L’été dernier, j’ai écrit un billet de blogue dans lequel je demandais au gouvernement fédéral d’adopter une analyse strictement fondée sur la race qui comprendrait, sans s’y limiter, la collecte de données ventilées selon la race ou sur la race. Des mois plus tard, cette vision est très près de se réaliser.

Au cours des derniers mois, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, que j’ai l’honneur de présider, n’a ménagé aucun effort pour étudier le projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir). Ce dernier propose des changements au régime actuel de l’aide médicale à mourir (AMM).

Ces nouveaux changements font suite à une décision juridique rendue par la Cour supérieure du Québec en 2019. La Cour avait alors statué que le projet de loi initial, C-14, était discriminatoire pour les personnes handicapées, puisqu’il refusait aux personnes dont la mort n’est pas « raisonnablement prévisible » l’accès à l’AMM.

Dans le cadre de ses travaux, le Comité a montré que l’AMM concerne les personnes les plus vulnérables et les plus malades, mais qu’elle n’est pas une option de traitement et ne doit pas être traitée comme telle. Cependant, un aspect a été négligé : il s’agit de la façon dont ce projet de loi pourrait affecter les Canadiens racialisés.

Durant son étude du projet de loi C-7, le Comité a reçu le ministre de la Justice qui a expliqué qu’aucune analyse ou examen de la race n’a été réalisé pendant la rédaction du projet de loi, faute des données nécessaires pour y arriver.

Lorsque j’ai interrogé des fonctionnaires des ministères de la Santé et de la Justice sur la négligence avec laquelle la vie des Canadiens racialisés est traitée, Abby Hoffman, conseillère exécutive principale du sous-ministre de la Santé, m’a répondu que :

« en ce qui concerne le régime fédéral de surveillance, nous ne collectons pas de données sur la race ni aucune autre information sur l’origine ethnique ». Elle a poursuivi en disant :

« Si vous parlez des données sur la race liées à l’AMM ou à l’accès aux services de santé de manière plus générale à l’échelle fédérale, je dirais que la réponse est non. [traduction] ». Ainsi, le gouvernement ne fait actuellement aucun effort pour recueillir les données de près d’une personne sur quatre, ou 25 % de la population canadienne. Dire que j’ai été choqué d’entendre cela serait un euphémisme.

Je me suis demandé comment les législateurs et les parlementaires sont censés prendre des décisions éclairées tout en veillant à la mise en place de politiques appropriées et utiles sans avoir accès à des données. Comment pouvons-nous même commencer à résoudre nos problèmes et les empêcher de s’envenimer si nous ne disposons pas d’information?

Voilà pourquoi j’ai proposé un amendement au projet de loi C-7 qui, s’il est adopté, élargirait les pouvoirs de Santé Canada afin de permettre la collecte systématique de données sur la race à l’échelle nationale. Je demandais aussi par la voie de cet amendement que les données soient utilisées pour cerner les inégalités fondées sur la race et la manière dont la race interagit avec d’autres formes d’inégalité systémique au titre de l’aide médicale à mourir.

J’ai été touché quand mon amendement a été adopté quasiment à l’unanimité par un vote par oui ou par non. Ainsi, tous mes honorables collègues l’ont appuyé, à l’exception du sénateur Gold, représentant du gouvernement au Sénat, qui s’est abstenu.

La prochaine étape consiste à faire en sorte que cet amendement équitable soit adopté à la Chambre des communes. Que cela se produise ou non, il ne fait aucun doute que je continuerai de lutter contre le racisme systémique et de veiller à ce que la voix de tous les Canadiens, quelle que soit leur race, soit non seulement entendue, mais aussi représentée à l’échelle du gouvernement.