1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 148
Le lundi 25 mars 2013
L’honorable Pierre Claude Nolin, Président suppléant
Projet de loi sur la transparence financière des Premières Nations
Troisième lecture—Rejet de la motion d’amendement—Report du vote
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson, appuyée par l’honorable sénateur Wallace, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-27, Loi visant à accroître l’obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière.
Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Dyck, appuyée par l’honorable sénateur Chaput, que le projet de loi C-27 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit lu une troisième fois dans six mois à compter de ce jour.
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-27, Loi sur la transparence financière des Premières Nations. J’aimerais lire une lettre qui est parvenue à la vice-présidente du comité, la sénatrice Dyck.
La Première Nation Squamish a écrit au président et à la vice- présidente du comité pour donner suite aux commentaires faits par un membre de leur Première Nation au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Honorables sénateurs, ces observations prouvent que nous devons débattre encore de cette question. Nous n’avons pas entendu toutes les parties à ce débat, pas suffisamment. Je vais donc maintenant lire le mémoire de la Première Nation Squamish, puisqu’il a été reçu après la fin des audiences. Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de lire cette lettre puisque j’habite à proximité de la Nation Squamish.
Sénateur White,
La présente a pour objet de répondre aux allégations faites par Mme Beverly Brown dans le témoignage qu’elle a fait devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones le 13 février 2013.
Mme Brown est membre de la Nation Squamish et, lors de son témoignage, elle a fait, sur cette nation, des commentaires que nous réfutons vigoureusement.
Avant de passer aux allégations de Mme Brown, nous estimons qu’il est important de mentionner le témoignage livré au comité par M. Terry Goodtrack, président-directeur général de l’Association des agents financiers autochtones du Canada, qui a dit : « […] un régime de production de rapports véritablement transparent doit communiquer une information pertinente à l’auditoire ciblé — dans ce cas-ci, les citoyens autochtones. Cela demanderait une contribution et une participation des citoyens autochtones ainsi qu’une attention particulière à des questions comme la littératie financière. »
Nous croyons qu’il importe d’insister sur cette déclaration — comme l’ont fait valoir d’autres témoins —, car nous sommes d’avis que bon nombre d’allégations faites par Mme Brown sont liées à son manque de connaissances financières et à son incapacité de comprendre les renseignements d’excellente qualité fournis par la nation Squamish à ses membres.
En tant que nation, nous jugeons que toutes les questions posées par les membres sont importantes, et nous prenons au sérieux toutes les préoccupations soulevées par ces derniers. Nous avons fourni des réponses à Mme Brown à ce sujet à plusieurs reprises, tant par écrit que dans le cadre des réunions des membres, mais elle continue tout de même d’insister et a déclaré ceci : « J’ai demandé de façon directe et indirecte au leadership de s’y attaquer, mais sans réponse ». Par conséquent, nous aimerions réfuter ses déclarations.
Responsabilité, reddition de comptes et transparence
Dans son témoignage au comité, de même que dans de nombreux courriels et dans le cadre de diverses déclarations publiques, Mme Brown a fait plusieurs allégations non fondées. Ainsi, elle a prétendu qu’en tant que gouvernement, nous ne sommes pas responsables, ne rendons pas de comptes et ne faisons pas preuve de transparence. Or, c’est tout simplement faux. Nous sommes un gouvernement prudent et responsable. Nous gérons avec soin nos ressources financières et humaines et nous prenons toujours des décisions dans l’intérêt de l’ensemble de la population. En outre, nous sommes déterminés à rendre des comptes, à faire preuve de transparence et à voir à ce que nos membres soient les mieux renseignés au pays. Par conséquent, nous fournissons régulièrement des renseignements financiers importants à nos membres.
Par exemple, nous organisons chaque année entre 50 et 100 rencontres d’information à l’intention de nos membres, y compris des rencontres axées spécifiquement sur la gestion financière.
Chaque année, nous distribuons nos états financiers consolidés vérifiés à nos membres. Ces états financiers, de même qu’un rapport détaillé présentant les activités de la nation, sont envoyés par la poste à tous les membres adultes, qu’ils habitent dans la réserve ou à l’extérieur de celle-ci. Nous organisons chaque année des séances d’information à l’échelle locale portant sur les états financiers, dans le cadre desquelles nous expliquons ceux-ci et répondons aux questions des membres. Récemment, nous avons tenu deux réunions de ce type, qui ont eu lieu le 19 et le 21 mars 2012.
En outre, toutes les sections administratives de la Nation Squamish tiennent des séances d’information annuelles à l’intention de la communauté. L’approche de notre nation en matière de reddition de comptes permet aux sections administratives de nouer le dialogue avec chaque membre de la nation.
Nous répondons par écrit aux questions posées par courriel et lors des réunions des membres, et nous communiquons ces questions et réponses à tous nos membres grâce au bulletin que nous leur faisons parvenir. Nous nous assurons ainsi que tous les membres reçoivent des nouvelles directement de leurs dirigeants.
La vérification de la Nation Squamish
Mme Brown a aussi réclamé qu’une vérification complète soit menée par un tiers, laquelle serait communiquée à « tous les membres […], qu’ils se trouvent ou non dans la réserve ». Comme il a été mentionné précédemment, nous fournissons chaque année aux membres nos renseignements d’ordre financier, qu’ils vivent ou non dans la réserve. En outre, nous sommes heureux de souligner que nous faisons l’objet d’une vérification annuelle par un tiers et que voilà maintenant des décennies qu’un cabinet comptable national indépendant nous fournit des opinions sans réserve à l’égard de nos états financiers.
