Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 23

Le mercredi 26 octobre 2011
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

Projet de loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Nancy Ruth, appuyée par l’honorable sénateur Champagne, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi S-2, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves.

Selon moi, le Sénat du Canada est le gardien, en premier lieu, des intérêts nationaux du Canada et, deuxièmement, des droits des minorités au Canada et à l’étranger.

Le projet de loi à l’étude aujourd’hui est un exemple du travail que nous faisons au Sénat. C’est au Comité sénatorial des droits de la personne que la question des biens matrimoniaux dans les réserves a d’abord été abordée et c’est au Sénat que la question des droits de la personne dans les réserves devrait être défendue et promue. Je crois qu’il est de notre responsabilité de faire en sorte que les groupes minoritaires aient les mêmes droits et les mêmes protections que tous les autres. Dans un Canada diversifié, les droits fondamentaux devraient être les mêmes pour tous.

En 2003, je faisais partie du Comité sénatorial permanent des droits de la personne lorsqu’il a étudié les droits de propriété des femmes vivant dans les réserves. Dans un rapport intitulé Un toit précaire, le comité abordait la nécessité d’adopter une loi pour faire en sorte que les femmes autochtones jouissent des mêmes droits que le reste des femmes canadiennes en cas de rupture d’un mariage ou d’une union de fait. En 2004, le comité a publié un rapport de suivi intitulé Biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves : toujours en attente, qui insistait davantage sur la nécessité d’adopter et de mettre en œuvre une loi.

Actuellement, lorsqu’un mariage aboutit à un divorce, les personnes qui vivent dans une réserve n’ont pas les mêmes droits que le reste de la population. La population des réserves est laissée sans protection parce que la Loi sur les Indiens ne dit rien sur la division des biens matrimoniaux. Malheureusement, il n’existe pas de loi fédérale pour combler ce vide.

Dans notre système juridique, les biens matrimoniaux appartiennent normalement à un des deux conjoints ou aux deux et servent à toute la famille. Qu’entend-on par « biens matrimoniaux »? Les biens matrimoniaux peuvent être divisés en deux genres. Il y a les biens immobiliers matrimoniaux, qui incluent les terrains et tout ce qui est relié de manière permanente à ce terrain, comme la maison familiale. Selon la Loi constitutionnelle de 1982, les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables des biens. Par conséquent, les lois provinciales et territoriales protègent les couples mariés ou vivant en union de fait lors d’une séparation ou d’un divorce.

Il existe cependant un vide juridique. Les tribunaux n’ont pas le pouvoir de protéger les intérêts des conjoints mariés ou vivant en union de fait dans des réserves eu égard aux biens matrimoniaux.

Comme je l’ai déjà mentionné, les terres sur les réserves relèvent de la compétence exclusive du gouvernement fédéral en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.

En vertu de l’article 88 de la Loi sur les Indiens, sous réserve des traités conclus par les Premières nations avec la Couronne et des lois fédérales, toutes les lois provinciales d’application générale sont applicables aux membres des Premières nations sauf dans la mesure où ces lois sont incompatibles avec la Loi sur les Indiens.

Les provinces sont responsables des affaires relevant du droit familial, y compris les biens matrimoniaux, selon le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867. À première vue, on présumerait que les lois provinciales et territoriales régiraient aussi les droits de propriété en cas d’échec d’un mariage sur les réserves. Toutefois, étant donné le statut juridique des réserves indiennes, il faut faire une distinction entre les biens immobiliers et les biens personnels.

Il n’existe pas de dispositions législatives pour la séparation des biens immobiliers matrimoniaux sur les réserves, d’où la nécessité d’une loi pour que les Canadiens jouissent tous des mêmes droits. Le projet de loi S-2 vise à redresser la situation par souci de justice pour tous les Canadiens.

