1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 80
Le jeudi 1er décembre 2016
L’honorable George J. Furey, Président
La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Mitchell, appuyée par l’honorable sénatrice Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel.
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel. J’exprime mon appui indéfectible, comme je l’ai fait chaque fois que le Sénat a été saisi du projet de loi.
[Français]
Le texte modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d’ajouter l’identité de genre et l’expression de genre à la liste des motifs de distinction illicite.
Il modifie également le Code criminel afin d’étendre la protection contre la propagande haineuse prévue par cette loi à toute section du public qui se différencie par l’identité ou l’expression de genre et afin de prévoir clairement que les éléments de preuve établissant qu’une infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur l’identité ou l’expression de genre constituent une circonstance aggravante dont le tribunal doit tenir compte lorsqu’il détermine la peine à infliger.
[Traduction]
Les personnes transgenres sont actuellement victimes de discrimination dans de nombreuses sphères de leur vie. Par exemple, elles présentent des taux de chômage beaucoup plus élevés, elles se voient souvent refuser un logement en raison de leur identité de genre et elles éprouvent des difficultés disproportionnées à obtenir les services de santé et les services sociaux dont elles ont besoin. La conjugaison de ces facteurs mène à des taux de pauvreté supérieurs chez les personnes transgenres.
Rupert Raj, psychiatre du centre de soins de santé Sherbourne, décrit plus en détail la discrimination subie par les personnes transgenres. Il affirme que 85 à 90 p. 100 d’entre elles sont sans abri, sans emploi ou sous-employées. Malgré cette situation, certains refuges refusent de les accueillir jusqu’à ce qu’elles aient subi une chirurgie pour changer de sexe. Le projet de loi C-16 vise à garantir aux Canadiens transgenres la dignité qu’ils méritent.
Lorsque les personnes transgenres sont privées du droit au travail, d’un logement et du droit à la liberté d’expression, elles vivent une atteinte à leur dignité. À titre de sénateurs, nous avons été nommés pour protéger les droits des Canadiens, y compris ceux des minorités.
Je suis contente que le leader de l’opposition nous ait rappelé la responsabilité du Sénat lorsqu’il a parlé cet après-midi des façons dont nous protégeons les droits des minorités.
Grâce à notre travail, nous protégeons les minorités raciales, ethniques et religieuses.
(1450)
Aujourd’hui, nous avons une occasion en or de protéger aussi les membres de la communauté transgenre canadienne. Nous avons l’occasion de mettre fin à l’attente qu’ils subissent depuis longtemps pour voir enfin protégée leur dignité en tant qu’êtres humains.
Honorables sénateurs, les provinces ont pris beaucoup d’avance sur le gouvernement fédéral dans la lutte contre la discrimination envers les transgenres.
Par exemple, ma province, la Colombie-Britannique, a adopté une loi intitulée « Gender Identity and Expression Human Rights Recognition Act », qui prévoit ce qui suit :
La présente loi appuie l’évolution continue du terme « sexe » dans les dispositions législatives sur les droits de la personne en reconnaissant officiellement que le terme comprend la protection de l’identité de genre et de l’expression de genre.
La présente loi affirme les droits des transsexuels, des transgenres, des personnes intersexuées, des intergenres, des personnes non binaires et des membres d’autres groupes qui sont souvent victimes de discrimination fondée sur l’expression de genre ou l’identité de genre.
Le Code des droits de la personne de l’Ontario traite également de la discrimination fondée sur l’identité de genre et l’expression de genre. En vertu de ce code, toutes les personnes sont protégées contre la discrimination et le harcèlement fondés sur l’identité de genre et l’expression de genre dans les domaines de l’emploi, du logement, des services, des contrats, ainsi que de l’adhésion aux syndicats ou aux associations commerciales ou professionnelles.
Il est temps que les droits des transgenres soient reconnus à l’échelle fédérale. Lorsqu’ils peuvent exprimer leur identité, les transgenres peuvent vivre une vie beaucoup plus épanouie que par le passé.
