Dans mon récent blogue intitulé « Le Canada doit se livrer de façon urgente à une analyse fondée sur la race de toutes les politiques en vigueur à l’échelle du gouvernement », j’ai exhorté le gouvernement fédéral à adopter et à mettre en œuvre des stratégies de lutte contre le racisme, sous toutes ses formes, au Canada. La croissance du mouvement mondial de lutte contre le racisme envers les Noirs, dont fait partie la manifestation tenue le 5 juin à Ottawa, témoigne de la nécessité d’une telle mesure. Depuis, et même auparavant, le premier ministre, les députés et les sénateurs se sont engagés à instaurer les changements systémiques qui s’imposent afin de mettre fin au racisme honteux qui demeure un fléau dans notre pays.

Ces paroles doivent se traduire en gestes concrets. Voilà pourquoi je renouvelle un appel qui m’importe depuis longtemps. En effet, en 2009, dans un discours prononcé au Sénat, j’ai fait valoir la nécessité de créer un comité du Cabinet chargé d’étudier le racisme au Canada et d’éclairer les dirigeants du gouvernement sur les meilleures façons de mettre en œuvre des stratégies et des politiques de lutte contre ce racisme.

Nous en avons suffisamment entendu. La création d’un comité du Cabinet chargé d’étudier le racisme au Canada donnerait au Parlement du Canada et au premier ministre l’occasion de devenir des chefs de file mondiaux en matière de lutte contre le racisme. Nous ne pouvons pas les laisser passer à côté de cette occasion. Nous ne pouvons non plus les laisser se soustraire à leur responsabilité face aux appels à l’action désespérés des Canadiens racialisés. J’entends leurs cris et leurs appels au changement. Je constate fréquemment la souffrance autour de moi, et je la dénonce. La création d’un comité du Cabinet chargé d’étudier le racisme au Canada est au cœur des mesures urgentes et soutenues à prendre à long terme contre le racisme.

À son arrivée au pouvoir, en 2015, le gouvernement fédéral, qui détenait alors la majorité à la Chambre des communes, a été félicité pour sa création du Comité du Cabinet chargé de la diversité et de l’inclusion. Puis, en 2018, le premier ministre a décidé de fusionner ce comité avec le Comité du Cabinet chargé de la croissance de la classe moyenne, créant ainsi le Comité du Cabinet chargé de la croissance de la classe moyenne et de l’inclusion. À l’heure actuelle, en 2020, le gouvernement fédéral, maintenant minoritaire, a constitué le Comité du Cabinet chargé de la santé et des affaires sociales. Ce comité nouvellement créé est « responsable d’initiatives qui permettront d’améliorer la santé, la qualité de vie et la sécurité économique des Canadiens, entre autres, en appuyant et en faisant la promotion d’un Canada diversifié et inclusif ».

Je suis extrêmement déçue que cette description ne mentionne ni le racisme ni la lutte contre le racisme comme faisant partie du mandat prioritaire du comité. Je crois fermement que, pour surmonter les maux sociaux qui affligent notre société, notamment la marginalisation, la discrimination, la violence fondée sur la race et le racisme flagrant, nous devons d’abord les nommer et les dénoncer ouvertement. Comment le gouvernement entend-il rassurer le public canadien et lui faire comprendre qu’il est prêt à travailler concrètement pour casser les attitudes et les comportements racistes aux origines anciennes, alors qu’il n’est même pas prêt à reconnaître ouvertement la nécessité de le faire au Parlement?

Certains diront peut-être que la formation d’un comité est un processus qui prend du temps et qui exige une mûre réflexion, si bien qu’il ne peut pas être précipité. Toutefois, le gouvernement a réagi, en ce qui a semblé l’espace d’un instant, à la pandémie mondiale en établissant le Comité spécial du Cabinet chargé de la réponse fédérale à la maladie à coronavirus (COVID‑19). Le racisme est aussi une pandémie mondiale qui requiert une intervention politique semblable et tout aussi urgente.

Malgré tout le respect que je dois à mes collègues parlementaires, la solution de rechange du gouvernement fédéral, qui consiste à diluer le discours réclamant la mise sur pied de politiques et la prise de mesures urgentes pour lutter contre le racisme, dénote, au mieux, un manque de vision, et, au pire, une inconscience frustrante. Cette inaction et cette approche hésitante à l’égard de la réalité qu’endurent les Canadiens racialisés partout au pays et qui va en s’aggravant sont inacceptables. Personnellement, je ne les accepte pas et ne les accepterai jamais.

Partout dans le monde, des pays disent que c’en est assez. C’en est assez de fermer les yeux sur le racisme. C’en est assez de laisser impunis les actes de violence raciste insensés. C’en est assez de garder le silence au sujet d’un problème qui exige haut et fort un leadership et une intervention politiques concrets et de longue durée.

Le Canada continue d’être vu comme un chef de file mondial en matière de respect et de défense des droits de la personne. À une époque de notre histoire où nous observons le façonnement d’une nouvelle ère politique, nous ne pouvons pas laisser cette réputation se ternir en raison de notre inaction. Les parlementaires écoutent et entendent depuis longtemps les appels désespérés au changement qui fusent de part et d’autre du pays. Il est maintenant temps d’agir. N’abandonnez pas les Canadiens racialisés à leur sort. Nous comptons tous sur vous.