Les lois provinciales s’appliquent aux biens personnels dans l’éventualité de l’échec d’un mariage sur la réserve. Je parle de biens comme les voitures, les meubles et les effets personnels. Dans l’arrêt Derrickson c. Derrickson, la Cour suprême du Canada a statué que le droit de posséder des terres sur une réserve et le transfert du droit de possession sont régis par les dispositions de la Loi sur les Indiens. Elle a également statué que les tribunaux ne peuvent pas ordonner la séparation des biens immobiliers sur la réserve en vertu des lois provinciales.

Dans sa décision rendue dans l’affaire Paul c. Paul en 1986, la même année que dans l’affaire Derrickson, la Cour suprême du Canada a statué que les mêmes principes s’appliquaient à une demande d’occupation à titre provisoire de la demeure familiale faite en vertu des lois provinciales.

Honorables sénateurs, premièrement, il y a une zone grise en ce qui concerne les habitants des réserves et, deuxièmement, il y a toute la question de la propriété de la terre et des droits collectifs sur les réserves. La plupart des propriétaires terriens au Canada sont pleinement propriétaires en fief simple. Les membres des Premières nations ne sont pas « propriétaires », dans le sens habituel du terme, des terres sur les réserves. Le titre de propriété est détenu par la Couronne. D’ailleurs, l’article 18 de la Loi sur les Indiens dit ceci :

[…] Sa Majesté détient des réserves à l’usage et au profit des bandes respectives pour lesquelles elles furent mises de côté […]

Même si les membres des Premières nations peuvent obtenir la possession de terres dans les réserves sur lesquelles ils pourront éventuellement ériger des bâtiments dont ils seront propriétaires, dans la plupart des cas, ils ne peuvent pas avoir la pleine propriété en fief simple des terres elles-mêmes.

Comme je l’ai déjà dit, selon les arrêts Derrickson c. Derrickson et Paul c. Paul rendus par la Cour suprême du Canada en 1986, dans les cas de rupture d’une relation conjugale dans une réserve, les tribunaux ne peuvent pas appliquer les lois provinciales ou territoriales parce que les réserves relèvent de la compétence du gouvernement fédéral.

Compte tenu des arrêts Derrickson et Paul et du vide législatif, les personnes qui habitent dans les réserves ne jouissent pas des mêmes droits matrimoniaux que les autres Canadiens.

Au moment de la rupture d’une relation conjugale, les résidants des réserves ne peuvent pas avoir recours aux tribunaux provinciaux ou territoriaux en vue de faire le partage de leurs biens.

Depuis 1986, en raison de l’arrêt Derrickson de la Cour suprême du Canada et du vide législatif, les tribunaux ne peuvent pas décerner réparation, comme ordonner que le conjoint — en général, celui qui a la garde exclusive des enfants — ait la possession de la maison ou ordonner que le conjoint au nom duquel la propriété est enregistrée ne frappe pas cette dernière d’une autre hypothèque.

Cela signifie que les textes de loi rédigés au sujet des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves doivent établir un équilibre adéquat entre les droits individuels, qui protègent les époux et les conjoints de fait, tout en protégeant les intérêts collectifs des Premières nations dans les terres situées dans leurs réserves.

En outre, la loi qui en découlera établira des dispositions pour la promulgation de lois des Premières nations relatives aux biens immobiliers matrimoniaux, ainsi que de lois provisoires et fédérales. Ces lois fédérales et provisoires s’appliqueraient à moins que des collectivités des Premières nations établissent leur propre loi sur les biens immobiliers matrimoniaux, car la loi prévoit un mécanisme en vertu duquel les Premières nations peuvent créer leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux, que les tribunaux partout au Canada pourraient ensuite faire appliquer.

Le projet de loi S-2 est la quatrième tentative du gouvernement en vue d’atteindre cet objectif. La plus récente mouture, le projet de loi S-4, avait été adoptée au Sénat en juin 2010.

Au cours des réunions du comité et lors d’un discours que j’ai prononcé à l’occasion de la troisième lecture du projet de loi S-4, j’ai soulevé plusieurs sujets de préoccupation et je suis extrêmement satisfait de constater que le projet de loi à l’étude aujourd’hui a été amélioré de trois façons importantes.