Honorables sénateurs, je me souviens d’avoir reçu une lettre de Nina, membre de la Réserve aérienne, qui m’a raconté ce qui s’est passé lorsqu’elle a révélé aux membres de sa famille et à ses collègues qu’elle était transgenre. Voici ce qu’elle m’a dit :
Madame la sénatrice Jaffer, je vous écris pour vous raconter mon histoire en tant que membre des Forces armées canadiennes ayant 35 années de service. Aussi loin que je puisse me souvenir, j’ai toujours rêvé à ce que serait ma vie si j’étais une fille. J’ai souvent été victime d’intimidation parce que j’étais une enfant maigre et petite. J’ai souvent porté secrètement les vêtements de ma sœur et de ma mère. Parfois, mes parents me surprenaient ainsi vêtue. J’ai été très chanceuse : mes parents ne m’ont jamais punie, car ils pensaient que, en vieillissant, j’allais abandonner cette pratique. Lorsque j’étais encore à l’école secondaire, je me suis enrôlée dans la Réserve aérienne des Forces canadiennes. Au cours de ma carrière militaire, j’ai été technicienne d’aéronefs pendant plus de 30 ans. La nuit où Saddam Hussein a lancé un missile Scud qui a atterri à quelques milles au nord de l’aéroport de Doha, j’étais en train de changer un dispositif de régulation du carburant sur un CF-18 dans l’obscurité, avec une lampe de poche, parce qu’il y avait une fuite de carburant dans une aile. Durant les 35 années où j’ai servi le Canada, j’ai vécu bien des expériences, bonnes et mauvaises. J’ai servi mon pays, le Canada, avec loyauté. Je ne me suis jamais désistée lorsque les Forces canadiennes avaient besoin de moi et j’étais toujours la première à me porter volontaire. J’ai continué de porter des vêtements de femmes dès que j’en avais la chance. Il était très difficile de vivre dans la caserne, car je devais toujours cacher mes vêtements. En 2009, à l’âge de 47 ans, je me suis sentie à l’aise de dévoiler à ma famille et aux Forces canadiennes que j’étais transgenre. Je vis pleinement ma vie depuis août 2009. Les Forces canadiennes m’ont soutenue et m’ont aidée à faire la transition en milieu de travail. Puisque je n’ai plus besoin de me cacher, je peux enfin être ce que j’ai toujours été. Je suis beaucoup plus heureuse.
Honorables sénateurs, les patriotes de la trempe de Nina et des autres membres de la communauté transgenre devraient pouvoir s’exprimer en toute liberté, sans craindre d’être discriminés.
Je trouve particulièrement inquiétante la discrimination dont sont victimes les enfants transgenres, qui en sont encore à la phase d’exploration de leur sexe et qui se demandent peut-être s’ils pourront un jour exprimer librement leur identité. Ces enfants ont besoin d’être protégés pendant qu’ils découvrent quel est leur véritable sexe. Or, si ce projet de loi n’est pas adopté, ils continueront d’être l’objet de discrimination dans des proportions alarmantes.
Selon l’Association canadienne des libertés civiles, à l’heure où on se parle, 90 p. 100 des jeunes transgenres entendent des commentaires transphobes à l’école, 25 p. 100 sont harcelés physiquement et 78 p. 100 ne se sentent pas en sécurité à l’école et s’en sont déjà absentés pour cette raison.
[Français]
Honorables sénateurs, je veux partager avec vous l’histoire de Ryan Dyck, qui m’a parlé d’un enfant transgenre de six ans qui a su, dès son plus jeune âge, qu’il n’était pas une fille, mais un garçon. Cet enfant se présente à l’école comme un garçon et s’habille comme un garçon. Son école ne lui a toutefois pas fourni un endroit sécuritaire où aller aux toilettes. Sa mère doit donc s’absenter du travail pour aller chercher son enfant à la récréation et à l’heure du repas pour l’emmener aux toilettes de la station-service située en face de l’école.
[Traduction]
Honorables sénateurs, on ne peut pas permettre que ces enfants ne se sentent pas en sécurité et ne puissent pas satisfaire leurs besoins les plus élémentaires.
Depuis que nous discutons de ce projet de loi, l’argument des toilettes a souvent été soulevé. Or, cet argument nuit aux personnes trans, car elles sont ainsi dépeintes comme étant dangereuses, alors qu’en réalité ce sont elles qui doivent craindre la violence chaque fois qu’elles utilisent les toilettes publiques.
