Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 113

Le mardi 30 octobre 2012
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

La situation actuelle de l’autonomie gouvernementale des Premières nations

Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, il n’est guère étonnant que le sénateur St. Germain ait choisi, pour sa dernière question au Sénat, la situation actuelle de l’autonomie gouvernementale des Premières Nations. Cela me rappelle les valeurs de compréhension et de respect mutuels ainsi que la reconnaissance des droits de la personne que notre collègue a défendues tout au long de sa carrière. Tour à tour pilote au sein de l’Aviation royale canadienne, agent de police à Winnipeg et à Vancouver, entrepreneur en construction, homme d’affaires, aviculteur et parlementaire, le sénateur St. Germain a consacré sa vie et sa carrière à l’industrie et aux provinces en exerçant les professions les plus variées, mais c’est d’abord et avant tout un humaniste. Les parlementaires, les Canadiens, les gens de la Colombie-Britannique et les peuples autochtones sont privilégiés d’avoir été touchés par la sublime humanité du sénateur Gerry St. Germain.

L’humanité est une qualité que son ami Bob Ransford, de la Colombie-Britannique, comme lui, a fait ressortir dans un hommage qu’il a rendu récemment à notre collègue à Vancouver, dans lequel il évoquait l’essence de la force de caractère et de la passion du sénateur St. Germain, que je respecte et que j’admire tant. M. Ransford a raconté cette fois où, il y a 20 ans, le sénateur St. Germain et lui s’étaient rendus à la réserve de Mount Currie, où habite la nation Lil’wat. Il a raconté qu’ensemble ils avaient roulé sur une route de gravier jusqu’à une ancienne partie de la réserve que Gerry appelait Dodge.

De très vieilles cabanes bordaient un court chemin poussiéreux. La moitié étaient faites de bois mal équarri. Il y avait des espaces entre les planches. L’autre moitié étaient faites de papier goudronné et de boîtes de contreplaqué. Des gens vivaient là. J’ai vu quelques jeunes enfants courir. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point l’endroit était déprimant. Nous roulions lentement. Gerry ne disait pas grand-chose, mais je voyais son regard, je voyais la détermination dans ses yeux, qui exprimaient une vive préoccupation que j’avais déjà vue auparavant. Je ne comprenais pas trop alors d’où lui venait cette préoccupation, quelle importance elle avait ni où elle le conduirait.

Les sénateurs savent à quel point cette préoccupation était importante et où elle mènerait le sénateur St. Germain. Permettez- moi de poursuivre ma lecture du récit de M. Ransford :

Il y a quelques mois, à la lecture du rapport sur l’éducation des Autochtones qu’avait signé Gerry à titre de président du Comité sénatorial des peuples autochtones, j’ai compris ce qu’avait été la plus grande contribution de Gerry durant les 30 ans où il a été au service du peuple. Sa plus grande contribution n’a pas été de réunir les conservateurs, d’avoir mis sur pied l’Administration de l’aéroport international de Vancouver, d’avoir obtenu un engagement pour la construction d’un oléoduc sur l’île de Vancouver ni d’avoir défendu l’accord sur le bois d’œuvre afin de protéger des emplois en Colombie-Britannique. Non, la plus grande contribution de Gerry fut de rester fidèle à sa propre humanité et de nous faire comprendre que nous avions l’occasion, dans ce merveilleux pays, de former la nation d’un seul peuple, de se rassembler véritablement, en reconnaissant que nos Premières Nations définissent notre Canada, un pays qui s’est enrichi par la suite avec l’arrivée de gens de partout dans le monde.

Voilà, honorables sénateurs, la vision qu’a le sénateur St. Germain du Canada. Alors qu’il quitte le Sénat pour prendre sa retraite, nous devons réaffirmer avec ferveur notre intention de protéger et de promouvoir cette vision.

En 1974, honorables sénateurs, mon père était un nouveau réfugié sans un seul ami en Colombie-Britannique et il cherchait un emploi pour nourrir sa famille nombreuse. À l’occasion d’un événement, il a rencontré le ministre Whalen, qui lui a fait quelques suggestions. Après cette conversation, mon père a fait une demande pour devenir producteur d’œufs. Il a fait une demande pour des contingents d’œufs auprès de l’office de commercialisation des œufs, dont le sénateur St. Germain était président. Les producteurs de la région ne voulaient pas de mon père parmi eux, car il était différent. Mon père a attendu assis à l’extérieur de la pièce alors que l’on prenait la décision. Il était convaincu qu’on ne lui accorderait pas les contingents.

Il était loin de s’imaginer qu’un pur étranger faisait valoir ses droits. Le sénateur St. Germain, qui ne connaissait pas mon père et ignorait tout de sa situation, a lutté pour lui. Il a refusé de céder aux préjugés des agriculteurs. Mon père a obtenu son permis et s’il produit des œufs dans la vallée du Fraser depuis maintenant 38 ans, c’est grâce à notre collègue, le sénateur St. Germain.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Jaffer : Honorables sénateurs, voilà le genre d’homme qu’est notre ami. Il est toujours prêt à défendre son prochain, même un parfait inconnu, peu importe sa race, sa religion ou ses convictions. Gerry traite tout le monde sur un pied d’égalité et ouvre des perspectives à tous.

Sénateur St. Germain, merci de vous être investi, de nous avoir offert votre amitié, d’avoir été un modèle et de vous être dévoué pour tous les Canadiens. Vous nous manquerez. Je m’ennuierai en particulier de nos longs allers-retours en avion de Vancouver à Ottawa, au cours desquels vous m’avez prodigué tant de judicieux conseils, même si je ne les ai pas toujours suivis.

Nous vous souhaitons tout le bonheur du monde auprès de votre merveilleuse famille et de votre petit-fils, Tanner, qui est assis à la tribune et reste toujours à vos côtés.

[Français]

Gerry, tu vas me manquer.