1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 65

Le mardi 25 octobre 2016
L’honorable George J. Furey, Président

Les modifications à la Loi antiterroriste de 2015

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Merci, monsieur le ministre, de venir nous rencontrer encore une fois.

Monsieur le ministre, mes questions vont porter sur le projet de loi C-51. Avant que j’aborde cette question, je reviens sur les propos du sénateur Day au sujet du projet de loi C-22 pour vous recommander d’utiliser l’expression « nomme » à la place de « peut nommer » en ce qui a trait aux membres provenant du Sénat. Ce faisant, il n’y aura plus aucun doute que des sénateurs siégeront à ce comité.

Monsieur le ministre Goodale, je sais que vous continuez de mener des consultations sur le projet de loi C-51. Il nous serait utile de savoir quand celles-ci aboutiront et quand vous envisagez de déposer une mesure relative au projet de loi C-51.

Monsieur le ministre, je vais vous faire part d’une petite réflexion. Je suis très préoccupée chaque fois qu’il y a des consultations sur la question des droits de la personne. Or, c’est bien de droits de la personne qu’il est question dans le projet de loi C-51. Comment mener une consultation sur ce thème? Les droits de certaines personnes seront touchés directement, et je crains fort que la tyrannie de la majorité puisse aussi avoir un effet dévastateur sur les droits de la personne.

Ma question est d’ordre plus pratique. Des agents du SCRS ont rendu de nombreuses visites à des citoyens respectueux de la loi, chez eux ou au travail, et ont alors affiché une attitude qu’on pourrait assimiler à de l’intimidation. Beaucoup de gens m’appellent pour me dire que le projet de loi C-51 est encore bien vivant. Les libéraux avaient promis de s’en débarrasser tout de suite. Monsieur le ministre, cela fait un an. Le SCRS va cogner à la porte de musulmans innocents, et je n’exagère pas. Je reçois tout le temps des appels d’interlocuteurs me rappelant que M. Trudeau avait promis de se débarrasser du projet de loi C-51. Cela doit s’arrêter, mais quand cela cessera-t-il?

L’honorable Ralph Goodale, C.P., député, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile : Sénatrice, je comprends tout à fait votre question et j’apprécie la passion avec laquelle vous l’avez posée, parce que je suis certain que nous sommes nombreux à partager les mêmes sentiments ardents.

Dans notre plateforme, nous avions énoncé huit ou neuf mesures que nous entendions adopter en réaction à ce que nous avions estimé comme étant les errements du projet de loi C-51. Nous devions, d’abord et avant tout, mettre sur pied un comité de parlementaires chargé de la surveillance, comme cela aurait dû se faire il y a deux ans, quand la loi a été modifiée. Nous allons remédier à la situation en créant ce comité de parlementaires. Cela est prévu dans le projet de loi C-22.

Le projet de loi a franchi l’étape de la deuxième lecture à la Chambre et il est maintenant étudié par le comité permanent de la Chambre des communes. Dans quelques jours, la ministre Chagger et moi comparaîtrons devant ce comité en notre capacité de ministres et j’espère que ce projet de loi aboutira très rapidement au Sénat, afin que vous l’étudiiez à votre tour.

Cela, c’était notre premier engagement et nous sommes en bonne voie de le réaliser.

Notre deuxième engagement a été de lancer une nouvelle initiative de sensibilisation communautaire et de lutte contre la radicalisation. Je suis heureux de vous signaler que les fonds nécessaires pour lancer ce projet ont été prévus dans le budget du printemps de M. Morneau et que nous sommes en train de recruter les personnes qui travailleront dans le cadre de cette initiative afin que le Canada soit en mesure de faire de son mieux pour repérer les risques de radicalisation et intervenir ensuite de façon efficace pour éviter toute tragédie.

L’Aga Khan a souvent dit que le Canada est la plus belle expression de pluralisme que le monde ait connu. Si nous voulons continuer de mériter cette réputation et maintenir ce bilan, nous devrons exceller dans tout cet exercice de lutte contre la radicalisation en comprenant le phénomène et en nous y attaquant efficacement.

Certaines municipalités au Canada ont pris de l’avance. C’est le cas de Montréal ainsi que de Calgary et d’autres villes un peu partout au pays. Nous devons créer ce réseau et en rapprocher les acteurs. C’est ce que nous avons commencé à faire.

Nous avons également indiqué que nous voulions donner suite à six modifications législatives dans le cas du projet de loi C-51. Le premier concerne la primauté de la Charte, puisque nous voulons faire en sorte que la Charte soit pleinement respectée. Le deuxième concerne la protection du droit de manifestation civile, qui doit demeurer entier. Troisièmement, il nous faut disposer d’une définition plus précise de l’expression « propagande terroriste » que celle très générale actuellement employée dans la loi.

Quatrièmement, il faut préciser les règles d’appel relativement aux inscriptions sur les listes d’interdiction de vol, puisque le libellé actuel de la loi n’est pas satisfaisant. Des problèmes se posent au sujet des mandats appliqués dans le cadre des activités du Centre de sécurité des télécommunications et du ministère de la Défense nationale. Il convient d’apporter des précisions. Enfin, il faut prévoir un examen triennal de toutes les lois canadiennes de lutte contre le terrorisme.

Voilà les engagements très précis que nous avons pris dans notre plateforme. Tous seront mis en œuvre.

Nous sommes en train de consulter les Canadiens pour savoir ce qu’ils désirent d’autre dans leur cadre de sécurité nationale, afin que nous puissions lui donner la forme que les Canadiens souhaitent pour l’avenir plutôt que d’en faire une pâle réplique du contenu du projet de loi C-51. Il y a deux ans, les Canadiens n’ont pas eu l’occasion d’être invités à ce genre de consultation. Nous sommes déterminés à leur donner voix au chapitre.

Nous organisons des tables rondes et des assemblées publiques. Personnellement, je rencontre de nombreux experts sur tous les aspects de cette question. Nous effectuons aussi une consultation en ligne. Tout le monde est invité à participer. Jusqu’à maintenant, nous avons reçu plus de 9 000 réponses en tant que telles et environ 7 000 de ce qu’on pourrait appeler des pétitions ou des lettres. C’est énorme, comme rétroaction, et le site web demeurera en service jusqu’au 1er décembre pour que les Canadiens qui veulent s’exprimer puissent encore le faire.

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Quand tous ces renseignements seront compilés, nous ferons rapport aux Canadiens de ce que nous avons entendu; ils auront ainsi un portrait précis et détaillé de ce que leurs concitoyens avaient à dire. Le gouvernement se fondera ensuite sur les commentaires et suggestions des gens pour présenter une mesure législative le plus tôt possible l’année prochaine.

Nous comprenons l’urgence et nous savons que les Canadiens ne veulent pas que nous manquions notre coup. Nous allons tout faire pour répondre à leurs attentes.