2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 108

Le vendredi 12 décembre 2014
L’honorable Pierre Claude Nolin, Président

La sécurité publique

Le Service correctionnel du Canada—L’isolement cellulaire

L’honorable Céline Hervieux-Payette : Monsieur le leader, ma question est un peu délicate. On a vu dans les journaux que la juge Arbour, qui a siégé à la Cour suprême, à des cours internationales et ailleurs, est intervenue pour demander au gouvernement d’adopter une politique qui réduirait le nombre de jours d’isolement carcéral.

Votre gouvernement serait-il en train de rédiger une politique qui réduirait, selon les standards internationaux, le nombre de jours que des prisonniers sont obligés de passer en isolement? À l’heure actuelle, les professionnels considèrent cette pratique comme une punition cruelle qui, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, ne devrait certainement pas exister dans un pays civilisé.

L’honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : L’isolement préventif est une pratique courante à laquelle recourent plusieurs pays occidentaux. Le Service correctionnel du Canada utilise tous les outils à sa disposition pour veiller à ce que le système correctionnel parvienne à rectifier efficacement le comportement criminel, y compris par le recours à l’isolement.

[Traduction]

L’honorable Joan Fraser (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, presque un an s’est écoulé depuis l’enquête du coroner sur le décès d’Ashley Smith, et nous avons finalement reçu la réponse du gouvernement. Je veux, moi aussi, mettre l’accent sur la réponse du gouvernement concernant l’isolement cellulaire.

Le gouvernement a rejeté la recommandation voulant que l’isolement cellulaire soit limité à 15 jours d’affilé et à un maximum de 60 jours par année. Pourquoi?

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous faites référence au cas d’Ashley Smith. Ce qui s’est produit dans le cadre de cette affaire est une tragédie. Comme vous pouvez l’imaginer, nos pensées et nos prières accompagnent toujours sa famille.

Le gouvernement a déjà mis en œuvre plus de la moitié des recommandations du coroner et continue de donner suite à l’examen d’autres recommandations. Notre gouvernement a aussi lancé le Plan d’action sur la santé mentale pour les délinquants sous responsabilité fédérale, qui prévoit des mesures axées sur l’évaluation rapide, la gestion efficace, l’intervention pertinente, la formation permanente, ainsi que la gouvernance et la surveillance rigoureuse.

Je réitère ce que j’ai dit précédemment, à savoir que l’isolement préventif est une pratique courante qui a cours dans de nombreux pays occidentaux.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Je suis sûre que Mme Smith vous est reconnaissante pour vos pensées et vos prières, mais elle est d’avis que l’isolement cellulaire devrait être aboli, et non simplement réduit.

À part le Service correctionnel du Canada, tous les experts sont d’avis que l’isolement cellulaire prolongé est dangereux pour la santé mentale. Même le gouvernement reconnaît dans sa réponse que :

[…] en général, l’isolement préventif de longue durée…

— ce sont eux qui le disent ainsi, pas moi —

… ne favorise pas un mode de vie sain […]

Le Service correctionnel du Canada s’est doté d’un comité qui se nomme le Comité national d’examen des cas d’isolement de longue durée, et qui existe depuis cinq ans. L’isolement préventif est si profondément ancré dans les méthodes que le Service correctionnel du Canada a créé un comité pour examiner les cas des détenus qui subissent ce traitement depuis au moins 180 jours ou de ceux qui ont « d’importants besoins en santé mentale » et qui sont en isolement depuis au moins 120 jours.

Cent vingt jours constituent une période huit fois plus longue que celle qui est recommandée par le jury du coroner, mais surtout, tout le monde sait que l’isolement préventif provoque lui-même « d’importants besoins en santé mentale ».

Pourquoi le gouvernement persiste-t-il à recourir à ce système inefficace, dangereux et préjudiciable d’isolement cellulaire?

(0920)

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme je l’ai dit, l’isolement préventif est une pratique courante dans de nombreux pays occidentaux.

Notre gouvernement a lancé le Plan d’action sur la santé mentale pour les délinquants sous responsabilité fédérale, qui prévoit des mesures axées sur l’évaluation rapide, la gestion efficace, l’intervention pertinente, la formation permanente, ainsi que la gouvernance et la surveillance rigoureuse.

Le plan d’action s’appuie sur des mesures. Nous avons accéléré le dépistage dans le domaine de la santé mentale, créé une stratégie de santé mentale pour les prisonniers, élargi la portée du counseling en santé mentale et amélioré la formation du personnel.

