fonctions de chef de groupe chez les jeunes Rangers et de commissaire des guides pendant un certain nombre d’années. En compagnie de mon époux, j’ai été chef de groupe de Castors et de Venturers. Au cours des années 80, mon mari Nuralla et moi avons mis sur pied une troupe de Venturers des deux sexes, une des rares au pays, alors que j’étais encore commissaire chez les guides. Nous nous sommes lancés dans ce projet parce que nous y voyions une façon d’amener les garçons et les filles à travailler à des projets communs, et surtout à apprendre à entretenir des rapports entre eux et à se mesurer les uns aux autres.

Nous étions d’avis que le scoutisme permettrait aux filles de gagner confiance en elles, en plus de les aider dans leur carrière. Nous avons fait de nombreux camps avec les garçons et les filles. Les conversations autour des feux de camp et après étaient intéressantes et parfois stimulantes. Nous avons appris à leur faire confiance et ils se sont mis à préparer les repas, à escalader des collines et à faire de longues randonnées ensemble, en somme à s’aider les uns les autres à atteindre leurs buts.

Nous avons amené notre troupe mixte au Jamboree mondial qui s’est tenu à Kananaskis, en Alberta. Les filles en sont revenues très confiantes en leurs moyens, après avoir constaté qu’elles pouvaient accomplir toutes ces activités en plein air aussi bien que les garçons.

Le plus beau compliment que mon mari et moi avons reçu récemment d’un membre de notre groupe mixte nous a été donné par une Venturer, qui a dit qu’elle était bonne et qu’elle pouvait faire concurrence aux autres, car elle avait acquis certaines habiletés en tant que Venturer. Elle nous a dit que l’expérience en tant que Venturer lui a permis d’être l’égale de n’importe quel garçon et de ne plus avoir peur.

En tant qu’ancienne commissaire des guides, j’estime que le mouvement des guides est important pour l’épanouissement des filles. Je crois aussi que le groupe mixte aide les jeunes à avoir confiance en eux.

Lord Baden-Powell disait souvent que, lorsqu’il parlait de scoutisme, il englobait également le mouvement des guides.

Je remercie le sénateur Di Nino d’avoir présenté le projet de loi S- 19.

Lady Baden-Powell a dit dans son autobiographie: «Les deux associations ont mis sur pied des ateliers chargés de discuter de moyens d’actualiser les deux mouvements pour répondre aux besoins d’une génération montante plus sophistiquée. Je désirais que les deux mouvements respectent la stipulation constante de mon mari: que le scoutisme et le mouvement des guides soient simples et agréables. Pourvu que ces qualités soient conservées et que les principes fondamentaux du scoutisme et du mouvement des guides ne soient pas modifiés, je n’ai vu aucun inconvénient à des changements. Si le mouvement doit conserver sa bonne réputation, il doit évoluer avec les époques. Je sais que je suis âgée, mais je ne devrais jamais m’opposer à des changements simplement parce que ce sont des changements, surtout si l’époque nécessite un renouvellement.»

Honorables sénateurs, j’appuie ce projet de loi parce qu’il contribuera à façonner l’avenir du scoutisme chez les jeunes et qu’il rendra la loi conforme aux réalités actuelles du scoutisme.

Je crois que tous les sénateurs peuvent appuyer ce projet de loi et je les exhorte tous à faire un pas de plus et à appuyer le Mouvement canadien du scoutisme dans leur région, pour veiller à ce que nos jeunes puissent participer à l’expérience unique qu’offre le scoutisme.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)