Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 79

Le mardi 15 mai 2012
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

La justice

Le tourisme sexuel

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. J’ai déjà posé cette question en mars dernier, et je la pose encore une fois. Chaque année, un million d’enfants sont exploités dans le cadre du commerce mondial du sexe. Le mois dernier, un article troublant paru dans le Vancouver Sun a révélé que des Canadiens faisaient partie de ceux qui font des voyages internationaux pour avoir des relations sexuelles avec des enfants, sur une base commerciale. L’article parlait plus particulièrement du Cambodge, pays où un tiers des habitants ont un revenu inférieur à 1 $ par jour, et précisait que des hommes canadiens fréquentaient les bordels et violaient de petites filles.

En 1996, le projet de loi C-27, qui traitait du tourisme sexuel touchant les enfants, avait été adopté par les deux Chambres. En vertu de cette mesure, tous les crimes sexuels commis contre des enfants sont jugés extraterritoriaux. Malheureusement, au cours des 15 années qui ont suivi la mise en vigueur de cette loi, seules cinq personnes ont fait l’objet de poursuites.

J’avais communiqué ma question au bureau du leader plus tôt. Je vais donc lui demander encore une fois : quelles ressources le gouvernement a-t-il investies pour assurer la mise en vigueur adéquate du projet de loi C-27?

L’honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur de m’avoir communiqué la question au préalable. Comme elle l’a dit, elle avait déjà posé cette question il y a un mois et demi, mais je n’ai pas eu l’occasion de lui fournir une réponse écrite. J’essaierai de déterminer ce qu’il en est.

Comme madame le sénateur le sait, puisqu’elle est avocate, l’instruction de telles affaires relève de la compétence provinciale. De plus, elle sait certainement qu’à titre de leader du gouvernement au Sénat, je ne peux pas aborder des questions dont les tribunaux sont saisis ou qui font l’objet d’une enquête policière.

Notre droit pénal permet de poursuivre au Canada des Canadiens qui se livrent à des activités sexuelles interdites avec des enfants pendant qu’ils sont à l’étranger. La loi canadienne concernant le tourisme sexuel, que le sénateur a mentionnée, reflète un consensus international en vertu duquel les personnes qui abusent sexuellement d’enfants doivent être tenues responsables. Si l’État dans lequel les actes interdits ont eu lieu n’engage pas lui-même des poursuites contre les ressortissants canadiens impliqués, notre loi nous permet au Canada de le faire nous-mêmes.

Comme le sénateur le sait, les efforts que nous déployons pour protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle s’étendent au-delà de nos frontières. Le Canada appuie pleinement et continue d’appuyer les multiples accords internationaux traitant de cette question, y compris la Stratégie du G8 pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle sur Internet.

Quant à la question précise concernant les fonds affectés à cette fin, je veillerai à ce que ce renseignement figure dans la réponse écrite.

Le sénateur Jaffer : Je remercie le leader de sa réponse détaillée.

Je suis bien placée pour savoir que les poursuites sont du ressort provincial. Toutefois, l’honorable sénateur et moi savons aussi que l’enquête doit avoir lieu dans le pays où l’infraction a été commise, que les ressources nécessaires doivent être fournies par le gouvernement fédéral et que des agents d’exécution doivent être affectés à nos missions à l’étranger.

Lorsqu’elle fera ses recherches, madame le leader pourrait-elle déterminer combien d’agents sont déployés dans des régions où nous savons que des hommes canadiens — des femmes aussi — se rendent, pour que nous puissions savoir ce qui se passe?

J’aimerais en outre que le leader se renseigne sur les mesures d’enquête que le Canada a prises pour faire en sorte que les hommes qui se rendent à l’étranger afin d’exploiter sexuellement des enfants soient traduits en justice de la même façon que s’ils avaient exploité une petite fille au Canada.

Le sénateur LeBreton : Je remercie madame le sénateur de sa question et de l’intérêt soutenu qu’elle porte à cette affaire d’une extrême gravité.

Comme elle le sait, lors de la réunion de mai 2007 des ministres de la Justice et de l’Intérieur du G8, le Canada a réitéré son engagement à travailler avec les autres pays du G8 pour combattre l’exploitation sexuelle, et notamment à échanger des pratiques exemplaires touchant les enquêtes et les poursuites dans le cas des infractions liées au tourisme sexuel. Je me rends compte que cela va bien au- delà des pays du G8, mais ceux-ci peuvent exercer une grande influence pour amener des changements dans les pays en cause.

Honorables sénateurs, je vais bien sûr poser la question du sénateur Jaffer concernant les endroits où ces organisations sont actives et les ressources qui sont mises à leur disposition pour combattre ces crimes qui sont, comme elle l’a dit à juste titre, aussi graves que répréhensibles.