Le poète Ivan E. Coyote, de Vancouver, a écrit un poème intitulé The Facilities après avoir discuté avec une jeune fille trans des problèmes que lui causent les toilettes publiques. Je crois qu’il illustre à merveille les difficultés que vivent les personnes trans. En voici un extrait :
Je peux me retenir pendant des heures. Presque toute la journée, en fait. C’est une aptitude que j’ai développée par nécessité, après avoir longtemps fréquenté les toilettes publiques. Je me retiens le plus que je peux, jusqu’à ce que j’arrive à la salle de spectacle, aux loges, à ma chambre d’hôtel ou à la maison. Je n’utilise les toilettes publiques qu’en tout dernier recours. Quand c’est possible, j’essaie d’utiliser les toilettes unisexes réservées aux personnes en fauteuil roulant, mais seulement après avoir bien vérifié que je n’empêche pas une personne en fauteuil roulant ou avec des problèmes de mobilité de l’utiliser. Je retiens toujours mon souffle en sortant, par contre, dans la crainte de me faire accueillir par un étranger en colère qui marche avec des béquilles. Il m’arrive parfois, pendant que je me dépêche à faire pipi et à me laver les mains, de me préparer une réplique dans ma tête, au cas où. Je m’imagine en train de dire ceci à mon interlocuteur : « Excusez-moi de vous avoir causé des désagréments en accaparant les toilettes pour handicapés, mais nous vivons dans un monde où les transgenres ne peuvent pas faire pipi en sécurité et, après des années de mauvaises expériences dans les toilettes des femmes, j’ai décidé d’utiliser les seules toilettes accessibles à tout le monde, quel que soit leur genre. »
Honorables sénateurs, lorsque le projet de loi C-279 a été présenté au Sénat, j’ai reçu une lettre de la mère d’une jeune fille transgenre qui souligne encore plus cette réalité. La lettre disait ceci :
À cause de l’amendement au projet de loi C-279 concernant l’usage des toilettes, les parents d’enfants trans sont complètement terrifiés que leurs enfants ne deviennent les victimes dans tout cela, car ils devront utiliser les toilettes réservées aux personnes d’un autre genre que le leur.
Honorables sénateurs, la vérité, c’est que les personnes transgenres souhaitent simplement utiliser les installations qui correspondent à leur genre. Leur refuser ce droit ne fait que les exposer à la violence et à une plus grande discrimination.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-16 reconnaît les réalités et les défis auxquels les Canadiens transgenres sont quotidiennement confrontés. En faisant en sorte que le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne tiennent compte des expériences des personnes transgenres, le projet de loi C-16 reflète des valeurs qui sont chères aux Canadiens : le droit à l’égalité des chances et le droit à une protection égale en vertu de la loi.
Honorables sénateurs, j’aimerais conclure en relatant l’expérience de Mme Sara Davis Buechner, professeure agrégée de musique à l’Université de la Colombie-Britannique. La professeure Buechner a obtenu un diplôme de pianiste soliste de la Juilliard School of Music en 1984. Le sénateur Mitchell a fait allusion à elle l’autre jour. En 1986, elle a été la grande gagnante américaine du concours international Tchaïkovski à Moscou, et ses réalisations ont été reconnues par Ronald Reagan. Au fil de sa carrière, la professeure Buechner a joué pour des personnalités comme l’ancien président Bill Clinton et l’ancienne première dame Hillary Rodham Clinton, et s’est aussi produite en compagnie de nombreux orchestres de renommée mondiale.
À 37 ans, après s’être interrogée sur son identité toute sa vie, la professeure Buechner a reçu un diagnostique de dysphorie de genre. Par la suite, la professeure Buechner a fait la transition pour vivre selon son genre « véritable », qui est celui de femme.