Le vérificateur estime donc que toutes les normes comptables ont été respectées et que les états financiers constituent un tableau fidèle de nos activités et de nos organismes. Soulignons que les vérificateurs sont indépendants et qu’ils mènent leur vérification de la Nation Squamish selon les plus hautes normes d’intégrité professionnelle, d’objectivité et d’excellence technique. Les vérificateurs fournissent des recommandations pour gérer et atténuer les risques et veillent à ce que les contrôles internes nécessaires soient en vigueur afin que la nation respecte les plus hautes normes en matière d’établissement de rapports financiers.
Mme Brown s’est plainte que nous fournissions des « […] données grossièrement erronées sur les finances qui ne fournissent pas assez de détails pour être significatives et qui sont si vagues qu’elles donnent l’impression d’une transparence tout en dissimulant bien mal les secrets ». Nous rejetons totalement cette allégation, puisque des vérificateurs indépendants ont conclu que nos états financiers sont exacts et respectent toutes les normes comptables. Nous comprenons que certaines personnes aient de la difficulté à comprendre les documents d’ordre financier, et c’est pourquoi les membres qui souhaitent venir dans les bureaux de la Nation Squamish pour examiner en détail les états financiers et pour poser des questions sont les bienvenus.
Soin apporté à la planification et la budgétisation
L’administration et les entreprises de la Nation Squamish font l’objet d’une gestion soignée et efficace. Notre processus de planification et de budgétisation commence par l’établissement d’une liste de priorités par les membres. Les chefs et le conseil approuvent ensuite les politiques concernant ces priorités. Chaque année, chacun des services doit élaborer un programme, un plan et un budget, qui sera examiné par le service des finances et approuvé par les chefs et le conseil. Chaque service doit gérer son budget avec soin, et les responsables des divers services effectuent des examens mensuels afin de s’assurer que les services sont sur la bonne voie. Comme nous l’avons indiqué précédemment, nos états financiers font ensuite l’objet d’une vérification annuelle indépendante, et les résultats sont présentés aux membres.
Salaires, honoraires et déplacements
En ce qui concerne les salaires, les honoraires et les déplacements des chefs et des membres du conseil, la nation […] a publié en octobre 2012 l’échelle des salaires et honoraires versés aux représentants élus et aux cadres supérieurs de la Nation Squamish, conformément aux pratiques établies […]
La loi nous interdit de divulguer les salaires précis de ces personnes, car il s’agit de renseignements personnels qui ne peuvent être divulgués qu’avec leur consentement. La loi interdit également à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada de publier ces renseignements sans autorisation préalable.
Les entreprises de la Nation Squamish
En ce qui concerne les nombreuses allégations de Mme Brown visant les entreprises de la Nation Squamish, nous présentons régulièrement des rapports au sujet de ces dernières, et les membres de la Nation Squamish jouissent des profits qu’elles génèrent. Les entreprises dans lesquelles la Nation Squamish a des intérêts figurent dans le rapport financier annuel de 2011, volume 2, de la Nation Squamish, qui est remis à tous les membres, qu’ils vivent dans la réserve ou à l’extérieur de celle-ci.
La Nation Squamish offre à ses membres plus de 150 programmes et services dans des domaines tels que les services aux hommes, aux enfants et à la famille ayas, l’éducation, l’emploi et la formation, les services de santé, les projets de logement et d’immobilisations, l’enregistrement […] les loisirs, les activités communautaires et l’administration de la bande.
Comme bon nombre de ces services ne bénéficient que d’une très faible, voire d’aucune aide financière extérieure, la nation finance la totalité des coûts des programmes à partir de ses propres revenus. Plusieurs de nos entreprises ne réalisent pas d’importants bénéfices, mais elles créent des emplois pour les membres de la nation en plus de contribuer à nos revenus.
Plus de 60 % de chaque dollar que nous dépensons provient de nos propres sources de revenu, notamment les prêts-baux et nos entreprises. Ainsi, la nation injecte chaque année dans les programmes communautaires environ 25 millions de dollars puisés à même ses propres sources de revenu, au bénéfice de tous les membres. En outre, nous versons à chaque homme, femme et enfant un dividende annuel de 1 000 $ pour répartir les recettes générées par nos entreprises et nos initiatives de développement économique […]
Mme Brown affirme avoir demandé le salaire des fiduciaires constitués en société de la nation Squamish et n’avoir obtenu aucune réponse. Or, elle a été informée oralement et par écrit que les fiduciaires constitués en société de la Nation Squamish ne touchent aucune forme de rémunération, et ne peuvent pas tirer avantage sur le plan personnel de leur rôle de fiduciaire.
Le projet de loi C-27
Enfin, j’aimerais parler du projet de loi C-27.Le projet de loi impose aux gouvernements des Premières Nations des normes plus rigoureuses que celles que sont tenues de respecter les représentants élus de nombreuses autres provinces. Les chefs et le conseil de la Nation Squamish s’opposent à l’imposition unilatérale d’une telle loi par le gouvernement fédéral. Ce dernier n’a pas consulté la Nation Squamish, en violation grave de nos droits et de nos pouvoirs.
Par contre, nous devons préciser que la Nation Squamish n’a pas attendue l’adoption d’une telle loi. Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous sommes résolus à avoir les membres les mieux informés du pays et nous dépassons les exigences en matière de divulgation des renseignements financiers.
Sincèrement,
La Nation Squamish
Les coprésidents du conseil