1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 176

Le mardi 18 juin 2013
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

La cécité et la perte de vision

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Seth, attirant l’attention du Sénat sur les taux croissants de cécité et de perte de vision au Canada ainsi que les stratégies pour prévenir des pertes de visions supplémentaires.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j’aimerais remercier la sénatrice Seth d’avoir lancé une interpellation sur la cécité. Cela me donne l’occasion de parler de la cécité dans le reste du monde, et particulièrement en Afrique. Le trachome est une maladie très contagieuse pouvant causer la cécité. Il se manifeste dans 57 pays et détruit la vie de 40 millions de personnes. Mondialement, le trachome coûte 2,1 milliards d’euros en perte de revenus. Tout cela pourrait être évité, car le trachome est facile à traiter et à prévenir avec les bons médicaments et de bonnes règles d’hygiène.

Dans l’ensemble, l’Afrique est le continent le plus touché; il compte 27,8 millions de cas actifs de trachome. Environ la moitié du fardeau mondial de trachome actif se concentre dans cinq pays : l’Éthiopie, l’Inde, le Nigeria, l’Ouganda et le Soudan.

Le trachome est l’une des nombreuses maladies dites négligées dans les tropiques, que des dizaines d’organismes non gouvernementaux combattent à l’heure actuelle dans le monde.

Les sociétés pharmaceutiques, telles que Pfizer, ont donné plus de 145 millions de traitements unidose contre le trachome, mais, même avec ces dons, le coût du traitement demeure prohibitif pour certaines des populations les plus pauvres. Toutes les quatre minutes, une personne dans le monde subit une grave perte de vision et à chaque heure, quatre personnes deviennent aveugles.

J’aimerais commencer en vous racontant l’histoire de Mme Alehegn. Mme Alehegn était une jeune femme vigoureuse lorsqu’elle a commencé à développer le trachome, ou « poil dans les yeux » comme on le nomme en Afrique de l’Est.

La douleur était telle qu’il lui était impossible de faire cuire des aliments sur un feu de bouse, de se rendre à pied jusqu’à des puits éloignés ou de travailler dans des champs poussiéreux, des tâches essentielles qui incombent à toute épouse. En raison de sa maladie, sa relation avec son époux s’est tellement détériorée qu’il a fini par la quitter pour une femme en bonne santé. « Lorsque j’ai cessé de me lever le matin pour faire le ménage et de participer aux travaux de la ferme, nous avons commencé à nous quereller », a-t-elle dit.

Pendant 15 ans, Mme Alehegn a souffert. Chaque clignement lui donnait l’impression d’avoir des épines sous les paupières. Elle avait beau arracher les poils sur sa paupière, qui était retournée vers l’intérieur, ils repoussaient plus dru et devenaient plus incommodants. Avec l’aide de sa fille, elle a persévéré et a réussi à économiser suffisamment d’argent sur son maigre revenu pour se faire opérer. Pendant 15 ans, elle a souffert inutilement pour venir à bout d’une maladie qui peut être évitée et traitée.

Interrogé sur les raisons de son départ, l’ex-époux de Mme Alehegn a dit qu’il avait aussi commencé à avoir des « poils dans les yeux ». Il avait été forcé lui aussi d’arrêter de travailler. S’ils ne s’étaient pas séparés, ils seraient tous deux devenus complètement aveugles et seraient morts. Une épouse travailleuse allait lui fournir le revenu nécessaire pour payer l’opération qui allait lui sauver la vie. « Si nous n’avions pas été malade, a-t-il ajouté avec tristesse, nous aurions élevé nos enfants ensemble. »

Selon l’Organisation mondiale de la santé, si l’aide nécessaire est fournie, il sera possible d’éradiquer le trachome d’ici 2020.

Honorables sénateurs, le gouvernement, notre pays et les Canadiens peuvent contribuer à l’éradication de cette maladie débilitante. Merci.

(Sur la motion du sénateur D. Smith, le débat est ajourné.)