Même si son talent musical n’a pas changé, l’univers de la professeure Buechner s’est soudainement écroulé. Avant sa transition sexuelle, elle se produisait au moins 50 fois par année devant des publics du monde entier. Après sa transition, on ne l’invita plus que deux ou trois fois par année. Elle a également été congédiée et a fréquemment été victime de harcèlement verbal et physique. Elle a dit au comité, et je cite :
Pour les personnes transgenres et cisgenres, il s’agit de question de vie ou de mort, de vivre publiquement, honnêtement et librement sans peur des préjugés, des menaces, ou même pire, de la violence. Nous n’avons pas besoin de droits supplémentaires et nous n’en demandons pas. Nous avons besoin des mêmes droits que nos frères et soeurs canadiens de toute race, croyance, appartenance et identité.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous demander d’appuyer le projet de loi C-16, et pour faire adopter ce projet de loi avant Noël. Je vous demande cela parce que, la dernière fois que ce projet de loi a été rejeté par le Sénat ou qu’il n’a pas été examiné aussi rapidement qu’il aurait dû l’être, vous ne pouvez pas savoir à quel point la communauté trans a été déçue. Cela m’a brisé le cœur.
(1500)
Honorables sénateurs, ce serait un magnifique cadeau à offrir à cette communauté que de lui dire que nous, sénateurs, nous préoccupons d’elle et voulons la mettre sur le même pied que toutes les autres communautés.
Honorables sénateurs, j’ai beaucoup réfléchi à ce que je vais dire maintenant. Je n’ai vraiment pas envie d’en parler, mais je sens l’obligation d’aborder avec vous une question, celle des toilettes. Je le fais aujourd’hui en l’honneur de Charlie.
Charlie est venue sur la Colline du Parlement et elle a utilisé l’image du drapeau qui y est dressé. C’est une petite fille de 12 ans. Elle est venue demander au comité : « Faites que je sois l’égale de tous les enfants. »
Honorables sénateurs, je voudrais vous raconter quelque chose. Mes frères et sœurs ne sont pas au courant. Seuls mes parents et moi savons. Lorsque j’avais quatre ans, mes parents m’ont envoyée dans une école du quartier. C’était dans mon pays natal, l’Ouganda, qui était alors un protectorat britannique. Tous nos voisins étaient blancs.
J’ai insisté. J’ai imploré mes parents pour qu’ils m’envoient dans une école où je serais avec mes amis, ceux avec qui je jouais chez moi tous les jours. Ils étaient mes amis. Je n’étais pas consciente du fait qu’ils étaient blancs. Ils étaient mes amis.
Je me rappelle qu’on m’a renvoyée chez moi après le troisième jour d’école et que mon père est venu à l’école, me tenant la main. Je n’ai jamais su pourquoi mon père était aussi en colère. Je ne l’avais jamais vu dans cet état. Lorsqu’il m’a ramenée de l’école, j’ai cru que j’avais fait quelque chose de mal. J’étais anéantie. Mon père et ma mère n’ont pas eu le courage de me dire pourquoi on m’avait demandé de quitter cette école.
Pendant longtemps, quand je fréquentais d’autres écoles et que mes parents n’invitaient plus mes amis à la maison, je n’ai pas compris pourquoi mes amis ne pouvaient pas venir à la maison ni pourquoi je ne pouvais pas aller à l’école du quartier.
Lorsque j’ai été plus âgée et que mon père était devenu un homme politique en vue au gouvernement, le directeur de l’école est venu chez nous pour demander une faveur. Lorsque mon père lui a indiqué la porte, il a dit : « Vous avez détruit l’estime de soi chez ma fille. » Le directeur a répondu : « Monsieur Jaffer, vous devez comprendre que les parents ne voulaient pas que votre fille utilise les mêmes toilettes que leurs enfants pour des raisons de sécurité, puisque, comme vous savez, elle aurait propagé des maladies. »
Honorables sénateurs, lorsque nous utilisons cet argument des toilettes, lorsque nous disons des choses semblables à nos enfants, nous les détruisons. Je ne serai jamais plus la même. Je me demanderai toujours qui je suis. Cela a détruit mon psychisme.
Je vous raconte cette histoire vraiment à contrecœur. Je ne veux pas rouvrir de vieilles blessures. Ici, maintenant, je suis l’égale de tous et je suis très aimée. Je voudrais que vous compreniez que plus nous prolongerons ce débat sur la question des toilettes… Puis-je avoir cinq minutes de plus?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Jaffer : Plus ce débat se prolongera, plus nos précieux enfants se sentiront blessés dans les écoles. Je vous le demande humblement : ne tolérez pas qu’ils soient ainsi blessés.
