2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 64

Le jeudi 29 mai 2014
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Frum, appuyée par l’honorable sénateur Maltais, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et modifiant certaines lois en conséquence.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-23.

Je tiens à remercier le sénateur Runciman et le sénateur Baker pour tout le travail qu’ils ont effectué pour nous au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et sur le projet de loi C-23. Je remercie également le sénateur Moore et la sénatrice Frum d’avoir veillé au cheminement du projet de loi.

Honorables sénateurs, tous les deux ou trois mois, je fais une promenade en pleine nuit dans les rues de Vancouver. D’une fois à l’autre, je vois les mêmes personnes assoupies dans les mêmes recoins. C’est là qu’elles ont élu domicile. Même si elles n’ont pas d’adresse fixe, les gens qui les connaissent ou qui dorment près d’elles savent que c’est là qu’elles vivent.

Ce projet de loi privera de leur droit de vote non seulement les sans-abri, mais aussi les aînés, les étudiants, et bien d’autres.

Prenons l’exemple d’un couple de personnes âgées, ou même d’une famille, où la femme n’a pas d’adresse parce que les factures du ménage sont toutes au nom de son mari. Ajoutons qu’elle a perdu toutes ses pièces d’identité. Malheureusement, cette femme devra compter sur son mari pour exercer son droit de vote.

En vertu de la nouvelle loi, une personne dans une telle situation n’a pas d’identité et est dans l’impossibilité de voter. Elle se voit privée de son droit de vote. Est-ce là le genre de réforme démocratique que nous souhaitons? Voulons-nous d’un tel Canada?

Honorables sénateurs, lors des dernières élections au Canada, en 2011, nous avons enregistré l’un des plus faibles taux de participation de l’histoire de notre pays : 61,1 p. 100 des Canadiens ont voté.

Voici ce qu’a déclaré notre premier ministre actuel en 1996 :

L’adoption à la hâte de réformes électorales au Parlement sans l’appui des autres partis politiques est une application dangereuse des pratiques électorales que l’on s’attend d’habitude à trouver dans les pays du tiers monde.

[Français]

Malheureusement, cette collaboration entre les différents partis ne s’est guère produite à la Chambre des communes. Grâce à cette Chambre rouge, nous avons l’avantage d’être indépendants de la Chambre des communes. Nous avons l’avantage d’étudier en détail les projets de loi proposés par un gouvernement majoritaire.

[Traduction]

Voilà pourquoi nous sommes la « Chambre de second examen objectif ».

[Français]

Ce projet de loi ne fait pas l’unanimité auprès des Canadiennes et des Canadiens.

(1420)

Plusieurs ont critiqué le manque de dépolitisation de l’administration des élections, d’autres critiquent le fait que la carte d’information de l’électeur ne peut être utilisée pour exercer son droit de vote, ou encore, le fait qu’Élections Canada n’aura plus le droit de mener des campagnes de promotion de la participation électorale.

[Traduction]

Aujourd’hui, j’aimerais axer mon intervention sur un aspect en particulier, que j’ai soulevé au comité lors de l’étude préalable. Cet aspect, qui m’inquiète beaucoup, est l’identification des électeurs. Je sais que je m’engage dans une dure bataille en ce qui concerne la présentation de pièces d’identité aux bureaux de vote. J’aimerais vous faire part des observations de Shaila Patel, de Lac La Ronge, au sujet du système de répondant. La bande indienne de Lac La Ronge est la plus grande collectivité des Premières Nations de la Saskatchewan. Voici ce que Mme Patel a déclaré :

Fait important, le projet de loi C-23 interdirait désormais le recours à un répondant. Dans le cadre du système de répondant, un membre de la communauté peut confirmer l’adresse d’un autre membre, ou alors, un représentant de la bande nommé par le chef peut agir comme répondant pour les membres de notre collectivité s’ils n’ont pas de pièce d’identité avec adresse.

Le système de répondant, avec représentants nommés par la bande, a été utilisé fréquemment dans les collectivités de Lac La Ronge lors des dernières élections fédérales et provinciales.

Il n’y a jamais eu de cas de fraude.

Le gouvernement fédéral affirme qu’il restreint le recours à un répondant, car en procédant ainsi, il élimine le risque que des gens votent de manière frauduleuse.