Depuis notre entrée en fonction, nous avons adopté plus de 30 initiatives liées à la justice pénale et à la sécurité publique qui aident à prévenir la criminalité. Le gouvernement, tel qu’il est prévu et comme je l’ai mentionné lors de ma réponse antérieure, continuera de donner suite au rapport du coroner qui a été présenté à la suite du décès d’Ashley Smith et procédera à l’examen des autres recommandations.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : C’est très bien d’avoir des plans et des stratégies. J’ai constaté, avec intérêt, que le gouvernement s’est allègrement vanté d’avoir permis la création d’un grand total de deux lits supplémentaires en santé mentale pour les détenues. Cela fera vraiment toute la différence.

Nous avons tous vu les statistiques. Le nombre de personnes en isolement cellulaire dans les prisons canadiennes ne cesse d’augmenter, de même que — et ce n’est pas une coïncidence — le nombre de suicides. Je ne savais pas que la condamnation à la prison était accompagnée d’un fort risque de suicide.

Nous avons envoyé quelque 7 p. 100 de nos détenus en isolement cellulaire. Vous avez peut-être vu le reportage, l’autre jour, d’un journaliste plein d’initiative qui a contacté les responsables du système carcéral britannique. La Grande-Bretagne a près de deux fois plus d’habitants que le Canada. Combien de personnes y étaient en isolement cellulaire? Quatre. Pas 4 p. 100, mais 4. Comparativement au Canada, c’est toute une différence. Je ne sais pas si, sur le plan des pénitenciers, les Britanniques ont la réputation d’être des âmes sensibles et trouillardes.

Le gouvernement n’a-t-il pas honte de sa dépendance continue à un système qui est en vigueur dans nombre de pays, mais pas dans des pays que nous cherchons normalement à imiter?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme je l’ai dit, l’isolement préventif est une pratique courante qui est mise en œuvre dans de nombreux pays occidentaux. Le Service correctionnel du Canada utilise les moyens à sa disposition pour veiller à ce que le système correctionnel canadien parvienne à rectifier efficacement les comportements criminels, y compris en ayant recours à l’isolement.

Le Plan d’action sur la santé mentale pour les délinquants sous responsabilité fédérale prévoit des mesures axées sur une évaluation rapide, une gestion efficace, une intervention pertinente, une formation permanente, ainsi que la gouvernance et une surveillance rigoureuse.

En ce qui a trait au dossier lié au rapport du coroner sur le décès d’Ashley Smith, nous allons continuer d’y donner suite et de procéder à l’examen des autres recommandations.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Je n’ai toujours pas entendu de réponse à ma question initiale. Pourquoi le Canada est-il autant en décalage par rapport aux normes internationales et ne comprend-il pas les meilleures pratiques les plus constructives? La plupart de ces détenus finiront par être libérés. Voulons-nous vraiment libérer des personnes mentalement détruites et en assumer les conséquences inévitables?

Pourquoi continuez-vous de la sorte?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, je pense que j’ai déjà répondu à cette question en affirmant que notre gouvernement croit que les criminels dangereux doivent être incarcérés, mais également en précisant que les prisons ne sont pas l’endroit idéal pour traiter des maladies mentales graves.

C’est la raison pour laquelle nous avons mis en œuvre le Plan d’action sur la santé mentale pour les délinquants sous responsabilité fédérale qui, je le répète, porte sur cinq piliers qui visent à faire en sorte que le système correctionnel puisse corriger le comportement criminel, tout en tenant compte de la santé mentale de ces délinquants.

[Traduction]

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : J’ai une question complémentaire, si vous me le permettez.

Monsieur le leader, Ashley Smith est morte il y a sept ans. Les recommandations ont été formulées il y a un an et le gouvernement est encore en train de les étudier. Entre-temps, les personnes atteintes de troubles de santé mentale continuent d’être placées en isolement cellulaire. Ne s’agit-il pas là d’une pratique barbare?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, je vous rappellerai que le coroner a formulé 104 recommandations, que le gouvernement a déjà mis en œuvre plus de la moitié de ces recommandations, et qu’il continuera d’y donner suite et de faire l’examen des autres recommandations.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, je suis vraiment très heureuse d’apprendre que le gouvernement a mis en œuvre la moitié des recommandations. L’autre jour, la mère d’Ashley Smith s’est exprimée à la télévision et elle a dit qu’aucune recommandation n’avait été mise en place. Puis-je vous demander respectueusement de nous dire quelles recommandations ont déjà été mises en œuvre par le gouvernement?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je prends votre question en note et je vous répondrai ultérieurement, compte tenu de l’aspect technique de cette réponse.

[Traduction]