Je n’avais pas de maladies. Jusqu’à ce jour, je n’en ai eu aucune, mais, pendant le reste de ma vie, je vais en porter une, celle de me sentir inférieure à mes amis. Ne faites pas cela à d’autres enfants que nous aimons. Adoptons cette loi. Le temps est venu.
Je vous ai ouvert mon âme à cause de la petite Charlie, qui est venue sur la Colline du Parlement. Je lui dois cela. Je vous le dis : plus nous tarderons à adopter le projet de loi, plus nous causerons du tort à nos petits enfants canadiens.
Je vous demande d’adopter le projet de loi et ensuite de travailler avec nous à faire évoluer les mentalités des Canadiens. Les personnes transgenres font partie de notre société comme les autres.
L’honorable Donald Neil Plett : La sénatrice Jaffer accepterait-elle de répondre à une question?
Madame la sénatrice Jaffer, j’ai écouté très sérieusement vos arguments et je ne vais pas en débattre aujourd’hui. Je ferai mon discours à un moment donné.
Je suis un peu perplexe devant votre volonté de faire adopter le projet de loi sans débat, ce que vous semblez proposer, mais nous allons laisser cela de côté pour l’instant.
Selon moi, tous les projets de loi méritent un débat approfondi. J’ai toujours été en faveur du renvoi des projets de loi aux comités. Le moment venu, j’appuierai le renvoi du projet de loi à un comité, certainement, que ce soit dans quelques jours ou dans quelques semaines.
La question que j’ai à vous poser est la suivante. J’ai reçu à propos du projet de loi des dizaines de courriels, d’appels téléphoniques et de lettres de personnes transgenres qui n’appuient pas le projet de loi, de féministes qui ne l’appuient pas non plus, de féministes qui disent avoir travaillé toute leur vie pour améliorer la condition féminine. Il y a maintenant des personnes qui, physiologiquement, sont des hommes et qui veulent devenir transgenres.
Les transgenres qui croient qu’il y a seulement deux sexes disent que leur problème, c’est qu’ils veulent appartenir au sexe opposé. Pourtant, le projet de loi reconnaîtra plus de 70 genres.
Le projet de loi nécessite un débat. Ce n’est pas qu’une question de liberté d’expression. Il exige certaines interventions.
Que dites-vous à la communauté transgenre, selon laquelle il ne devrait y avoir que deux sexes?
Une voix : Il y en a plus.
Le sénateur Plett : Non, ce n’est pas le cas.
Ma question s’adresse à la sénatrice Jaffer. Il ne devrait y avoir que deux sexes. Il arrive simplement que certains veuillent appartenir au sexe opposé.
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre question. Je sais que vous avez travaillé fort à l’étude de cette question, et je respecte cela.
Honorable sénateur, je serais la dernière à dire qu’il faut éluder le débat. Je ne dis pas qu’il ne faut pas débattre du projet de loi. Discutons-en, mais, ce faisant, travaillons fort, comme nous le faisons pour tant d’autres projets de loi. Faisons en sorte que le projet de loi soit au nombre de ceux qui seront adoptés avant Noël. C’est tout ce que je demande.
Honorable sénateur, vous dites que vous avez reçu beaucoup de lettres. J’en ai reçu aussi, comme tous les autres sénateurs. Croyez- moi, j’ai reçu beaucoup de lettres. Je suis convaincue que tout dirigeant ou politique au Sénat a la responsabilité de faire en sorte que tous les Canadiens soient égaux.
Je vais vous faire part de mon expérience. Lorsque nous avons discuté du mariage civil… Puis-je avoir encore deux minutes?
Son Honneur le Président : Lui accordez-vous deux minutes de plus, honorables sénateurs?
Le sénateur Plett : Pour répondre à la question, oui.
Des voix : D’accord.
La sénatrice Jaffer : Lorsque nous avons discuté du mariage civil au Sénat, j’ai reçu, comme musulmane, 10 000 lettres de gens qui m’ont dit que je ne devais pas appuyer ce projet de loi. Je l’ai appuyé parce que j’ai estimé que, comme femme politique, j’avais le devoir de le faire.
À ce jour, je ne suis toujours pas la bienvenue dans certaines mosquées, mais je crois que si un Canadien nous demande de ne pas laisser cette discrimination se perpétuer, moi, comme femme politique, je dois entendre cet appel.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)