2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 31
Le mardi 16 mars 2021
L’honorable George J. Furey, Président
La Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres. Je remercie d’ailleurs la sénatrice McCallum de l’avoir présenté, car elle a fait preuve de vision.
Ce projet de loi est aussi simple que les réclamations traditionnelles des femmes, car il permet de se poser la question suivante : en quoi cette politique ou ce processus influeront-ils sur les hommes et sur les femmes? Aussi simple soit-il, il est malgré tout porteur d’une transformation immense qui pourrait changer la vie de tous les Canadiens, et pour le mieux.
Pendant son émouvant discours à l’étape de la deuxième lecture, la sénatrice McCallum a surtout parlé des femmes autochtones et du fait que ce projet de loi permettra de corriger une anomalie à l’origine de trop nombreuses tragédies.
Les analyses comparatives entre les sexes aident le gouvernement à comprendre les facteurs qui, dans les politiques et les projets de loi qu’il entend proposer, risquent d’avoir des répercussions sur les femmes. Il permet de connaître l’effet que tel ou tel projet public aura sur elles et de prendre en considération la réalité et les besoins des deux sexes. Il tient aussi compte d’autres facteurs comme l’âge, la race et les limitations fonctionnelles.
En ratifiant la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, en 1995, le Canada s’est engagé à avoir recours aux analyses comparatives entre les sexes. Pourtant, dans un rapport publié en 2015, le vérificateur général concluait que les ministères et organismes gouvernementaux du Canada en faisaient un usage incomplet ou s’en servaient mal, et ce, c’est s’ils l’utilisaient, point.
Bien que le gouvernement du Canada actuel se soit engagé à réaliser une analyse comparative entre les sexes dans tous les ministères et les organismes gouvernementaux, comme la sénatrice Boyer l’a mentionné dans son discours, une telle analyse est entreprise à la discrétion et selon le bon vouloir du gouvernement. Rien n’oblige le gouvernement à entreprendre cette analyse. Ce n’est pas une mesure durable et cela ne suffit pas à assurer l’égalité des sexes en tout temps.
Nous connaissons la réalité des femmes en grande partie, mais la loi ne la reflète pas toujours. Par exemple, nous savons que le taux d’emploi des femmes demeure inférieur à celui des hommes. Nous savons que les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’occuper un poste temporaire ou à temps partiel. Nous savons que les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’obtenir un horaire de travail réduit ou de s’absenter du travail pour offrir des soins à un proche. Nous savons que 26 % des familles avec une mère célibataire vivent avec un faible revenu, comparativement à 13 % pour les familles avec un père célibataire. Les femmes sont plus touchées par les écarts en matière de rémunération, notamment les femmes racialisées, noires et autochtones.
En 2006, le Conseil canadien pour les réfugiés a publié une analyse comparative entre les sexes à l’égard de l’établissement. Cette recherche comprenait diverses questions devant être posées au moment de planifier des initiatives ou des projets de loi. Je doute cependant que nous ayons la moindre idée de l’impact que nous pourrions créer en réalisant une analyse approfondie. Les chercheurs ont soulevé des questions très pertinentes quant à la différence entre les sexes associée à certains enjeux d’établissement.
Dans le contexte de l’immigration, les politiques et les pratiques ont des répercussions différentes selon les groupes de réfugiés ou d’immigrants. On constaterait toute une différence si une analyse comparative entre les sexes était toujours réalisée. Nous savons que les pires situations concernent les femmes célibataires, les veuves et celles qui n’ont nulle part où aller. Elles doivent faire partie de l’analyse comparative entre les sexes.
De nos jours, alors que les iniquités sociales et fondées sur le sexe sont mises en lumière en raison de la pandémie, ce projet de loi est essentiel pour faire en sorte que les femmes ne soient pas oubliées, en particulier les femmes autochtones, racialisées et noires.
(2000)
Selon un mémoire des Nations unies sur les politiques, dans tous les domaines, y compris la santé, l’économie, la sécurité ou la protection sociale, les femmes et les filles ont été plus durement touchées par les effets de la pandémie de COVID-19 en raison de leur sexe.
La Commission canadienne des droits de la personne a fait des observations semblables. Cependant, pour les femmes autochtones, la situation était encore pire. L’Alliance féministe pour l’action internationale, un organisme canadien, et Pamela Palmater, titulaire de la chaire de gouvernance autochtone de l’Université Ryerson, ont publié un rapport qui fait état de la détérioration des conditions socioéconomiques et de l’augmentation des cas de violence fondée sur le sexe, d’exploitation, de disparition et d’assassinat chez les femmes et les filles autochtones.
Avec le projet de loi S-213, on pourra s’assurer que toutes les politiques gouvernementales prennent en considération les conséquences démesurées subies par les femmes. Par exemple, les mesures proposées pour la relance après la pandémie pourront être soumises à une analyse des effets sur les femmes, plus particulièrement les femmes autochtones, les femmes racialisées et les femmes noires. Si on peut soumettre tous les projets de loi à une analyse comparative entre les sexes, cela améliorera la vie de tous les Canadiens.
Honorables sénateurs, nous avons appris récemment que, même si le gouvernement a mené des analyses comparatives entre les sexes, celles-ci n’incluaient pas les femmes racialisées. Il y a beaucoup de travail à faire, et je remercie la sénatrice McCallum de cette initiative très importante. Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)