Le premier changement est la suppression du processus de vérification, y compris du rôle du vérificateur. Quand j’ai pris la parole sur le projet de loi S-4 à l’étape de la troisième lecture, j’avais parlé du ton paternaliste de cette mesure. J’avais parlé de la partie du projet de loi S-4 portant sur la fonction de vérification et le travail du vérificateur, qui devait avoir pour mission de surveiller la conformité des mesures prises pour assurer le respect des lois sur les biens immobiliers matrimoniaux des Premières nations. Cela posait un problème pour différentes raisons, et surtout parce que c’était le vérificateur qui était chargé d’attester le processus de consultation populaire des Premières nations.

Je félicite le gouvernement d’avoir tenu compte des différentes préoccupations qui avaient été exprimées. Le gouvernement a en effet supprimé tout ce qui concernait la vérification. Selon le projet de loi dont nous sommes saisis, les citoyens des Premières nations sont seuls responsables de l’attestation de la conformité des mesures prises pour l’adoption de lois sur les biens matrimoniaux des Premières nations, et leurs conseils ont la charge de faire rapport du résultat de la consultation, par écrit, au ministre, si la loi de la Première nation est approuvée.

Le deuxième changement est la réduction du seuil de ratification. Au comité, plusieurs de mes collègues et moi-même avons dénoncé le seuil élevé de ratification qui semblait déraisonnable, parce qu’il aurait été extrêmement difficile pour les collectivités des Premières nations d’adopter leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Le projet de loi S-4 exigeait une double majorité pour l’adoption des lois des Premières nations, c’est-à-dire que la majorité des électeurs admissibles devaient participer, et la majorité d’entre eux, ou 50 p. 100 plus un, devaient voter en faveur de la loi.

Je félicite encore une fois le gouvernement d’avoir abaissé ce seuil. Il ne faut plus maintenant qu’une majorité simple, avec une participation de 25 p. 100 des électeurs admissibles. Cela facilitera grandement les choses pour les Premières nations désireuses d’adopter leurs propres lois.

Le troisième changement est l’ajout d’une période de transition. Aucune période de transition n’était prévue dans le projet de loi S-4. La mesure législative entrait donc en vigueur au jour fixé par le gouverneur-en-conseil. Le projet de loi S-2, dont nous sommes saisis aujourd’hui, prévoit une période de transition de 12 mois avant l’entrée en vigueur des règles fédérales provisoires. Cette période de transition a été prévue pour permettre aux Premières nations dont le processus d’adoption de la loi est très avancé de promulguer leur loi avant que les règles fédérales provisoires entrent en vigueur.

Je félicite le gouvernement d’avoir tenu compte des recommandations que nous avons formulées lors de l’étude du projet de loi S-4 et d’avoir adapté en conséquence le projet de loi S-2 dont nous sommes saisis aujourd’hui.

Honorables sénateurs, bien que je me réjouisse de voir que plusieurs éléments problématiques dans le projet de loi S-4 ont été corrigés dans la présente mesure législative, il y subsiste encore plusieurs aspects préoccupants, car nous accordons des droits aux gens qui vivent dans des réserves sans pour autant leur fournir les mécanismes nécessaires pour s’en prévaloir.

Aujourd’hui, j’aimerais vous faire part de mes préoccupations, en ce qui concerne le manque de ressources, la pénurie de logements, l’aide juridique et les consultations en bonne et due forme.

En juin 2010, lorsque le Comité sénatorial permanent des droits de la personne était saisi d’une mesure législative sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves sous la forme du projet de loi S-4, le député John Duncan, actuellement ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien, est venu témoigner. Dans son exposé, il a dit ce qui suit :

Adopter le projet de loi est la bonne décision à prendre pour trois raisons. D’abord, le projet de loi offre aux résidents des communautés des Premières nations un niveau de protection semblable à celui qui est offert au reste de la population canadienne. Ensuite, il permet aux communautés des Premières nations de concevoir et de mettre en œuvre des lois sur les biens immobiliers matrimoniaux qui sont adaptées à leurs cultures et à leurs traditions. Enfin, la solution immédiate et concrète offerte par le projet de loi S-4 s’appuie sur les travaux de recherche et les efforts de consultation considérables de groupes indépendants, dont des organisations autochtones nationales.