Par contre, il est impossible de voter frauduleusement dans nos collectivités, car tout le monde se connaît.

Dans notre collectivité, l’élimination du système de répondant donnera lieu à une réduction importante du nombre de membres qui seront disposés à exercer leur droit de vote ou seront en mesure de le faire, au lieu d’encourager la participation électorale.

Honorables sénateurs, Sonny Nauss, un Canadien de la Nouvelle-Écosse qui a travaillé dans les bureaux de vote, a quant à lui déclaré ceci :

De toute évidence, ce projet de loi ne correspond pas aux besoins ou aux souhaits des Canadiens.

J’ai travaillé aux bureaux de vote lors de nombreuses élections, et le recours à un répondant ne pose pas de problème. J’ai vu des gens confirmer l’identité d’autres personnes dans presque tous les bureaux de scrutin où j’ai travaillé. IL N’Y A PAS DE FRAUDE. Oui, les bureaux de vote où j’ai travaillé étaient situés en région rurale, où les gens se connaissent tous, mais parfois, les gens oubliaient leurs pièces d’identité, et au lieu de perdre du temps à aller les chercher, ils demandaient à quelqu’un de confirmer leur identité.

Absolument tout ce que contient le projet de loi me semble clocher. Le projet de loi m’apparaît biaisé. Personnellement, je trouve qu’il sert strictement les intérêts personnels de M. Harper. Il met en péril le fondement même de la démocratie […] le droit de vote.

Un fier Canadien.

Après avoir mûrement réfléchi, le gouvernement a décidé de conserver le système de répondants, quoique les électeurs devront toujours présenter une pièce d’identité.

Son Honneur le Président intérimaire : Chers collègues, je vous prie de discuter un peu moins fort afin de nous permettre d’écouter les observations fort intéressantes de la sénatrice Jaffer.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup, Votre Honneur.

Selon le directeur général des élections, Marc Mayrand, de 100 000 à 120 000 personnes subiront les contrecoups du projet de loi, notamment des étudiants ou des sans-abri qui n’ont pas nécessairement de pièce d’identité où figure leur adresse courante, sans oublier, comme j’en ai déjà parlé, les Autochtones qui vivent dans les réserves et qui n’ont généralement pas d’adresse résidentielle.

Selon le témoignage du directeur général par intérim de l’Assemblée des Premières Nations, Peter Dinsdale, le projet de loi aura pour conséquence que les Autochtones auront plus de mal à exercer leur droit de vote et constitue un pas en arrière.

[Français]

Rappelons un fait simple mais qui, pourtant, peut sembler acquis pour plusieurs.

L’article 3 de la Charte des droits et libertés stipule ce qui suit, et je cite :

Tout citoyen canadien a le droit de vote aux élections législatives fédérales ou provinciales.

Heureusement, le ministre d’État a reculé et a proposé certains amendements au projet de loi. Cependant, ils ne sont que trop peu.

J’aimerais vous citer une partie du discours de notre collègue de la Chambre des communes, M. Stéphane Dion :

Le gouvernement est revenu, mais en partie seulement, sur son projet d’abolir le système de répondants qui protège le droit de vote des citoyens à qui il manque des formes d’identification.

Le système de répondants permet à ces citoyens de s’identifier sous serment et d’obtenir qu’un citoyen de la même division électorale se porte garant.

Ce recours facilite l’exercice du droit de vote à de nombreux citoyens, notamment des étudiants, des aînés, des Autochtones, comme par hasard des électeurs moins susceptibles que d’autres de voter conservateur.

Alors que le projet de loi C-23, première mouture, supprimait tout recours aux répondants, la nouvelle version permet à une personne qui peut prouver son adresse de résidence de répondre sous serment, de l’adresse d’une personne qui ne peut prouver que son identité, si elle habite dans la même section de vote.

C’est donc un progrès partiel.

Le directeur général des élections a rappelé que les personnes âgées qui vivent et votent dans une maison de retraite n’ont pas toujours de pièce d’identité ni de facture de service public et quelles utilisent donc couramment la carte d’information de l’électeur pour participer au scrutin.

Privés de ce document, beaucoup de Canadiens âgés ne pourront plus faire valoir leur droit de vote.

