1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 101
Le jeudi 2 mars 2017
L’honorable George J. Furey, Président
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les États-Unis—L’entente relative aux tiers pays sûrs
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader et elle porte sur l’entente relative aux tiers pays sûrs.
Monsieur le leader, vous avez consacré une bonne partie de votre vie à ce dossier et vous connaissez très bien le règlement sur les tiers pays sûrs. Comme vous le savez, pendant de nombreuses années, il n’y avait pas de règlement sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis parce que le Canada avait de fortes réserves, particulièrement au cours de la période d’asile précédente où les réfugiés provenaient d’Amérique centrale et faisaient face à des difficultés aux États- Unis.
L’Entente sur les tiers pays sûrs conclue avec les États-Unis stipule que, puisque le Canada et les États-Unis sont deux pays sûrs où s’établir, il faut refuser les réfugiés qui font une demande d’asile à un poste frontalier situé à la frontière des États-Unis. Si je comprends bien, s’ils se présentent à un poste-frontière officiel, on leur demandera immédiatement de rebrousser chemin.
Cette entente partait du principe que nos voisins du Sud maintiendraient en matière d’accueil de réfugiés des politiques ayant pour objectif d’aider ceux qui en ont le plus besoin. Malheureusement, le décret présidentiel de l’administration actuelle, qui interdit l’immigration en provenance de l’Iran, de l’Irak, de la Libye, de la Somalie, du Soudan, de la Syrie et du Yémen pendant une période de 90 jours, met en doute ce principe. Je sais que ce décret pourrait être revu, mais il reste l’interdiction de 120 jours qui vise la réinstallation de réfugiés.
Monsieur le leader, ne serait-il pas approprié de revoir l’Entente sur les tiers pays sûrs conclue avec les États-Unis?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Son expérience dans le domaine est longue et remonte à bien avant sa nomination au Sénat.
Je voudrais faire remarquer que l’Entente sur les tiers pays sûrs est l’une des composantes majeures du processus de détermination du statut de réfugié au Canada.
Les sénateurs le savent tous, nos engagements en matière de détermination du statut de réfugié sont liés à un traité international. Le Canada doit donc respecter ses obligations conventionnelles envers les demandeurs d’asile lorsqu’ils arrivent au pays.
L’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis est, comme la sénatrice l’a si bien souligné, une entente conclue par les gouvernements des deux pays et stipulant que le règlement des demandes doit se faire dans le premier pays d’arrivée. L’entente comprend des exceptions, notamment lorsque des membres de la famille du demandeur habitent déjà au Canada. Je crois que 98 p. 100 des exceptions concernent les membres de la famille. C’est également vrai dans le cas des demandeurs qui se présentent aux postes frontaliers.
Le ministère surveille de près la situation entre les postes frontaliers. Il continuera d’y avoir, comme toujours, des discussions de haut niveau avec nos amis américains au sujet du mouvement irrégulier de personnes, mais, pour l’instant, le gouvernement du Canada est d’avis que l’Entente sur les tiers pays sûrs demeure une composante majeure de la structure bilatérale avec les États-Unis. Cela ne l’empêchera toutefois pas de continuer à suivre de près l’évolution de la situation. Je peux assurer à tous les sénateurs que le gouvernement du Canada demeure toujours aussi résolu à assurer la protection des réfugiés.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, merci beaucoup de votre réponse. Je sais que c’est un enjeu très difficile, et je sais que le gouvernement continuera d’examiner cet accord pour déterminer pendant combien de temps il demeurera en vigueur.
Monsieur le leader, je reçois chaque jour des appels de trois ou quatre musulmans qui me demandent s’ils devraient aller aux États- Unis. Que leur arrivera-t-il? Notre pays sera-t-il là pour les aider s’ils sont détenus? Je parle ici de Canadiens. Cette question me tient très à cœur et j’espère que je réussirai à bien exprimer ma pensée.
Ces jours-ci, on dirait qu’il y a, d’un côté, les Canadiens musulmans, et, de l’autre côté, le reste des Canadiens. Il semble n’y avoir personne pour défendre les musulmans canadiens qui se font détenir aux États-Unis et qui se font poser un tas de questions. On dirait que le gouvernement n’est pas là pour les aider.
Monsieur le leader, je comprends qu’il y a une question de souveraineté et je comprends aussi que les musulmans n’ont pas besoin d’aller aux États-Unis, mais ils peuvent avoir à s’y rendre pour de multiples raisons. Ils peuvent devoir y aller pour voir de la famille, pour étudier ou même pour travailler. Ils peuvent perdre leur emploi s’ils n’y vont pas. Les gens vont aux États-Unis pour toutes sortes de raisons. Ce pays est notre voisin. Je n’ai pas l’impression que le gouvernement est là pour nous et qu’il dit : « Si vous vous en prenez à un Canadien, nous le défendrons, parce que nous défendons tous les Canadiens. »
Quand le gouvernement défendra-t-il vigoureusement nos intérêts en disant qu’un Canadien est un Canadien?
Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Selon moi, le gouvernement défend déjà activement les droits des Canadiens. On n’a qu’à penser au projet de loi sur la citoyenneté dont le Sénat est saisi.
Je peux vous donner l’assurance que des services consulaires sont offerts aux Canadiens qui estiment que leurs droits et libertés ne sont pas entièrement respectés, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs dans le monde.
Pour ce qui est de la partie de votre question portant sur le ton, je tiens à vous assurer que ces enjeux sont abordés aux plus hauts échelons du gouvernement avec la nouvelle administration américaine. Je souhaite assurer aux Canadiens que le gouvernement est pleinement déterminé à faciliter leurs déplacements à la frontière — pour être honnête, ceux des Américains aussi — puisque nous avons une relation économique et sociale avec les États-Unis qui est importante pour nos familles, notre travail et notre notion de l’espace ici, en Amérique du Nord.
Il s’agit d’un sujet très important, et je remercie l’honorable sénatrice de soulever ces inquiétudes.
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les États-Unis—L’Entente sur les tiers pays sûrs
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : J’aimerais vous poser une question complémentaire, monsieur le leader. Un jeune garçon qui s’est beaucoup entraîné voyage avec son équipe sportive québécoise. À la frontière, il est le seul membre de l’équipe à être refoulé, et ce, parce qu’il est musulman. Les membres de sa communauté me demandent pourquoi le gouvernement n’a pas défendu ce jeune garçon.
Je ne doute pas que le ministre Goodale et le premier ministre font valoir en coulisse que tous les Canadiens sont égaux. Toutefois, comment peut-on veiller à ce que ce jeune garçon, dont la carrière repose entièrement sur le milieu sportif, ne soit plus refoulé à la frontière, ou à ce que, en pareil cas, le gouvernement le défende publiquement et affirme qu’une situation semblable est inacceptable?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Comme elle l’a indiqué dans sa question précédente, cela relève du droit souverain d’un pays de déterminer lui-même les règles et les procédures à appliquer aux arrivants.
Je souligne que la même question a également été posée au sujet des Américains qui retournent aux États-Unis. Comme le gouvernement des États-Unis est au pouvoir depuis peu, je garde espoir que le décret prévu au cours des prochains jours ainsi que son application donneront aux Canadiens et à tous les arrivants aux États-Unis l’assurance qu’ils seront traités de façon juste et équitable.