Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 40e Législature,
Volume 146, Numéro 29

Le mardi 28 avril 2009
L’honorable Rose-Marie Losier-Cool, Présidente intérimaire

LE SÉNAT

MOTION TENDANT À RECONNAÎTRE LE 25 AVRIL COMME LA JOURNÉE MONDIALE DU PALUDISME—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L’honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément à l’avis du 2 avril 2009, propose :

Que le Sénat reconnaisse et appuie, chaque année, le 25 avril comme étant la Journée mondiale du paludisme.

— Honorables sénateurs, je vais parler aujourd’hui de ma motion tendant à reconnaître le 25 avril comme la Journée mondiale du paludisme. Je crois que cela aidera à sensibiliser et à éduquer la population, et à recueillir les fonds nécessaires pour prévenir cette maladie.

Certaines municipalités et provinces canadiennes ont déjà reconnu officiellement la Journée mondiale du paludisme. Chaque année, des municipalités et provinces jouent un rôle de leader en reconnaissant cette journée par des proclamations et des activités éducatives. D’ailleurs, je suis revenue à Ottawa la semaine dernière avec une proclamation de la Ville de Vancouver reconnaissant le 25 avril comme la Journée mondiale du paludisme.

Le paludisme est un fléau mondial qui menace 40 p. 100 de la population du monde. On dénombre chaque année plus de 500 000 000 de cas.. En Afrique, un enfant sur cinq meurt de cette maladie avant d’avoir célébré son cinquième anniversaire. C’est déchirant de constater que le monde a la capacité de prévenir cette maladie, mais que les gens en meurent encore en si grand nombre.

Le paludisme est une maladie potentiellement mortelle qui se transmet par la piqûre d’un moustique et qui tue chaque jour plus de 2 000 enfants. Environ un million de personnes, dont 90 p. 100 sont des enfants, meurent chaque année de cette maladie, principalement en Afrique subsaharienne et dans certaines régions de l’Asie.

Honorables sénateurs, la Journée mondiale du paludisme, c’est l’occasion pour les pays où le paludisme n’existe pas, comme le Canada, d’en apprendre plus sur les conséquences dévastatrices de la maladie et pour les nouveaux donateurs de se joindre au partenariat mondial de lutte contre le paludisme. C’est l’occasion pour les établissements de recherche et les universités de signaler leurs percées scientifiques, tant aux experts qu’à la population en général. Cette journée donne aux pays touchés la chance de partager leurs expériences et d’apprendre les uns des autres. C’est l’occasion pour les partenaires internationaux, les entreprises et les fondations de présenter leurs résultats et de voir ensemble comment aller de l’avant dans la bataille contre cette maladie.

Au Canada, cette journée devrait être une journée de réflexion. Nous devrions nous demander ce que nous pourrions faire d’autre pour combattre cette maladie mortelle, qui entraîne chaque année des pertes de production économique de plusieurs milliards de dollars dans les pays en développement

Selon le ministre norvégien des Affaires étrangères, Jonas Gahr Støre :

Cela fera plus que sauver des vies[…] En maîtrisant le paludisme, nous pouvons améliorer la productivité et la fréquentation scolaire, ouvrir de nouveaux horizons au monde des affaires et au tourisme et réduire les coûts des soins de santé.

Les investissements dans la maîtrise du paludisme sont une bonne façon d’utiliser les fonds canadiens destinés à l’aide étrangère. Cette maladie est tout à fait traitable si l’on se sert des thérapies combinées à base d’artémisinine, qui sont très efficaces, et elle est presque tout à fait évitable. Les moustiquaires de lit, par exemple, réduisent le taux de mortalité infantile toutes causes confondues, y compris le paludisme, de 20 p. 100. Si on les utilise conjointement avec d’autres outils, il n’y a plus de doute. Tout le monde convient que le paludisme peut être maîtrisé et même éliminé dans certains endroits. Honorables sénateurs, une moustiquaire de 6 $ sauvera la vie de quatre personnes. C’est donc un investissement très sage de l’argent que le Canada destine à l’aide étrangère.

Les médicaments dont j’ai parlé sont difficiles à obtenir. Le coût élevé de ces derniers les a rendus inaccessibles aux personnes souffrant du paludisme. Par conséquent, un grand nombre de personnes achètent encore les médicaments moins coûteux et moins efficaces. Actuellement, seulement une personne sur cinq qui souffre du paludisme a accès à ces médicaments de qualité supérieure.