Notre collègue, Stéphane Dion, a bien raison lorsqu’il mentionne que plusieurs Canadiens ne seront plus en mesure de voter en raison de ces changements. Lorsque le ministre d’État à la Réforme démocratique est venu témoigner au comité pour discuter du projet de loi C-23, je lui ai posé plusieurs questions quant à mes inquiétudes. Je lui ai demandé ceci : comment un étudiant ou encore un sans-abri sans adresse pourra-t-il voter?

[Traduction]

Voici ce qu’a dit la sénatrice Frum, qui parraine le projet de loi :

Honorables sénateurs, la Loi sur l’intégrité des élections mettra fin au processus qui permettait de voter en faisant appel à un répondant. En vertu de ce système, une personne n’ayant pas la pièce d’identité requise pouvait faire confirmer son identité par un autre électeur Le projet de loi C-23 élimine cette possibilité. Dorénavant, les électeurs devront présenter des pièces d’identité avant de pouvoir voter, ainsi qu’une preuve d’adresse […]

Selon un récent sondage Ipsos, 87 p. 100 des Canadiens croient qu’il est raisonnable d’exiger que les électeurs prouvent leur identité et leur adresse avant de pouvoir voter.

Je répète, honorables sénateurs, que 87 p. 100 des Canadiens pensent que c’est raisonnable. Je suis certaine qu’à l’autre endroit, on a tenu compte de ce pourcentage quand on a présenté le projet de loi. Ici, dans cette Chambre, cependant, nous sommes les gardiens de la minorité. C’est notre travail. C’est pour cela que nous avons été nommés ici, au Sénat. L’autre endroit peut s’occuper des 87 p. 100, mais nous, nous sommes ici pour protéger les droits des 13 p. 100 qui restent. J’exhorte le comité à examiner cette question plus à fond.

Par ailleurs, dans son intervention à l’étape de la deuxième lecture, la sénatrice Frum a déclaré ceci :

Certains font valoir qu’aucun cas de fraude électorale liée au recours à un répondant n’a été démontré au Canada, mais nous ne pouvons pas en être sûrs, car Élections Canada n’a jamais mené de vérification à la suite des élections pour déterminer si le processus de recours à un répondant a donné lieu à de la fraude.

Honorables sénateurs, nous agissons sans avoir de preuve qu’il y a eu ou non de la fraude, mais nous avons une certitude : nous avons la preuve qu’en adoptant ce projet de loi concernant l’attestation d’identité par un répondant, nous priverons certainement des Canadiens du droit de voter, ce droit que nous tenons pour sacré en démocratie. J’exhorte le comité à réexaminer la question.

Le 5 février, le ministre Pierre Poilievre a déclaré ceci :

La bonne nouvelle, c’est qu’il continuera d’y avoir environ 39 pièces d’identité acceptables.

Il importe de souligner, honorables sénateurs, que ni l’actuelle Loi électorale du Canada ni le projet de loi C-23 ne précisent quelles sont ces pièces d’identité. La loi habilite simplement le directeur général des élections à autoriser la présentation de pièces d’identité comme preuve d’identité et de résidence.

[Français]

J’aimerais souligner l’importance mise sur le fait que la pièce d’identité de la personne doit présenter une adresse de résidence.

Laissez-moi vous rappeler, honorables sénateurs, ce que le directeur général des élections du Canada, M. Marc Mayrand, a dit devant notre comité. Je cite :

Environ 120 000 Canadiens et Canadiennes n’ont pas d’adresse.

[Traduction]

Jetons un coup d’œil aux 39 pièces d’identité. Premièrement, si vous êtes propriétaire d’une maison, il est fort probable que vous ayez jusqu’à huit documents portant votre adresse, à savoir : une facture de service public — téléphone, télévision, commission de services publics, électricité, gaz ou eau —, un relevé de compte bancaire ou de carte de crédit, un document de propriété ou d’assurance d’un véhicule, un chèque ou un talon de chèque du gouvernement, un relevé de prestations, de cotisations ou de participation à un régime de pensions, un bail d’habitation ou un état de compte de prêt hypothécaire, un avis de cotisation de l’impôt sur le revenu ou un avis d’évaluation municipale, enfin une police d’assurance. Si vous possédez un véhicule, vous avez une pièce d’identité supplémentaire et un autre document, à savoir un permis de conduire, un certificat d’immatriculation ou un document d’assurance. Si vous possédez une arme à feu, vous aurez une pièce d’identité dont vous pouvez vous servir pour voter, soit un permis d’acquisition et de possession d’arme à feu ou un permis de possession seulement. Si vous êtes un chasseur, un pêcheur ou un trappeur, vous avez sans doute l’un des deux documents suivants : une carte ou un permis relatif au plein air ou à la faune, ou un permis de pêche, de piégeage ou de chasse. Si, par malheur, vous êtes malade, vous avez deux autres documents : le bracelet d’hôpital porté dans les établissements de soins de longue durée, et une carte de clinique médicale.

