Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 126

Le mercredi 5 décembre 2012
L’honorable Noël A. Kinsella, Président

Les affaires autochtones et le développement du Nord

Le financement accordé à l’éducation dans les réserves

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Lorsque les membres du Comité des droits de la personne se sont rendus à Saskatoon, ils y ont rencontré un homme extraordinaire, Ray Ahenakew, qui est président intérimaire de l’Institut des sciences appliquées et de technologie pour les peuples autochtones. Selon lui, le problème réside dans le fait que les enfants des réserves ne reçoivent aucune éducation de la maternelle à la 12e année, et que, par conséquent, ils sont perdus lorsqu’ils arrivent dans les villes.

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Dans sa propre évaluation de l’éducation primaire et secondaire dans les réserves, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada souligne que la prise en charge de l’éducation par les Premières nations a été restreinte et que, « faute de capacités et de ressources appropriées, de nombreuses collectivités ne sont pas en mesure de maximiser l’incidence que la prise en charge de leur éducation par les Premières nations peut avoir dans un domaine aussi fondamental que l’éducation des enfants ».

Un célèbre philosophe du Xe siècle a dit un jour que nous respectons l’éducation parce qu’elle nous enseigne des valeurs. Selon les données de recensement les plus récentes, au moins la moitié — la moitié — de la population des réserves âgée de 25 à 34 ans ne possède pas de diplôme d’études secondaires, alors que 10 p. 100 des Canadiens du même âge sont dans la même situation.

Honorables sénateurs, je n’ai aucune intention de blâmer le gouvernement conservateur pour ce problème; j’estime que la responsabilité incombe à tous les Canadiens, au gouvernement actuel et à nous tous. L’injustice fondamentale dont nous sommes témoins résulte du paternalisme et de la discrimination systémique qui dure depuis des siècles. Ce dont nous avons désespérément besoin maintenant, c’est d’une direction qui respecte les valeurs des Premières Nations et qui les amène à se prendre en charge. Conformément à l’engagement prévu par l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Canada a promis de protéger « […] le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances […] ».

Comment le gouvernement compte-t-il exercer son rôle mobilisateur dans la promotion de l’éducation, un droit fondamental pour tous les enfants autochtones?

Le sénateur LeBreton : Je suis tout à fait d’avis qu’il s’agit d’un droit fondamental. Je le répète aux sénateurs, nous avons encore beaucoup de pain sur la planche. Tous ceux qui ont travaillé dans ce dossier, peu importe avec quel gouvernement, le savent.

Je le dis une fois de plus : chaque année, le gouvernement investit dans l’éducation de plus de 117 000 élèves dans les réserves, de la maternelle à la fin du secondaire, en plus d’aider environ 22 000 étudiants de niveau postsecondaire. Je pourrais répéter ma réponse, mais je suis convaincue que les sénateurs peuvent la lire dans les Débats du Sénat. Ce sont 117 000 élèves chaque année.

Nous investissons davantage dans la littératie. Nous avons collaboré avec l’industrie relativement aux compétences professionnelles. En janvier dernier, nous avons tenu un colloque sur le thème de l’éducation. Le gouvernement fait de l’excellent travail. Le dossier tient profondément à cœur au ministre. Le gouvernement est fermement résolu à collaborer avec les chefs autochtones afin de bonifier ce qui a déjà été accompli.

Je rends cependant justice à madame le sénateur Jaffer : elle n’a pas cherché à donner l’impression que le gouvernement a laissé ce dossier en plan, au contraire. De toute évidence, elle a mis le doigt sur un problème qui persiste depuis des décennies.

Cela dit, le gouvernement est tout à fait déterminé à le résoudre. C’est lui qui a finalement réglé le dossier des pensionnats indiens et présenté des excuses officielles à cet égard. C’est lui qui a tenu la Rencontre de la Couronne et des Premières nations, une réunion au sommet. C’est lui qui a conscience de tout ce qui reste encore à accomplir, mais qui consacre aussi beaucoup de temps et d’argent à toute la question de l’éducation des jeunes Autochtones.

Le sénateur Jaffer : J’ai déjà entendu le leader affirmer, comme aujourd’hui, que nous finançons la scolarisation de 117 000 enfants.

Le sénateur LeBreton : Par année.

Le sénateur Jaffer : Quelque chose me préoccupe. Je ne peux pas relater aux sénateurs ce dont j’ai été témoin dans des écoles de Winnipeg parce que ce que vivent ces enfants canadiens me bouleverse trop. Qu’il s’agisse de 117 000 élèves ou de plus encore, il n’en reste pas moins que leur éducation n’est pas comparable à celle dont profite mon petit-fils. En tant que parlementaire canadienne, je trouve que c’est inacceptable et je crois que tous ceux qui se trouvent dans cette enceinte partagent mon avis.

La question complémentaire que je souhaite poser au leader est la suivante : étant donné que les niveaux de financement actuels n’ont pas permis de donner suite à la reconnaissance universelle du droit à l’éducation pour les enfants des Premières nations, quelle sera la nouvelle stratégie adoptée par le gouvernement afin de donner l’exemple dans ce dossier et d’amener ses partenaires à garantir aux enfants canadiens un accès universel à un enseignement de qualité?

Le sénateur LeBreton : Je peux expliquer aux sénateurs les mesures que nous avons prises. En outre, je tiens à souligner que, pendant que nous nous efforçons d’atteindre cet objectif commun, aucune mesure législative liée à l’éducation ne sera élaborée pour apporter d’autres améliorations à cet égard et ce, tant et aussi longtemps que nous n’aurons pas obtenu le point de vue des Premières nations en la matière. Elles font partie intégrante de ce processus; c’est tout ce que je peux dire aux sénateurs.

Nous travaillons en très étroite collaboration avec les Premières nations. Lorsque nous mettrons en œuvre des mesures visant à améliorer l’éducation de nos jeunes Autochtones, nous atteindrons cet objectif. Nous mettons en commun notre expérience, et tout se fera seulement lorsque nous aurons consulté les Premières nations à cet égard.

Le sénateur Jaffer : Je sais que le leader ne sera peut-être pas en mesure de répondre à cette question aujourd’hui, ce que je respecte, mais j’aimerais tout de même savoir quelles sont les mesures qui ont été prises par le gouvernement pour remplir ses obligations internationales en matière de droits de la personne, de même que ses obligations découlant de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Le sénateur LeBreton : Le gouvernement est pleinement conscient de ses obligations. Je suis tout à fait convaincue que le gouvernement respecte ses obligations à l’égard des citoyens des Premières nations et qu’il continuera de les respecter.

Une fois de plus, je tiens à dire que nous travaillons en très étroite collaboration avec les chefs des Premières nations et les enseignants, non seulement dans le domaine de l’éducation, mais aussi en ce qui concerne les revendications territoriales. Nous travaillons en collaboration avec les Premières nations dans plusieurs domaines, qu’il s’agisse des processus de vérité et de réconciliation ou des questions liées aux pensionnats indiens. Nous collaborons avec les Premières nations dans plusieurs domaines. Nous comprenons tout à fait nos obligations à l’égard de celles-ci.