Après avoir étudié attentivement le projet de loi S-4, j’ai appris que, même si la mesure législative s’imposait vraiment pour résoudre la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, le projet de loi S-4 n’était pas la solution.

Je suis ravie de constater, dans le projet de loi S-2, que plusieurs améliorations ont été apportées au texte législatif, mais je crains toujours que l’on ne respecte pas les priorités établies par le ministre Duncan.

Le premier élément problématique, c’est que l’on accorde des droits, mais sans fournir les mécanismes pour s’en prévaloir. Je suis fermement convaincue que les Autochtones, hommes et femmes, doivent jouir des mêmes droits qui sont accordés aux autres Canadiens, mais je ne suis certaine que ce projet de loi pourra faire de ceci une réalité.

Honorables sénateurs, n’oublions pas, et c’est important, que les conditions de vie des hommes et des femmes des Premières nations vivant dans les réserves diffèrent de celle des autres Canadiens. Malheureusement, les personnes qui vivent dans les réserves n’ont pas accès aux mêmes ressources que nous.

Si nous reconnaissons les droits des collectivités des Premières nations et collaborons avec ces dernières pour faire en sorte que leurs droits soient protégés, nous devons nous rappeler qu’un droit sans ressources n’est pas un droit. C’est un droit creux. Reconnaître que les hommes et les femmes vivant dans les réserves devraient avoir des droits similaires à ceux dont jouissent les autres Canadiens ne suffit pas. Nous devons veiller à ce que les ressources appropriées soient mises à leur disposition pour qu’ils puissent exercer ces droits. Si nous nous battons pour les droits des femmes autochtones vivant dans les réserves, nous devons être conscients que ces droits viennent avec des responsabilités. Nous devons veiller à ce qu’elles aient les moyens d’exercer leurs droits. Ne pas le faire, ce serait comme si on accordait à une femme le droit de voter à Ottawa, alors que l’urne se trouve à Vancouver.

La pénurie de logements dans les réserves est une autre chose qui me préoccupe. Je travaille sur ce dossier depuis de nombreuses années et j’ai entendu plusieurs histoires déchirantes que m’ont racontées des femmes qui ont perdu leur logement et n’avaient nulle part d’autre où aller. Je me souviendrai toujours de l’histoire d’une autochtone qui s’est suicidée après que les autorités lui eurent enlevé ses enfants. Cette mère de cinq enfants avait été forcée de quitter sa réserve en raison de la pénurie de logements. Malheureusement, elle n’a pas réussi à trouver un logement à prix abordable hors réserve et n’a eu d’autre choix que d’emménager, avec ses cinq enfants, dans une pension délabrée. Lorsque les autorités ont eu vent de la situation, elles lui ont enlevé ses cinq enfants. Malheureusement, parce qu’elle avait le sentiment d’avoir tout perdu, elle s’est enlevé la vie.

La triste réalité, c’est que ce n’est que l’un des nombreux exemples dévastateurs qui témoignent de la gravité de la pénurie du logement dans les réserves. Lorsqu’un couple divorce, la pénurie de logements est l’une des principales raisons qui forcentles gens à quitter la réserve. Il faut en être conscient et faire face à ce problème, dans le cadre d’une approche plus vaste et globale.