Je suis heureuse de vous apprendre que, depuis le 17 avril, ces médicaments sont beaucoup plus faciles à obtenir et plus abordables. La semaine dernière, un nouveau projet, intitulé « Dispositif pour des médicaments accessibles pour le paludisme », a été annoncé. Il a été créé grâce à des partenariats internationaux entre institutions publiques et privées, dont le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, la Banque mondiale, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le gouvernement des Pays-Bas, la fondation Bill et Melinda Gates et la fondation Clinton. Une fois lancé, ce programme permettra à des millions de personnes d’avoir accès à des médicaments abordables contre le paludisme. Cela sauvera des vies, en particulier la vie d’enfants de l’Afrique subsaharienne. Ce nouveau programme devrait modifier considérablement la situation mondiale concernant le paludisme.

Ce partenariat de 225 millions de dollars réduit le coût de la thérapie combinée à base d’artémisinine, qui coûte de 10 à 40 fois plus cher que les médicaments qu’on utilisait antérieurement. Les anciens médicaments ont perdu leur efficacité parce que le parasite du paludisme est devenu résistant à leur effet.

Il existe d’autres initiatives internationales pour la prévention du paludisme, dont le Partenariat Faire Reculer le Paludisme, fondé par l’Organisation mondiale de la santé, l’UNICEF, le Programme des Nations Unies pour le développement et la Banque mondiale. Ce partenariat a pour objectif de coordonner les différentes interventions de lutte contre le paludisme menées dans le monde. Il réunit différents intéressés ayant un but commun, celui de faire baisser le nombre de cas de paludisme de moitié d’ici 2010.

Honorables sénateurs, j’aimerais poursuivre sur une note plus personnelle. Je suis souvent allée en Ouganda et ailleurs pour travailler à la lutte contre le paludisme. Je vais parler aujourd’hui du travail de l’ONG canadienne Buy-A-Net et de sa fondatrice, Debra Lefebvre. Cet organisme, qui vise à fournir des moustiquaires, est présent en Ouganda et réussit avec beaucoup de succès à créer des zones exemptes de paludisme. J’ai observé le travail de Gail Fones, une infirmière canadienne de Buy-A-Net, en Ouganda. Elle commence par gagner la confiance des villageois, puis elle les renseigne et leur fournit des moustiquaires. Elles et ses collègues font ensuite un pas de plus en vaccinant les enfants du village.

Honorables sénateurs, je veux aussi souligner aujourd’hui le travail de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, qui envoie des infirmières du Canada passer jusqu’à huit mois dans un village pour l’aider à devenir exempt de paludisme.

Gail Fones va encore plus loin. Après avoir vacciné les enfants du village, elle établit un climat qui empêche la propagation du paludisme.

Honorables sénateurs, quand je visitais ces villages, j’étais fière de dire que j’étais Canadienne, car les infirmières canadiennes changent la vie d’enfants africains.

J’aimerais raconter ce que j’ai vécu pendant un récent voyage en Ouganda. Pendant que je visitais un village, une fillette d’environ quatre ans s’est liée d’amitié avec moi. Elle s’appelait Margaret. Partout où j’allais, elle me suivait comme mon ombre. Je me suis attachée à elle, et nous sommes rapidement devenus inséparables. Lors de ma visite suivante en Ouganda, je suis retournée dans le même village et j’ai cherché ma jeune amie, Margaret. Je me suis rendue chez elle avec un présent : un médicament antipaludéen pour elle et sa famille. J’avais gardé le souvenir d’une maison où l’on entendait constamment des rires, mais lorsque j’y suis arrivée, la maison m’a paru habitée d’un calme inquiétant. J’y suis entrée et j’y ai trouvé la mère de Margaret en pleurs. L’enterrement de Margaret venait d’avoir lieu. Elle était morte du paludisme. J’étais arrivée trop tard.

(1700)

Honorables sénateurs, je vous demande votre appui pour que le 25 avril soit déclaré la Journée mondiale contre le paludisme. Je sollicite en outre votre appui pour encourager notre gouvernement à en faire davantage, de telle sorte que nous n’arrivions pas trop tard pour les autres Margaret du monde.