(1430)

Si vous êtes un ancien combattant, vous avez une autre pièce d’identité, à savoir la carte d’identité des soins de santé d’Anciens Combattants Canada. Si vous êtes membre des Forces canadiennes, vous avez votre carte d’identité des Forces canadiennes. Si vous êtes aveugle, vous avez une autre pièce d’identité : la carte d’identité de l’INCA. Si, par malheur, vous êtes handicapé, vous avez peut-être un relevé de prestations gouvernementales pour le soutien aux personnes handicapées. Si vous bénéficiez d’une libération conditionnelle, vous avez peut-être une carte d’identité de libéré conditionnel. Si vous donnez du sang, vous avez probablement une carte de la Société canadienne du sang. Si vous avez des enfants, vous possédez peut-être un autre document, à savoir un relevé de la prestation fiscale pour enfants. Si vous êtes un étudiant, vous avez une carte d’étudiant ou des documents provenant de votre école, collège ou université. Si vous êtes un aîné, vous avez peut-être une carte d’identité de la sécurité de la vieillesse, un relevé de votre régime de retraite, ou un relevé de prestations gouvernementales.

Si vous êtes un immigrant, vous avez probablement une carte de citoyenneté. Si vous êtes un Autochtone, vous avez peut-être un certificat ou une carte de statut d’Indien et une attestation de résidence délivrée par l’autorité responsable d’une bande ou d’une réserve des Premières Nations.

Si vous voyagez, vous avez probablement un passeport canadien. Si vous occupez un emploi, vous avez une carte d’employé.

Si vous n’êtes pas propriétaire d’une maison ou d’un véhicule, si vous n’êtes pas un immigrant ou un donneur de sang et si vous n’avez pas d’enfants, combien de documents pourriez-vous avoir? Les sans-abri, les étudiants et d’autres groupes pourraient avoir jusqu’à huit documents, au lieu de 39, pour voter. Une carte d’assurance-maladie, un certificat de naissance, une carte d’assurance sociale, une carte d’identité d’une société des alcools, une carte de crédit ou de débit, bref tous ces documents s’ils ne sont pas volés. Une carte de transport en commun, si vous avez les moyens de vous en procurer une. Si vous n’avez pas d’adresse, vous ne pouvez pas obtenir une carte de bibliothèque.

Honorables sénateurs, je marche dans les rues de ma ville, Vancouver, et je sais que les premières choses que les sans-abri perdent, ce sont leur portefeuille et toutes leurs cartes d’identité. Nous serions naïfs de croire qu’ils possèdent des cartes d’identité. Je mets au défi n’importe quel sénateur de me dire que les sans-abri n’ont pas le droit de voter.

Honorables sénateurs, songez au nombre de sans-abri qui possèdent une carte d’assurance-maladie, leur certificat de naissance, ou un compte bancaire.

[Français]

J’aimerais, honorables sénateurs porter quelque chose à votre réflexion. Nous ne sommes pas élus par la majorité; à l’inverse, notre rôle est de représenter, dans de telles circonstances, ces minorités, ces sans-abri, ces étudiants, ces personnes âgées, ces Autochtones.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Voulez-vous plus de temps?

La sénatrice Jaffer : Cinq minutes de plus, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président intérimaire : La sénatrice Jaffer peut-elle avoir cinq minutes de plus?

Des voix : D’accord.

[Français]

La sénatrice Jaffer : Pour la majorité, ces pièces d’identité et ces documents peuvent sembler facilement accessibles. Or, la réalité peut être tout autre pour certaines minorités, comme les sans-abri et les étudiants. Cependant, cela ne leur enlève pas le droit de voter, au même titre que tous les Canadiens et Canadiennes.

Rappelons un fait simple et important : un sans-abri ne possède aucun bien, mis à part ses vêtements et sa personne même.