Un autre problème auquel se heurtent les hommes et les femmes est l’accès à la justice. Il est difficile pour tous les Canadiens d’avoir accès à l’aide juridique, mais c’est encore plus difficile pour ceux qui vivent dans les réserves. Le projet de loi S-2 implique que les gens fassent abondamment appel aux tribunaux provinciaux. Or, comme les systèmes d’aide juridique sont gravement sous-financés, je crains que le projet de loi oblige les Premières nations à puiser encore davantage dans des ressources déjà rares. Par exemple, imaginons une femme qui rentre chez elle et s’aperçoit que son mari a changé les serrures. Elle se retrouve dans la rue avec ses enfants. L’article 16 du projet de loi S-2 prévoit une protection d’urgence, mais la femme doit s’adresser à un juge, retenir les services d’un avocat et obtenir une ordonnance pour pouvoir retourner dans son domicile. En outre, cette ordonnance ne sera en vigueur que pour 90 jours. Au bout de cette période, la femme se retrouvera encore dans la même situation : elle et ses enfants n’auront plus nulle part où aller.

Honorables sénateurs, beaucoup de femmes qui vivent dans les réserves n’ont ni l’argent, ni le moyen de transport, ni les capacités voulus pour s’adresser à la justice et obtenir une telle ordonnance. Nous devons nous demander quel recours la femme aura vraiment. Pour que ce projet de loi donne de bons résultats et pour que nous puissions atteindre notre objectif d’accorder aux Autochtones les mêmes droits que possèdent déjà les autres Canadiens, nous devons nous assurer que des ressources suffisantes sont disponibles. À défaut de prévoir ces ressources, je crains que, une fois de plus, notre gouvernement ne suscite des espoirs parmi les Autochtones, mais finisse par les laisser tomber.

Dans l’affaire Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), la Cour suprême du Canada a rappelé en 2004 les principes établis pour permettre au gouvernement du Canada de mener des consultations efficaces et productives avec les Premières nations. Ces principes peuvent se résumer comme suit.

Premièrement, un engagement commun : la consultation sera fondée sur l’engagement d’être de bonne foi, de se respecter mutuellement, d’être réciproquement responsable et d’être efficace.

Deuxièmement, une prise de décisions judicieuses : ce processus assurera la durabilité des résultats des consultations importantes.

Troisièmement, la transparence : pour être efficaces et productives, les consultations doivent se tenir au moment opportun et être accessibles, inclure tous les groupes éventuellement visés et privilégier un dialogue franc et ouvert et la responsabilité.

D’aucuns soutiennent que les Premières nations n’ont pas vraiment été consultées par le gouvernement, ce qui est nettement contraire aux principes établis dans l’affaire Haïda.

En 2006, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a chargé le chef Wendy Grant-John d’examiner, au nom du ministère, la question des droits relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Au terme d’une collaboration avec plusieurs représentants et des membres des Premières nations, le chef Wendy Grant-John a fait plusieurs recommandations pour assurer la tenue d’une consultation en bonne et due forme. Elle a notamment dit ceci :

Mes recommandations s’appuient dans une large part sur le contexte juridique, social et culturel dans lequel les questions relatives aux biens immobiliers matrimoniaux sont vécues par les familles des Premières nations et, en particulier, les femmes.

Il y a eu des consultations, mais il n’est pas certain qu’elles aient servi à quoi que ce soit. Un certain nombre de groupes d’Autochtones ont pu prendre part aux consultations, mais bien des témoins qui avaient déjà comparu devant le comité ont clairement fait savoir qu’on ne semblait pas avoir pris en considération ce qu’ils avaient dit, car les mesures législatives présentées ne tenaient pas compte de leurs préoccupations.

Je crois comprendre qu’il n’y a pas eu de nouvelles consultations sur le projet de loi S-2. Il semble actuellement que les lignes directrices établies à la suite de l’affaire Haïda et les recommandations du chef Wendy Grant-John, la représentante du ministre, aient été mises de côté. Ainsi, j’ai bien peur que le projet de loi S-2 ne montre encore une fois que nous avons manqué à notre obligation de consulter.

Honorables sénateurs, je sais que le projet de loi sera examiné en profondeur à l’étape de l’étude en comité et que nous aurons alors l’occasion de prêter une oreille attentive aux gens qui seront le plus touchés par la mesure législative. Je suis impatiente de vous faire rapport des travaux du comité.

(Sur la motion du sénateur Tardif, au nom du sénateur Dyck, le débat est ajourné.)