J’aimerais partager avec vous les propos d’une citoyenne canadienne, Kathleen White-Hoar, que le projet de loi C-23 inquiète beaucoup :

[Traduction]

Si on exige plus de pièces d’identité pour voter […] des centaines de milliers d’électeurs auront plus de difficulté à voter. Il faudrait plutôt maintenir les règles actuelles en matière d’identification, ajouter la carte d’inscription de l’électeur à la liste des pièces d’identité valides, et fournir à Élections Canada les pouvoirs et les ressources nécessaires pour embaucher des fonctionnaires électoraux plus tôt, mieux former le personnel, et rendre la liste électorale encore plus précise.

J’ai entendu plusieurs commentaires sur le nombre d’irrégularités supposément observées dans le registre des répondants.

À deux reprises, on m’a refusé le droit de voter parce que j’avais déménagé, et je n’avais encore remplacé mes pièces d’identité.

À l’une de ces occasions, j’avais mes pièces d’identité, une lettre qui confirmait mon lieu de résidence, et un répondant.

Pourtant, on m’a quand même refusé le droit de voter.

Tient-on un registre de ces incidents?

Comment savons-nous que cela n’a pas eu d’incidence néfaste sur le processus électoral?

Quant aux Canadiens sans abri, où peuvent-ils voter?

Honorables sénateurs, nombreux sont ceux qui n’ont pas 39 options. Ils ont peut-être une pièce d’identité ou aucune. Ce sont les gens que nous privons de leur droit de vote. Il est prouvé hors de tout doute que ce projet de loi empêchera des gens de voter. Le Sénat est considéré comme la Chambre de second examen objectif. Les sénateurs ont le devoir d’écouter ces préoccupations et de défendre les droits des minorités.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à ne pas prendre mes propos à la légère et à examiner ce projet de loi adéquatement pour veiller à ce que tous les Canadiens puissent voter lors des prochaines élections. Merci beaucoup.

[Français]

L’honorable Pierrette Ringuette : Est-ce que l’honorable sénatrice Jaffer accepterait de répondre à une question?

La sénatrice Jaffer : Oui.

La sénatrice Ringuette : Ma mère de 97 ans vote aux élections fédérales depuis que les femmes ont le droit de vote. Elle n’a pas de passeport canadien, elle n’a pas de voiture, elle n’a pas de permis de conduire, elle habite dans un foyer qui ne livre pas le courrier; son courrier est donc envoyé à l’adresse de ma sœur. Elle n’a donc aucune pièce d’identité qui donne son adresse.

Le gouvernement fédéral demande aux personnes âgées de faire déposer leur chèque du Régime de pensions directement dans leur compte; il n’y a donc pas de preuve d’adresse.

On dit maintenant aux Canadiens qu’on leur enlèvera leur droit de vote s’ils n’ont pas ces deux pièces d’identité avec adresse. Comme je vous le dis, ma mère de 97 ans a toujours payé ses impôts et elle est très lucide — je crois même qu’elle pourrait rendre certaines personnes jalouses de sa lucidité. Comment m’assurer que ce projet de loi ne lui enlèvera pas son droit de vote?

La sénatrice Jaffer : Sénatrice Ringuette, c’est là le défi. C’est la raison pour laquelle je m’inquiète. Je ne sais pas comment on fera. C’est notre défi et c’est pourquoi je demande ce que le comité étudie cette question.

La sénatrice Ringuette : Peut-être que ma prochaine question s’adressera particulièrement à la sénatrice Jaffer, mais peut-être qu’elle s’adressera également à tous les membres qui sont présents dans cette enceinte.

Comment allez-vous assurer à ma mère de 97 ans, citoyenne canadienne, qu’elle pourra voter à la prochaine élection, puisqu’elle n’a pas de pièce d’identité avec adresse, pas de passeport, pas de permis de conduire, ni aucune carte avec photo?

Il n’y a pas que ma mère qui se retrouve dans cette situation. Au foyer où elle réside, ils sont 63 dans la même situation. Alors, lequel d’entre vous voudra enlever le droit de vote à ces personnes?

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Je vous permets de répondre brièvement à cette question.

[Français]

La sénatrice Jaffer : C’est mon inquiétude, et c’est ce que je veux que le comité étudie.